24 mai 2018 / Compétences et expertise / Vitagora / Sciences et technologies

Inciter les enfants à manger plus de fruits & légumes : des pistes prometteuses pour les industriels de l’agroalimentaire

 

Compétences et expertise

 

La santé des consommateurs est une réelle préoccupation pour l’industrie agroalimentaire, notamment celles des enfants dont la consommation de fruits et légumes est trop faible. Les industriels ont un rôle à jouer pour améliorer leur acceptation et aider les parents à intégrer fruits et légumes dans l’alimentation de leurs enfants. Il semblerait que la répétition soit la clé. Faire varier l’apparence, proposer plusieurs fois un aliment ou encore donner le choix à l’enfant : telles sont les approches les plus fructueuses.

 

Pourquoi s’y intéresser ?

  • Les industriels ont un rôle à jouer dans l’acceptation des fruits et légumes et le comportement alimentaire des enfants
  • Il existe des clés simples à mettre en œuvre pour développer une gamme de produits infantiles répondant à ce besoin
  • Proposer aux enfants de nouveaux aliments de façon répétée est la clé pour les leur faire apprécier
  • Il faut jouer sur l’aspect, la texture, la forme et le type de préparation culinaire des légumes pour qu’ils soient appréciés
  • Proposer plusieurs légumes et laisser le choix à l’enfant permettent leur acceptation et consommation

 

L’alimentation infantile est un sujet délicat à la fois pour les parents soucieux d’offrir le meilleur à leurs enfants et pour les industriels défiés en permanence sur le développement de produits de qualité. Il n’est pas rare de voir les enfants refuser catégoriquement une purée de carottes ou des morceaux de navet. Les fruits et légumes sont pourtant des sources de vitamines, de fibres et de minéraux pour une faible quantité de calories. En France, seulement 6% des enfants consomment 5 fruits et légumes par jour, d’après une étude du CREDOC alors qu’un enfant sur six est concerné par le surpoids (consultez notre article de blog pour en savoir plus). Afin d’enrayer cette progression, l’industrie agroalimentaire a un rôle à jouer dans l’établissement de bonnes habitudes alimentaires chez les plus jeunes.

Comment encourager les enfants à manger plus de fruits et légumes ? Comment leur apprendre à les aimer ? Quand doit avoir lieu cet apprentissage ? Pour répondre à ces questions, il est primordial d’identifier les périodes clés, notamment la période de diversification du nourrisson, et les déterminants des préférences alimentaires chez les enfants.

Grâce aux résultats obtenus dans le cadre du programme de recherche HabEat, plusieurs pistes ont été proposées aux professionnels de l’agroalimentaire en réponse à ces questions : adaptation des portions, valorisation des goûts et saveurs des aliments, proposition de textures variées, création de guides explicatifs à destination des parents, etc.

 

Programme HabEat (2010 – 2014)

Facteurs déterminants et périodes critiques dans la formation des habitudes alimentaires et points de rupture durant la petite enfance

 

HabEatCe programme de recherche européen avait pour ambition de mieux comprendre les périodes et les mécanismes clés dans la formation des préférences alimentaires chez l’enfant, depuis la naissance jusqu’à l’âge de six ans. Grâce à quatre « Work Packages », 11 équipes pluridisciplinaires de six pays européens différents : trois thèses, plusieurs publications scientifiques et de nombreux résultats sont nés de ce projet !

Labellisé par Vitagora, le projet HabEat a donné naissance à des recommandations à destination des parents, des professionnels de la petite enfance, des pédiatres et des décideurs politiques afin d’inciter les enfants à manger plus de fruits et légumes. Des pistes ont également été proposées pour l’industrie agroalimentaire sur la confection d’aliments infantiles adaptés et de guides explicatifs pour les parents.

Site internet du programme HabEat 

Des conseils pratiques à destination des parents 

Il faut consommer au moins huit fois un aliment pour l’apprécier

La clé pour habituer un enfant à consommer un fruit ou un légume est de proposer celui-ci plusieurs fois. Lorsque la plupart des parents arrêtent de donner un aliment après trois refus, il faudrait au contraire le proposer au moins huit fois à plusieurs jours d’intervalle. La surprise de l’enfant face à un nouvel aliment est parfois interprétée comme du dégoût alors qu’il n’en est rien. Comme pour tout apprentissage, au même titre que la politesse (« dis bonjour », « dis merci » que les parents répètent à longueur de journée), l’appréciation de nouvelles saveurs prend du temps et demande à être répétée.

Il ne faut pas cacher les goûts et saveurs des aliments

Pour faire apprécier un aliment aux enfants, il est important de leur donner l’opportunité de découvrir sa saveur unique. Il n’est donc pas nécessaire de masquer les arômes des légumes avec des goûts familiers (comme le fromage ou la sauce tomate) ou d’augmenter la densité énergétique (avec de la crème ou du beurre) d’un aliment pour faciliter son acceptation.

