21 mars 2019 / Compétences et expertise / Vitagora / Réglementation et législation

Alimentation santé : comment obtenir le remboursement d’un produit par la sécurité sociale ?

Compétences et expertise

 

Pourquoi s’y intéresser ?

  • Les DADFMS représentent un marché de 10 milliards d’euros en France
  • 80% du marché des DADFMS sont des CNO (complètements nutritionnels oraux), visant majoritairement à lutter contre la dénutrition
  • Les DADFMS sont soumis à une règlementation spécifique et ne peuvent être consommées que sous contrôle médical
  • Souvent coûteuses, les DADFMS peuvent sous certaines conditions bénéficier d’un remboursement par la sécurité sociale

Les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (DADFMS) sont spécialement formulées pour répondre aux besoins nutritionnels de patients ayant une pathologie ciblée, ou d’une population ciblée.

 

Sur le marché des DADFMS, 80% sont des CNO (compléments nutritionnels oraux), visant majoritairement à lutter contre la dénutrition. En France, la dénutrition représente un enjeu de santé publique : elle toucherait 2 millions de personnes en France, 10% des enfants hospitalisés et 25% des personnes âgées en perte d’autonomie. Voir plus de chiffres clés sur le sujet.

 

Parmi l’intégralité des DADFMS disponibles sur le marché, certaines bénéficient d’une autorisation de remboursement (totale ou partielle) par la sécurité sociale. Une porte d’entrée à explorer pour faciliter l’accès d’un produit souvent coûteux à son marché. Quelles étapes suivre ? Le Professeur François-André Allaert, fondateur de Cen Nutriment, nous précise les 4 étapes clés pour s’y atteler, et nous parle de l’exemple du pain G-Nutrition.

 

EcoSec

Cen-Nutriment

Le spécialiste des études cliniques et observationnelles  

CEN Nutriment est un centre d’investigation clinique situé à Dijon. Sa mission est d’apporter la preuve des effets santé des produits nutritionnels et d’accompagner les entreprises jusqu’à la communication de ces résultats. Spécialiste des études cliniques et observationnelles en nutrition (compléments alimentaires, ingrédients alimentaires, DADFMS…) CEN Nutriment s’appuie sur différents services : expertise en alimentation-santé et allégations santé, rédaction des protocoles, dépôts auprès des autorités administratives, monitoring, data management, bio statistiques, rapports statistiques et cliniques et rédaction médicale d’abstracts et de publications scientifiques. 

 

Grâce à des relations privilégiées et plusieurs partenariats, CEN Nutriment présente des domaines d’intervention reconnus aux niveaux national et international : nutrition du senior et prévention, nutrition du sportif, stress, cardiovasculaire, ménopause, bien-être lié à l’alimentation, sphère digestive, immunité, angiologie… etc.

Pr François-André Allaert

Après un doctorat en médecine, spécialités santé publique, angiologie et phlébologie, obtenu à la faculté de Dijon, François-André Allaert complète son cursus par un doctorat d'université de pharmacie, un DEA de droit, et un DEA d'économie. Il soutient son habilitation à diriger les recherches (HDR) en biostatistiques et informatique médicale et est reçu au concours national des professeurs d’université en section 39 « biomathématiques et biostatistiques ». Passionné par le domaine de l’évaluation, il fonde CEN Biotech en 1995. Cette première société sera suivie par la création de CEN Nutriment en 2006, Cen Nutrition Animale en 2014, puis CEN Connect en 2017. Fortement impliqué dans la vie politique et publique de l’agglomération dijonnaise, François-André Allaert est Président de Dijon Métropole Développement depuis 2014.

Obtenir un remboursement d’un aliment par la sécurité sociale : 4 étapes clés

Biscuits destinés aux diabétiques, produits sans gluten agréés pour malades cœliaques, laits infantiles pour nourrissons allergiques aux protéines de vache, ou encore pain brioché destiné aux Seniors dénutris (lire chapitre suivant) ... : les aliments sont de plus en plus variés à obtenir des autorisations de remboursement par la sécurité sociale.

 

Parce que ces autorisations de remboursement sont soumises à une procédure stricte et contrôlée, le Professeur François-André Allaert, fondateur de Cen Nutriment, nous précise les 4 étapes clés pour s’y atteler.

