20 janv. 2015

Transmettre les odeurs : quand le "Smell the dotcom" devient une opportunité tangible pour l’agroalimentaire

Olfaction café

Partager des odeurs via internet : un rêve de science-fiction que la technologie ne nous a pas encore permis d’atteindre. Et pourtant, les sciences nous laissent contemplatifs : aujourd’hui, un robot foulant le sol de Mars est capable de nous transmettre des données en 20 minutes seulement ! Projetez-vous une seule seconde : vous sentez les effluves de café lorsque George se délecte sur l’écran du téléviseur. Pouvez-vous-même imaginer le gain en efficacité de cette publicité en y ajoutant une dimension olfactive ?  Le « web des senteurs » : en sommes-nous encore si loin ? Un symposium se tiendra justement à Dijon fin juin sur les avancées spectaculaires dans ce domaine, depuis la commercialisation du "Nez électronique", il y a 20 années déjà. Enrichir l’expérience des consommateurs par la transmission d’odeurs : un rêve de science-fiction à portée de mains pour des applications agroalimentaires évidentes.

[Merci à Patrick MIELLE, de l’INRA Dijon et organisateur du Symposium ISOEN 2015 pour la co-rédaction de cet article]

De l’importance des odeurs : un rôle avant tout social

Pourquoi s’intéresser aux odeurs, quand les consommateurs à travers le monde mentionnent avant tout le « goût » comme principal critère de choix des produits alimentaires ? D’une part, évidemment, parce que les senteurs jouent un rôle essentiel dans notre perception du goût des aliments (notamment en bouche, par la fameuse rétro-olfaction). Mais aussi parce que le rôle des odeurs dans nos relations avec notre environnement recèle un potentiel encore insoupçonné. Saviez-vous que, bien que le sens le plus développé chez l'humain soit la vision (plus de la moitié de notre cerveau est impliqué dans le traitement des signaux visuels), les gènes impliqués dans le système olfactif sont beaucoup plus nombreux que pour n'importe quel autre sens ? Et si l'on n'a pas encore réussi à prouver l'existence de phéromones chez l'humain (bien que l'on les soupçonne cependant depuis longtemps de gouverner l'attirance vers nos congénères), celles-ci ont été identifiées chez le lapereau, et leur rôle caractérisé, par une équipe du CSGA de Dijon. Du lapin à l’homme, soyez-en certains : aux yeux de la science, il n’y a qu’un pas. L'étau se resserre donc autour du rôle des odeurs et des autres composés volatils non odorants dans notre vie quotidienne et sociale.

Contrôle et diffusion d’odeurs : un petit retour en arrière

En réalité, l'idée d'enrichir l'expérience utilisateurs par des senteurs ne date pas d'aujourd'hui. Il y a presque un siècle, en 1929, des odeurs étaient diffusées depuis le plafond du théâtre lors de la comédie musicale The Broadway Melody (1929). Une technologie alors très limitée, puisque la senteur mettait près d'une heure à se dissiper. Evénements sportifs (comme le Rose Bowl Game de 1958), ou pendant la projection de films : dans les années 1950, deux systèmes concurrents Smell-O-Vision et Aromarama pouvaient diffuser jusqu'à 100 odeurs.

Plus près de nous, le projet Tele-smell lancé par la compagnie de communication Pacific Northwest (1998), a marqué le début de l'idée de la télétransmission d'odeurs. La France était à ce moment à la pointe de la recherche dans ce domaine, avec par exemple la société Exhalia et son Olfactive Knowledge Marketing, ou encore Indigo et son diffuseur d'odeurs pour les points de vente. France Telecom (l'ancêtre d'Orange, souvenez-vous) était également en pole position de la recherche, dans l’objectif de trouver de nouveaux moyens de génération de contenu pour attirer le consommateur sur la toile.

Mais la bulle internet a explosé, et le Web 2.0 a tout balayé en faisant place nette au e-commerce et au marketing bien plus inventif, même s’il reste basé sur des technologies éprouvées, utilisées principalement pour le paiement en ligne.

Des shooter d’arômes : ce que la technologie nous promet

Savez-vous que le vin de Chardonnay, seul cépage cultivé sous toutes les latitudes, contient plus de 1000 composés identifiés, dont certains, responsables du "bouquet", c'est à dire de la qualité organoleptique, ne sont présents qu'à des concentrations inférieure au ppb (partie-par-billion, soit milliardième) ? Depuis le prix Nobel décerné à Buck et Axel en 2004 pour leurs travaux fondamentaux sur les principes de l'olfaction humaine, la perception des odeurs et des arômes s’est un peu mieux dévoilée à nous. Mais le mélange d'odeurs reste un phénomène très complexe, qui n'est pas encore complètement appréhendé dans son intégralité.

