07 juin 2016
Projet Alims, ou comment conjuguer repas et soins dans les établissements de santé
A l’hôpital, en clinique, en EHPAD, le repas participe aux soins. Il joue un rôle fondamental dans la prise en charge des patients et résidents. Autant dire qu’il s’avère primordial d’apporter un éclairage scientifique sur son traitement, sur son sens et sur sa représentation si l’on veut le (re)placer véritablement au cœur du dispositif de soins. C’est tout l’enjeu du projet ALIMS (« Alimentation et lutte contre les inégalités en milieu de santé ») porté par l’Université de Dijon dans le cadre du programme national pour l’alimentation (PNA) et de l’appel à projets de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). Pour appréhender les enjeux et les enseignements à en tirer pour les professionnels de l’alimentaire, j’ai interviewé Clémentine Hugol-Gential, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication (SIC) à l’Université de Bourgogne Franche-Comté, et coordinatrice ALIMS.
Quelles sont les ambitions d’un tel projet ?
Pour un individu, l’arrivée en établissement de santé intervient comme une rupture dans sa vie. Il devient un patient, un résident soumis à des rituels, des routines qui ne lui sont pas familières. Le repas en fait les frais. Il perd ses dimensions identitaires et conviviales au profit d’enjeux purement médicaux et nutritionnels. Un repère fort, en particulier pour un Français, qui disparaît. Or, le repas doit être remis au cœur des réflexions de santé : quel est son rôle dans un dispositif de soins ? Comment innover autour du repas afin d’améliorer la prise en charge globale et le bien-être des patients ? ALIMS, c’est repenser le repas au-delà de l’acte physiologique. D’où la nécessité d’un travail sur la constitution et la production des repas dans ce contexte précis.
Vous avez notamment eu recours, pour mener vos travaux, au questionnaire BALI (Bien-être par l’ALImentation), un outil de mesure du bien-être alimentaire dont nous avons déjà parlé ici et là. En quoi son exploitation vous est-elle utile ?
Il est intéressant de noter qu’à l’hôpital, les soignants mesurent beaucoup de choses : la douleur par exemple… mais pas le bien-être ! Grâce aux éléments tangibles qui composent le questionnaire (présentation du repas, variétés des menus, convivialité, plaisir), nous serons en mesure de déterminer un score de bien-être alimentaire qui pourra être ensuite associé au statut nutritionnel du patient. Naturellement, il s’avère nécessaire d’adapter l’outil au contexte hospitalier ainsi qu’aux différentes pathologies. Pour cela, nous travaillons depuis un an en collaboration avec le CHU de Dijon et le centre anti-cancer Georges-François Leclerc. Une centaine d’entretiens ont déjà été menés avec les patients, des soignants et des cuisiniers, pour nous permettre de faire mûrir le questionnaire standard.
Peut-on déjà en tirer des enseignements au profit des professionnels de santé mais aussi des industriels ?
ALIMS est un projet encore jeune, lancé en 2015. D’ores et déjà, nous avons quelques idées sur les débouchés qui seront utiles aux professionnels de santé et de l’alimentaire.
Tout d’abord, je tiens à souligner qu’ALIMS est un projet volontairement ouvert, et toute la documentation issue de ce projet est mise à disposition, pour tous, sur internet : http://projet-alims.fr/. Publications scientifiques, communications, thèses, mais également dossiers de veille et résultats : les industriels sont les bienvenus pour y jeter un œil et s’inspirer de notre recherche.
Dans ce même esprit d’ouverture, nous rendons accessibles nos travaux aux industriels de l’agroalimentaire dans le cadre de formations développées avec Welience. Des formations qui portent notamment sur la façon de communiquer autour de l’alimentation-santé et dans un contexte médical. Vous y apprendrez par exemple qu’il vaut mieux axer son discours sur la valorisation du « bon » (bon au goût, bon à la santé, bon au moral) que le médicaliser à outrance (ce qui provoque anxiété et culpabilité chez le consommateur). La santé dans le « bon », aucun doute que les adhérents de Vitagora soient d’accord avec cela !
Les ateliers culinaires que nous avons mis en œuvre avec Cuisine Innovation, aujourd’hui destinés aux patients, pourront également intéresser les industriels à l’avenir : nous y traitons la cuisine comme outil thérapeutique, en répondant à des questions telles que « cuisiner sans se fatiguer », « manger peu mais pour beaucoup de calories », ou encore « endiguer les troubles sensoriels dans un contexte pathologique ». Dans des démarches de réponses aux appels d’offre d’établissements de santé, ou pour innover dans une offre de service de repas à domicile par exemple, se spécialiser sur ces questions apparaît très pertinent pour les entreprises agroalimentaires.
Enfin, nous prévoyons de sortir une « mallette pédagogique » en 2018, téléchargeable sur notre site internet. Celle-ci permettra d’uniformiser un discours fiable et documenté sur la place du repas dans le bien-être et le parcours de soin des patients, à destination des professionnels de la santé et du paramédical (qui n’étudient, dans leurs cursus universitaires, que très peu la question de l’alimentation).
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ryaodfpi
18 juin 2022 à 10h56