Forme et apparence : différentes stratégies peuvent être adoptées

Grâce à leur efficacité, deux stratégies se sont mises en avant par le programme de recherche HabEat : faire varier l’apparence, la forme ou le type de préparation d’un aliment et donner le choix à l’enfant. Jouer sur les couleurs, la découpe, les textures et la disposition des aliments permet aux parents de proposer plusieurs fois un aliment de façon différente et à l’enfant de découvrir ce qu’il aime. Aubergine, poireau ou chou ? Laisser l’enfant décider lui donne l’impression de ne pas être forcé à manger des légumes et d’avoir réellement le choix.

Les enfants perçus comme difficiles consomment moins de fruits et légumes

L’analyse de quatre cohortes a permis de mettre en lumière une proportion significative d’enfants considérés comme difficiles à alimenter par leurs parents. Ces enfants ont par la suite une consommation plus faible de fruits et légumes ainsi qu’une plus faible qualité d’alimentation. Il semble important d’identifier leurs profils ainsi que ceux de leurs parents afin de mieux comprendre pourquoi les fruits et légumes sont rejetés.

L’allaitement est associé à l’acceptation des fruits et légumes

Plus la durée d’allaitement est courte, plus la consommation de fruits et légumes est faible chez les enfants entre deux et cinq ans. Et cela, quelle que soit la consommation de ces aliments par la mère. La richesse en arômes du lait maternel comparée aux laits infantiles permettrait aux enfants d’accepter une plus grande variété de saveur et de consommer par la suite plus facilement des fruits et légumes.

Crédits photos : FreePik

Des résultats surprenants

Tous les enfants ne régulent pas leur prise alimentaire de la même façon

Globalement, les enfants ont tendance à trop manger. Contrairement à ce qui était attendu par les chercheurs, deux types d’enfants se sont dégagés : ceux mangeant en absence de faim et ceux ne compensant pas une collation prise avant un repas. Les mécanismes de régulation de la prise alimentaire diffèrent dans ces deux cas. D’un côté l’adaptation en réponse aux stimuli externes et de l’autre une régulation homéostatique de la prise alimentaire.

La période critique pour l’introduction des aliments n’est pas clairement définie

Les chercheurs de ce projet supposaient initialement que l’introduction des fruits et légumes dans l’alimentation du nourrisson entre l’âge de quatre et six mois serait associée à leur meilleure acceptation plus tard. Or, les analyses effectuées sur différentes cohortes n’ont pas permis de valider ce lien. Les chercheurs en ont déduit que le facteur « âge » n’était pas le seul déterminant à prendre en compte et que le facteur « pays » expliquerait mieux les liens observés entre la période d’introduction des aliments et leurs consommations ultérieures. Comme par exemple : une plus grande consommation de tomates et de poivrons chez les enfants en Espagne, introduits dans l’alimentation assez tôt mais dont l’acceptation est corrélée principalement au facteur socio-culturel.

La néophobie n’est pas un frein à la consommation de fruits et légumes

Vers de l’âge de trois à quatre ans, la néophobie (peur de la nouveauté) s’installe avec le rejet de nouveaux aliments. Il est donc nécessaire d’introduire des fruits et légumes dans l’alimentation assez tôt, vers l’âge de six mois, en phase avec les recommandations de l’OMS. Cependant même durant la période de néophobie, il semble possible d’augmenter progressivement la consommation de légumes par petites touches. La clé est de ne pas s’arrêter d’en proposer.

Des pistes pour l’industrie agroalimentaire

Ces résultats permettent de préciser le besoin des enfants et des parents. Il serait intéressant de proposer des formats de produits infantiles adaptés au tout début de la diversification (petites quantités ingérées). La création de guides pour optimiser l’introduction des fruits et légumes permettrait aux parents de se sentir accompagnés. La conception de portions de légumes sous différentes formes, cuisinées différemment, ou encore de snacks sains à base de légumes pourrait être également des moyens d’inciter les enfants à en consommer plus régulièrement (et les parents à en proposer plus).

 

Les mots-clés

Enfant, Alimentation, Légumes, Fruits, Diversification, Recherche, Allaitement, Préférences, Comportement

 

Envie d’aller plus loin ?

  • Harris, G., and Coulthard, H. (2016). Early Eating Behaviours and Food Acceptance Revisited: Breastfeeding and Introduction of Complementary Foods as Predictive of Food Acceptance. Curr. Obes. Rep. 5, 113–120.
  • Monnery-Patris, S., Wagner, S., Rigal, N., Schwartz, C., Chabanet, C., Issanchou, S., and Nicklaus, S. (2015). Smell differential reactivity, but not taste differential reactivity, is related to food neophobia in toddlers. Appetite 95, 303–309.
  • Yuan, W.L., Rigal, N., Monnery-Patris, S., Chabanet, C., Forhan, A., Charles, M.-A., and de Lauzon-Guillain, B. (2016). Early determinants of food liking among 5y-old children: a longitudinal study from the EDEN mother-child cohort. J. Behav. Nutr. Phys. Act. 13.
  • Site internet du programme HabEat 

 

Article réalisé en partenariat avec JFD&Co

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