« Nous créons un lien entre consommateurs et producteurs » : les coulisses du modèle innovant de Frais d’Ici

Un premier magasin ouvert à Portet-sur-Garonne en octobre 2014. Un second magasin inauguré à Chenôve, dans la banlieue de Dijon, en octobre 2015. « Frais d’Ici », l'enseigne alimentaire portée par Invivo et qui répond à la volonté de rapprochement des consommateurs et des producteurs, étend son périmètre. Car le besoin est là : 82% des Français ont l’intention de s’orienter de plus en plus vers une consommation directement en provenance des producteurs (voir notre infographie). Comment rapproche-t-on consommateurs et producteurs ? Découvrez ci-dessous les coulisses de la mise en œuvre du projet Frais d’Ici, avec les témoignages Jean-Loup Desclozeaux, chef de projet distribution alimentaire, et de Christelle Jeanroch, directrice du magasin de Chenôve.

Prendre le temps nécessaire, et construire un environnement propice

Passer de l’idée innovante à la réalisation du projet ne se fait pas en quelques jours. Jean-Loup Desclozeaux le reconnait : « le projet de Frais d’Ici était en maturation depuis 3 à 4 ans avant l’installation du premier magasin, dans la banlieue de Toulouse. » Le temps nécessaire, d’un part, à la précision du concept : « les équipes et partenaires d’Invivo ont dessiné les contours de ce modèle innovant, grâce au soutien de différents cabinets de consultants », ajoute-t-il, nous rappelant que le concept développé par Frais d’Ici était véritablement précurseur à son origine.

D’autre part, cette période a été mise au profit de l’établissement d’un environnement propice : « Pour cette première enseigne, Invivo s’est rapproché de quatre coopératives locales. Pour l’enseigne de Chenôve, deux coopératives locales se sont associées au projet : Bourgogne du Sud, et Dijon Céréales. Des vrais atouts pour que l’environnement local soit prêt à nous accueillir. »

Au cœur du modèle : la proximité

Au cœur de la stratégie du concept élaboré par Invivo, quatre notions centrales : la proximité, le goût, le prix juste et le partage.

« L’idée est de proposer aux consommateurs une offre très volontariste sur ces critères d’achat. La tendance de la consommation responsable était encore émergente il y a 5 ans. Aujourd’hui, c’est très palpable : de plus en plus de Français s’orientent par exemple vers des achats au local. Avec notre concept, nous apportons une réponse en créant un lien entre consommateurs et producteurs ».

M. Desclozeaux précise : « Ce lien de proximité passe tout d’abord par la traçabilité très précise de nos produits. Une traçabilité au sens règlementaire, bien entendu, mais également dans un sens plus large, en racontant la genèse des produits », ajoute-t-il. Car pour M. Desclozeaux, la proximité n’est surtout pas une question d’affichage : « il s’agit avant tout d’apporter des preuves, chaque jour, aux consommateurs. Pour cela, nous exploitons plusieurs leviers :

• Le sourcing des produits : nous fonctionnons par cercles concentriques, en recherchant déjà au plus proche de nous (moins de 50km) la réponse aux besoins des consommateurs, et en élargissant au fur et à mesure. A date, 75% de notre offre provient de la Bourgogne Franche-Comté.
  
  
• La mise en valeur et l’étiquetage des produits : nous racontons l’histoire du produit, qui l’a fabriqué ou cultivé. Photo du producteur, nom et prénom, commune de production, etc. Nous ne nous contentons pas d’indiquer la région d’origine. Le consommateur sait si précisément l’origine de son produit qu’il pourrait se rendre sur place pour le vérifier.
  
  
• Les animations en magasin : chaque semaine, nous proposons soit une rencontre avec producteurs, soit une dégustation animée par nos chefs de rayon. Cela ramène de l’humain au cœur de la relation. »

Derrière cette proximité, les consommateurs trouvent aussi de la transparence, essentielle au lien de confiance. Sur ce sujet, je vous invite à lire la lettre Observatoire des Tendances n°8 et notre dossier « Développer la reliance » (accessible dans la rubrique Ressources de l'Espace Innovation, uniquement pour les adhérents de Vitagora). « Cette transparence était très attendue », conclut M. Desclozeaux, se félicitant des excellents résultats obtenus à l’ouverture du magasin.

Le goût, accessible à tous

Deuxième notion centrale à la stratégie de Frais d’Ici : le goût. « C’est le premier critère d’achat alimentaire », rappelle M. Desclozeaux. Là encore, les moyens ont été étudiés pour apporter les garanties nécessaires. « Nos chefs de rayons goûtent l’intégralité des produits proposés. D’une part, ils s’assurent que le produit est conforme aux attentes – cela nous arrive d’ailleurs d’en refuser. D’autre part, cela leur permet de savoir précisément ce qu’ils vendent, et de faciliter les échanges avec les clients, en rayons ou lors des séances de dégustations. »

Sur le critère « goût » également, Jean-Loup Desclozeaux souligne les bénéfices d’un approvisionnement local. « Comme nous nous fournissons à 75% dans la région Bourgogne Franche-Comté, nous pouvons garantir la fraîcheur de produits. Par exemple, entre le moment de la cueillette et sa mise en rayon, il s’écoule au maximum 24h.

Adossée au goût, l’accessibilité joue un rôle tout aussi primordial : « nous n’avons pas pour objectif de devenir une épicerie fine, » précise-t-il. « Dans le concept de Frais d’Ici, le bien manger – c’est-à-dire le manger sain, local, et savoureux – doit être accessible au plus grand nombre. Nous ajustons le niveau de prix proposé en cohérence avec les prix du marché. » Un objectif qui nécessite un discours pédagogique et explicatif envers les producteurs : « ils sont tout à fait réceptifs à notre positionnement ; ils comprennent que, si un fromage est 5 fois plus cher qu’un autre, il ne trouvera pas de clientèle. »

La clé de la réussite : la collaboration gagnant-gagnant

A peine plus d’un mois après son ouverture, Frais d’Ici enregistre plus de 600 clients par jour, soit 25% de plus que les objectifs visés. Si le concept fonctionne si bien, Christelle Jeanroch, directrice du magasin, l’explique également par la bonne entente avec les producteurs.

« A l’annonce de l’implantation du magasin, la réception du côté des producteurs a été très bonne. Spontanément, ils nous sollicitent pour commercialiser leurs produits. Ils sont fiers de leur métier, de leur production. Souvent, c’est même une passion pour eux. Nous leur offrons une visibilité très attendue, une reconnaissance, et un retour direct de la part des consommateurs qu’ils ne peuvent obtenir dans les circuits de distribution classiques. Nous ne sommes pas dans une relation de distributeurs à producteurs : nous sommes du même monde, ce qui facilite la compréhension. Et même si nous échangeons sur  le prix, cela se fait dans un objectif de gagnant-gagnant. Nous aurons tout gagné lorsque nos producteurs auront augmenté leur chiffre d’affaire ».

Pour aller plus loin

Proximité avec les producteurs, dimension humaine, et réassurance des consommateurs sont les mots d’ordre derrière la démarche de Frais d’Ici. En avril 2015, Laurent VIDAL nous présentait le concept quelques mois avant l’ouverture du magasin à Chenôve. Retrouvez sa conférence en vidéo.