27 oct. 2015
Exposition Universelle de Milan : ce que l’on retient pour le secteur agroalimentaire. #1 : l’innovation agricole
En deux semaines passées à l’exposition universelle de Milan (si vous ne l’avez pas encore vu, découvrez notre espace d’exposition en photos sur ce lien), nous avons eu tout le loisir d’explorer plusieurs pavillons nationaux et thématiques, et d’apprécier l’ambiance de cet événement. Alors que la globalité de l’ « Expo Milano », telle qu’elle se surnomme, est d’orientation très grand-public, aux multiples messages d’inspiration sur la construction d’un monde meilleur relevant parfois plus du tourisme que de l’information, nous avons noté plusieurs pavillons d’intérêt, et notamment des approches pertinentes sur l’avenir du secteur agroalimentaire. Dans ce premier article « rapport d’étonnement », découvrez notre sélection (non-exhaustive) des innovations les plus intéressantes à retenir sur les techniques agricoles de demain.
Les applications de l’agriculture urbaine
Deux pavillons, celui des États-Unis et celui d’Israël, ont exploité le concept des murs végétaux pour démontrer le potentiel des applications de l’agriculture urbaine.
Sur le pavillon américain, conçu par l’architecte James Biber, les céréales, légumes, et fruits cultivés sur des panneaux basculant au rythme de l’exposition solaire, ont été récoltés tout au long de la période de l’Exposition Universelle.
Le pavillon israélien, réalisé par l’entreprise GreenWall, spécialiste des jardins verticaux, marquait également le paysage de Milan. Ces « champs de demain » (Fields of tomorrow), inclinés à 70 degrés, utilisent une technologie d’irrigation au goutte-à-goutte gérée par des capteurs et contrôles numériques, tout en exploitant les eaux de pluie : une approche à la fois connectée et durable pour valoriser l’agriculture verticale, moins gourmande en eau (jusqu’à 90% de consommation d’eau de moins que l’agriculture traditionnelle, selon la communication du pavillon) – une problématique évoquée à travers l’ensemble du pavillon d’Israël, retraçant l’évolution technologique du pays pour faire face aux questions de sècheresse du territoire.
A l’heure où la France s’intéresse à l’agriculture urbaine (le site internet WikiAgri rapportait la semaine dernière que « à l’horizon de 2050, la Mairie de Paris a l’ambition de végétaliser 100 hectares de toitures, terrasses ou terrains et de convertir 33 autres hectares à l’agriculture pour produire des fruits et des légumes » pour s’approvisionner à 25% par des produits régionaux), ces deux exemples présentent des applications intéressantes à explorer. « L’agriculture urbaine rentre dans la diversification de l’agriculture, au même titre que l’agriculture biologique par exemple. Même si elle ne permet pas actuellement une production à grande échelle, elle présente deux atouts majeurs, sur le plan social et sur le plan environnemental. D’une part, elle contribue à ramener du social au cœur des villes. D’autre part, elle permet de transformer des zones urbaines désaffectées ou inexploitées en espaces verdoyants : des sources de production alimentaire qui régulent également la température des cités, un bénéfice considérable à l’heure du réchauffement climatique », précise Christian Steinberg, directeur de recherche à l’UMR Agroécologie de Dijon.
Une production alternative pour les protéines
La question du sourcing alternatif en protéines était une des questions attendues de l’Exposition Universelle, centrale à la thématique « nourrir la planète ». Pourtant, l’enjeu y était finalement peu exploré.
Sur le pavillon France, la présence de la start-up française Algama, du 1er au 14 octobre, a permis d’aborder les bénéfices des micro-algues (découvrir le contenu de l’exposition d’Algama dans notre dossier de presse, à télécharger ici) et de faire découvrir aux visiteurs le goût de la spiruline lors de dégustations.
La très jolie « Urban Algae Folly », conçue par ecoLogicStudio et située à proximité du Future Food District (le supermarché du futur), évoque quant à elle une application originale de la culture des microalgues. Ce prototype « bio-architectural », inspiré par les kiosques de jardin, permet de produire 100g de spiruline par jour. Ainsi, en seulement 6 mois, ce petit bâtiment produira l’équivalent des protéines d’une vache, en absorbant également 4 kg de CO²/jour.
Pour réaliser votre veille sur le sourcing alternatif en protéines, consulter notre page Scoop It sur : http://www.scoop.it/t/diversification-proteines
Lumières sur l’aquaponie
Symbiose entre l’aquaculture (élevage de poissons) et l’hydroponie (culture de plantes par l’eau), l’aquaponie est mise en valeur de façon très esthétique au sein du pavillon belge. Un système rotatif (voir visuel ci-dessous) permet d’exploiter les déjections de poissons, nourris par le système hydroponique, de les transformer en nitrites et nitrates afin de purifier l’eau et de nourrir les plantes cultivées en surface.
Quelques chiffres-clés autour de l’aquaponie recueillis sur place :
- L’aquaponie est 500% plus productive que la culture en pleine terre
- Elle consomme 90% d’eau en moins que l’agriculture traditionnelle
- Elle permet une croissance des plantes 50% plus rapide
L’aquaponie est également évoquée par l’Allemagne, avec les « poissons-tomates » (culture simultanée de poissons et de tomates en circuit fermé), au sein des quelques 100 idées originales mises en scène dans un espace d’exposition remarquable (le pavillon allemand est en fait le plus gros, avec 4933 mètres carrés d’exposition) et visant à rapprocher la nature et la technologie [en savoir plus sur le pavillon allemand ici].
L’UMR Agroécologie de Dijon, qui intègre la Plateforme de Phénotypage Plantes haut débit (4PMI), un outil unique en Europe permettant de sélectionner les espèces de plantes les plus adaptées aux enjeux environnementaux de demain, se penche également sur les thématiques de l’aquaponie, avec le co-encadrement prochain par Marie Fiers et Chirstian Steinberg d’un Master sur le sujet. Marie Fiers, ingénieur agronome qui a réalisé sa thèse en écologie microbienne dans l’équipe de Christian Steinberg, présente d’ailleurs au jardin des plantes de Dijon les réalisations de sa start-up Urbanleaf, spécialiste en aquaponie et lauréate du concours national d’aide à la création d’entreprises de technologie innovantes en 2014.
Christian Steinberg le confirme : « Là encore, les avantages de l’aquaponie sont réels : à l’échelle de l’individu, en amenant un module de production en circuit court au sein des foyers, l’aquaponie permet de développer une prise de conscience autour de la complexité de la production alimentaire. Elle trouverait un usage très prometteur en écoles par exemple, comme support d’enseignement des sciences. A l’échelle de la production, l’aquaponie vient diversifier l’agriculture. Nous n’en sommes qu’au début, et l’ampleur de l’échelle pose des questions encore non-résolues de logistique, mais l’alternative est très pertinente, notamment en pisciculture pour assurer la dépollution des eaux d’élevage de manière à gérer la qualité des effluents (carbone, azote, phosphore, etc.), tout en y associant une production de maraîchage. »
Pour aller plus loin
Bien que les sujets présentés à l’Expo Milano en termes d’innovation agricole sont certainement déjà connus des professionnels du secteur, les applications présentées d’agriculture urbaine, d’aquaponie, ou de culture des microalgues laissent entrevoir le développement de ces systèmes à plus grande échelle – un constat encourageant alors que les questions d’approvisionnement en circuits courts, d’épuisement des ressources terrestres, et de réchauffement climatique font l’actualité de l’agriculture.
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