28 juin 2016

Demain, des insectes au menu ? Ce à quoi il faut (vraiment) s’attendre

Des insectes au menu ?

L’entomophagie : un sujet brûlant de l’innovation agroalimentaire de rupture, dont la presse s’empare à tout-va, comme avec cet article « Edible insects: let’s look at what’s on the menu ? » publié dans le très sérieux FoodNavigator. Pas étonnant : certains frissonnent, d’autres s’enthousiasment, et d’autres encore sont curieux, mais personne n’y reste insensible. Alors que de prometteuses start-ups de la foodtech développent leurs produits à base d’insectes et que l’offre alimentaire se multiplie, à quel avenir entomophage les industriels de l’agroalimentaire doivent-ils se préparer ? Les consommateurs européens vont-ils révolutionner le contenu de leur assiette dans les décennies à venir ? Retour sur cet engouement collectif, avec la contribution de Jean-Michel Chardigny, directeur de recherches Inra au Département Alimentation Humaine, et expert sur la question du sourcing durable en protéines.

Des insectes comestibles au menu ? Résumé de l’article de FoodNavigator

Auparavant limitée à certaines frontières asiatiques, sud-américaines et africaines, la consommation d’insectes est en passe de mondialisation. Dans les pays européens, où les insectes comestibles font leur première apparition pour l’alimentation humaine, quels types d’aliments l’industrie alimentaire doit-elle développer pour répondre à la demande ? Cet article revient sur des opportunités de produits à base d’insectes – tout en rappelant qu’il ne s’agit, pour le moment, que d’hypothèses quant à leur viabilité sur le marché :

  • Dans des produits snacking et énergétiques, comme les barres pour sportifs, hyper-protéinées
  • Dans les produits apéritifs
  • En farine, mais se pose ici la question de la transformation des insectes – une transformation encore très coûteuse car pas encore développée à l’échelle industrielle. Cette farine pourrait servir de base à des pâtes alimentaires hyper-protéinées, des nuggets, burgers, ou boulettes par exemple.

Bruts ou transformés : deux axes de développement, deux stratégies de marché

Une fois passé l’enthousiasme (certains diront, le facteur « beurk ! »), notons tout d’abord qu’exploiter les insectes pour l’alimentation humaine peut s’envisager de deux façons :

  • En transformant les insectes pour obtenir un ingrédient

Une façon d’obtenir de la farine protéique sans dépendre de la culture de certains végétaux, comme le soja par exemple. Une étude française de 2015 intitulée « La comestibilité des insectes : étude exploratoire chez les jeunes consommateurs français » (accéder ici à l’étude complète) démontre que la transformation des insectes apparaît comme un levier essentiel de l’acceptabilité des consommateurs pour ce produit alimentaire : "Le danger et le dégoût, facteurs de non comestibilité, sont encore plus vivement exprimés à la vue de l’insecte entier et s’opposent à la motivation expérientielle de défi et de transgression que représente la consommation d’insectes. […] Ainsi, la comestibilité des insectes pourrait être favorisée par trois facteurs : la familiarisation pour dépasser l’aversion, la transformation de l’insecte pour surmonter le dégoût et la communication pour réduire le danger perçu".

  • En utilisant les insectes de manière brute (souvent entiers)

Familiariser, communiquer, pour améliorer l’acceptabilité des insectes entiers : c’est ce que fait Jimini’s, membre de Vitagora, dont le chiffre d’affaires a été multiplié par 300% en seulement 1 an ! Sur un ton décalé et ludique, cette start-up propose des criquets curry fruité ou des criquets poivre et tomates séchées pour l’apéritif, des barres énergétiques chocolat/figues/farine de grillon, ou encore des grillons fumés au barbecue pour grignoter. Une offre de produits qui joue sur la tendance « expérience » et « aventures », et qui trouve ses consommateurs : jeunes (50% des moins de 35 ans seraient prêts à goûter des insectes – source : Attitudes et Marques), urbains, à l’affût des tendances alimentaires.

Alors, engouement temporaire ou changement pérenne des habitudes ?

Pour y voir plus clair sur la viabilité de l’entomophagie, je suis allée voir Jean-Michel Chardigny, directeur de recherches Inra au Département Alimentation Humaine. Il vient notamment de publier Ce qui va changer dans mon alimentation au quotidien, un livre en collaboration avec Vincent Albouy.