Pour parfumer le Web, on pourrait penser utiliser une sorte d'"imprimante à odeurs", qui utiliserait des cartouches "d'odeurs fondamentales". Tout comme nos imprimantes de bureau qui, utilisant le système quadrichromique « CMJN », peuvent reproduire quasiment à la perfection des millions de couleurs.

Simple, non ? Disons, plutôt simpliste... Malheureusement, il n'existe pas d'odeurs élémentaires qui permettraient de recréer un arc-en-ciel d'odeurs. Et si je voulais même vous désorienter, j’irai même jusqu’à dire que les odeurs n'existent pas. Le concept d'odeur n'est en fait que la représentation conceptuelle d'un mélange de molécules volatiles qui s'est égaré dans notre nez. D’ailleurs, ce que vous appelez vanille sera peut-être qualifié autrement par une autre personne qui aura une autre culture, un autre vécu. Il suffit également de consulter les catalogues de fournisseurs d'arômes pour constater qu'il existe des dizaines de produits répondant au nom « arôme vanille », suivant qu'ils sont destinés à des crèmes dessert, à des glaces, à des gâteaux, etc.

Cependant, la technologie a fait de gros progrès au cours de la dernière décennie, principalement avec l'avancée des « MEMS », des micro-mécanismes usinés à une taille de quelques microns. Ces MEMS sont utilisés par exemple dans les Airbags ou les détecteurs de mouvement des consoles de jeu, ainsi que dans les têtes d'impression des imprimantes personnelles dont je parlais plus haut. Des merveilles technologiques capables d'éjecter des gouttelettes d'encre d'un volume de seulement 10 pl (soit 10-12, 10 millionièmes de millionièmes de litre !). Une technologie d’ « impression » donc possible pour transmettre des odeurs… Mais aux limites rapidement mesurées : une cartouche individuelle serait nécessaire pour chaque odeur.

Pourtant, ce dispositif est d'ores et déjà commercialisé comme plugin pour smartphone : il vous envoie alors l'odeur de votre choix quand vous recevez un SMS de votre contact favori. Mais lorsqu'on veut entrer dans le monde des arômes réels, ces dispositifs s'avèrent totalement dépassés.

Des limites… bientôt franchies ?

En dehors du délicat mélange d'odeurs à des concentrations très précises, il existe d'autres limitations aux "Aroma shooters". Les effets mémoire, par exemple : c'est à dire la stagnation non désirée des odeurs après disparition de l'émission. La durée de cet effet est différente d'une odeur à l'autre, et le mélange odorant change de qualité odorante au fil du temps, comme les différentes notes de tête, de cœur et de fond d’une fragrance. D’autre part, il est quasiment impossible de gérer la diffusion spatiale des odeurs (ce que les anglo-saxons nomment "Odor plume"), cette sorte de nuage qui se propage au gré des courants d'air, des turbulences ou des gradients de température dans une pièce. Pour arriver à maitriser, d'une part, la concentration, et d'autre part, la diffusion de l'odeur vers le nez humain, il faudrait que le diffuseur soit au plus proche des narines. Il faut bien reconnaître : si les gens sont habitués à porter des petits écouteurs depuis le début des années 80, ils ne sont probablement pas encore mûrs pour porter des tuyaux dans les narines !

Alors, comment progresse la recherche dans le domaine ? Et quelles opportunités d’applications promet-elle à court terme pour les industriels ? Les réponses à vos questions sur la transmission des odeurs seront abordées lors du 16° Symposium International ISOEN 2015, organisée pour la première fois à Dijon en juin 2015 (accéder au site internet ici). Alors… sentez-vous le progrès technologique venir à vous ? 

Pour plus d'information sur le symposium ISOEN 2015 : http://isoen.org/

Appel à abstracts à télécharger sur :

https://colloque6.inra.fr/isoen2015/content/download/362/3374/version/1/file/ISOEN2015-FinalCall.pdf

[Article rédigé avec Patrick MIELLE, de l’INRA de Dijon, et organisateur du symposium ISOEN 2015 ]

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