19 mai 2020
Allégations sensorielles : attention aux fausses promesses
Un yaourt « plus crémeux », un chocolat aux « éclats de noisette encore plus croquants », un chewing-gum « rafraîchissant », un plat cuisiné « nouvelle recette plus gourmande », un café « acidulé et fleuri », un fromage « goût primeur », etc. Un grand nombre de marques alimentaires valorisent sur l’emballage les qualités sensorielles de leurs produits afin de se démarquer des produits concurrents en linéaires des grandes surfaces, pour sécuriser leurs ventes.
Quels messages rentrent sous la réglementation des allégations sensorielles ? Pourquoi les utiliser ? Comment les prouver ? Eclairages avec Éric Teillet, directeur scientifique de la société Sensostat, spécialisée en analyse sensorielle.
Comprendre les allégations sensorielles
Les allégations sensorielles sont les messages, figurant sur certains emballages alimentaires ou accompagnant le produit (publicité, site internet), qui vantent les propriétés organoleptiques des aliments ou de leurs composants. Par exemple, une texture « fondante », un goût « moins sucré » ou un plaisir « fruité ».
« Ces messages ont pour objectifs de valoriser le produit, de le rendre attrayant auprès des consommateurs », nous explique Éric.
En 2014, le Réseau Mixte Technologique « Sensorialis », dont l’ambition est de mieux comprendre les déterminants du comportement alimentaire, a établi un état des lieux des allégations sensorielles utilisées par les industriels de l’agroalimentaire sur un échantillon de 129 références de produits alimentaires.
Parmi les allégations sensorielles observées, la répartition suivante a été constatée :
- 63% des allégations sont descriptives (croustillant, extra tendre, onctueux, etc.)
- 19% sont hédoniques (délicieux, plaisir simple, recette plus gourmande, etc.)
- 18% sont conceptuelles, en slogan de marque (« le goût primeur », « elle a mis le sud en bouteille », etc.)
Il est préférable de privilégier une communication en lien avec les qualités organoleptiques du produit (plutôt qu’hédoniques) : celle-ci permet aux industriels de segmenter leur gamme de produit et de rendre l’offre plus lisible par les consommateurs. Retrouvez les détails de cette étude dans notre compte-rendu de la journée de restitution du projet AlimaSSens (une exclusivité pour les adhérents de Vitagora).
Par exemple, en parcourant les packagings de café, les mots utilisés pour décrire les arômes du café pourront orienter le choix du consommateur en fonction de ses préférences : « subtils », « riches et fleuris », « intenses et épicés », etc.
Bientôt un cadre réglementaire ?
« Contrairement aux allégations nutritionnelles et de santé qui font l’objet d’une réglementation spécifique, les allégations sensorielles ne sont pour le moment pas encadrées. Une situation qui va bientôt changer », nous prévient Eric.
Actuellement, c’est la réglementation européenne INCO qui définit les règles d’étiquetage des denrées alimentaires. Elle repose sur le principe de « ne pas induire le consommateur en erreur ». Le règlement INCO encadre strictement les informations obligatoires, et définit le périmètre des informations facultatives qui doivent répondre à ces trois principes : ne pas induire le consommateur en erreur, ne pas être ambiguës ou déroutantes pour les consommateurs, et être basées, le cas échéant, sur des données scientifiques pertinentes.
Ce flou réglementaire profite aux allégations sensorielles. Les choses devraient pourtant bientôt évoluer. En effet l’AFNOR travaille depuis 2015 sur une nouvelle norme « Recommandations relatives à la justification des allégations sensorielles et des allégations de consommation ». Celle-ci devrait apporter un cadre aux allégations sensorielles et surtout une méthodologie pour pouvoir les justifier.
Au-delà de l’aspect réglementaire, Eric Teillet met en garde les industriels agroalimentaires : une allégation sensorielle exagérée ou mensongère entrainerait une réaction de déception, de méfiance de la part du consommateur. D’où l’importance de pouvoir prouver ce qui est énoncé.
Prouver les allégations sensorielles
« S’il n’existe pour le moment pas de restriction quant aux allégations sensorielles qui peuvent être indiquées sur un emballage, celles-ci devront bientôt pouvoir être prouvées de façon objective. Au risque d’être accusées de tromper le consommateur », explique Éric. « Certaines allégations, qui ne sont pas vraiment considérées comme telles : « le meilleur café du monde », « donne des ailes », risquent d’être difficiles à prouver », s’amuse-t-il.
« Pour réussir à prouver une allégation sensorielle, plusieurs étapes seront à mettre en place. Tout d’abord, il y aura le screening. Cette première étape permettra de définir l’allégation optimale, c’est-à-dire celle qui aura le plus de chance d’être prouvée et qui sera la plus vendeuse auprès des consommateurs. La seconde étape consistera à prouver scientifiquement cette allégation » développe Éric qui illustre son propos avec l’exemple d’un yaourt à la recette crémeuse. « Il est bien sûr plus facile de prouver l’allégation ‘recette crémeuse’ que de prouver qu’il s’agit du yaourt ‘le plus crémeux du marché’ ».
De même, s’il est facile de justifier une allégation nutritionnelle « moins sucré » (il suffit de comparer les taux de sucres des deux recettes), celle clamant « moins sucré mais toujours aussi gourmand » sera plus compliquée à prouver. Il sera nécessaire d’interroger un panel de consommateurs pour montrer que la gourmandise de cette nouvelle version de la recette est toujours au même niveau que la formulation précédente pour un consommateur « moyen ».
« Il n’y aura pas de formule miracle. Pour chaque allégation à prouver, les protocoles à mettre en place seront à chaque fois différents et s’appuieront sur une démarche scientifique fondée sur des méthodes sensorielles éprouvées et diverses expertises : sensorielle, juridique, marketing et R&D », prévient Éric.
Pour aller plus loin
Si vous souhaitez en savoir plus sur les protocoles mis en place par Sensostat pour apporter des preuves à vos allégations sensorielles, contactez-moi, Elodie Da Silva, référente du Pôle Innovation à Vitagora : elodie.dasilva@vitagora.com.
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RACHIDI
19 mai 2020 à 12h46