Pour lui, c’est clair : non, on ne peut pas dire que les insectes sont l’avenir de l’alimentation. « Ce serait très réducteur. L’objectif de l’entomophagie, ce n’est pas de manger des insectes de façon intensive, encore moins dans nos contrées européennes : ce serait plutôt de les intégrer, en tant que solution, à une alimentation équilibrée et une offre alimentaire élargie. »

Dans son livre, il explique justement comment les insectes peuvent trouver une place dans l’alimentation – une place difficile à gagner en Europe, et en France notamment, en raison de nombreux verrous règlementaires. « La France est très prudente pour le moment – il y a un véritable vide juridique quant à l’élevage, l’abattage, et la transformation des insectes à destination de l’alimentation humaine. Ce qui explique que l’entomophagie reste marginale et souvent associée à une expérience téméraire, comme le démontre le succès de Jimini’s. Mais ces verrous vont probablement sauter dans les décennies à venir. Les insectes gagneront-ils alors la même place dans nos régimes alimentaires que les sushis par exemple, que l’on ne connaissait pas il y a 15 ans ? »

Jean-Michel Chardigny n’en est pas convaincu : car l’acceptabilité des insectes réside dans un problème de culture, et non de goût. Avec une image associée à l’aventure extrême, difficile d’intégrer les insectes dans des produits quotidiens, pour une consommation banale. « En Europe, où la question de l’apport protéique quotidien ne se pose pas, les insectes resteront un épiphénomène – un créneau de différentiation tout à fait pertinent pour des start-ups innovantes, mais peu exploitable à grande échelle. » Une vision que partage en partie Bastien Rabastens, cofondateur de Jimini’s : « les insectes pour l’alimentation humaine conserveront une place de niche. Bien entendu, nous nous attendons à ce que le marché, aujourd’hui très minoritaire, grandisse en France et en Europe, notamment grâce à des actions d’information, de familiarisation, et au développement d’une offre alimentaire … mais ceci se fera dans un périmètre limité et pour un type de produits – et de consommateurs – très spécifiques. »

Ou alors, le développement de l’entomophagie se fera dans le cadre de l’alimentation animale : dans ce domaine, Jean-Michel Chardigny reconnait que les insectes sont un véritable levier pour limiter l’impact environnemental induit par l’élevage (moins de dépendance à la culture du soja, par exemple). Développer et structurer une filière de production et de transformation d’insectes pour l’alimentation animale, c’est le sujet du projet DESIRABLE, qui touchera très prochainement à sa fin… Pour être certains de ne pas manquer les résultats de ce projet, pensez à vous abonner à notre blog (environ 1 alerte par semaine).

 

1 commentaires

Partagez votre opinion

Alexis

10 avril 2018 à 03h15

Super article, en effet les insectes comestibles sont une nouvelle alternative à la consommation de viande pour l'alimentation humaine, retrouvez les sur : https://www.micronutris.com/fr

LE COVID-19 : INFORMATION IMPORTANTE

Compte-tenu des mesures prises par le gouvernement, concernant la situation sanitaire liée à la propagation du virus COVID-19, toutes les réunions physiques, manifestations, et visites en entreprise sont à nouveau suspendues à partir du vendredi 30 octobre 2020 à minima jusqu'au 1er décembre.

Cependant, tout comme lors du confinement de printemps, toute l’équipe Vitagora adopte des mesures de télétravail et reste entièrement disponible pour répondre à vos questions et demandes liées aux services et actions proposés par Vitagora.

Nous vous rappelons qu’une cellule de crise au sein de Vitagora liée à l’impact du COVID-19 sur l’activité de nos entreprises agroalimentaires régionales, en lien avec l’ANIA et les autorités régionales, est toujours en place.

Vous pouvez joindre cette cellule de crise pour toute demande relative à ce sujet au 06 72 39 66 96, Tom Vaudoux, ou par email, au elisabeth.lustrat@vitagora.com.

Nous utilisons des cookies afin de mesurer l’audience de notre site et d'optimiser votre expérience utilisateur. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez la politique d’utilisation des cookies.

J'ACCEPTE EN SAVOIR PLUS