1 – Développer une DADFMS : tenir compte du bon cahier des charges

« Avant tout chose, il faut tenir compte du statut de l’aliment », explique le F-A Allaert. « En effet, il est indispensable de s’assurer que son aliment possède le statut de DADFMS – denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales. »

 

Ce statut, réservé aux aliments qu’une nutrition « standard » ne peut suffire à apporter, s’obtient en respectant un cahier des charges précis fixé par la réglementation européenne et après avoir apporté la démonstration que les bénéfices pour le patient sont réels. Les DADFMS sont spécifiquement formulés pour répondre à une problématique de santé, par exemple la dénutrition, et sont utilisées sous contrôle médical.

 

Une DADFMS peut être complète : c’est-à-dire qu’elle peut être utilisée comme seule source de nutrition chez une personne, apportant un apport complet des trois nutriments (glucides, lipides, et protéines). Ou incomplète : c’est-à-dire qu’elle vient compléter une alimentation peu satisfaisante, mais ne peut suffire à la remplacer intégralement. Pour chacune de ces DADFMS, les cahiers des charges à respecter sont différents. En savoir plus : lire le Journal officiel de l'Union européenne (2013) - Règlement (UE) N° 609/2013 du parlement européen et du conseil du 12 juin 2013, et le Journal officiel de l'Union européenne (2016) -  Règlement délégué (UE) 2016/128 de la commission du 25 septembre 2015.

 

Les sigles pour y voir clair

  • DADFMS:  denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales
  • CNO : compléments nutritionnels oraux
  • HAS: Haute Autorité de la Santé. Autorité publique indépendante à caractère scientifique, créée par la loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance maladie. A lire ici.
  • CNEDIMTS : commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé. La CNEDiMTS est la commission de la HAS qui examine toute question relative à l’évaluation en vue de leur remboursement par l’assurance maladie et au bon usage des dispositifs médicaux et des technologies de santé, y compris ceux financés dans le cadre des prestations d’hospitalisation. A lire ici.
  • LPP : liste des produits et prestations remboursables par la sécurité sociale. Elle est disponible en téléchargement sur ameli.fr.
  • CEPS : comité économique des produits de santé 

2 – Obtenir le statut DADFMS : prouver un bénéfice clinique réel et observable

« A ce stade, il est important de mettre en place des recherches cliniques sur les humains », continue FA Allaert. « Ce n’est pas le but à proprement parlé de l’AFFMS, mais il s’agit d’apporter une preuve d’un bénéfice clinique réel et observable. Car pour la CNEDIMTS* (Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé), c’est le bénéfice clinique qui est important », précise-t-il. « Il s’agit de démontrer que votre produit est réellement utile, sert à quelque chose. Par exemple : augmenter la masse musculaire dans le cadre du traitement de la sarcopénie, combler une carence en protéines ou acides aminés lié à un problème d’assimilation (ex : phénylcétonurie), prévenir la déshydratation d’un nourrisson suite à une gastro-entérite, etc. »

 

François-André Allaert insiste : « Le bénéfice réel et observable prouvé ne sera pas suffisant pour obtenir le remboursement de votre aliment par la sécurité sociale, mais constituera un élément supplémentaire. »

 

3 – Faire valoir l’inscription sur la liste des produits remboursés de la CNEDIMTS

« Une fois le service rendu démontré, il est possible de faire valoir l’inscription d’une DADFMS sur la liste des produits et prestations remboursés par la sécurité sociale  – la LP. Cela peut se faire de deux manières différentes :

  • Sous une ligne générique, si le produit est en conformité à la composition générique fixée pour le type de produit envisagé ;
  • Sous nom de marque, ce qui traduit une innovation, représente une vraie valeur face à la concurrence, et permet d’ouvrir des négociations sur le prix (voir paragraphe 4). »

 

La CNEDIMTS, commission d’experts issus d’horizons variés (ingénieurs, médecins de spécialités différentes, pharmaciens, infirmières, etc. Voir ici la liste des experts de la CNEDIMTS.) examinera alors votre demande pour le compte de la HAS, et validera si les études cliniques réalisées sont suffisamment convaincantes pour prouver le service rendu, ou non.

 

« En cas d’étude clinique satisfaisante, le produit est inscrit sur la liste des LPP », confirme François-André Allaert.

 

« Attention toutefois », précise-t-il : « le taux de refus est assez important, car la politique actuelle n’est pas très favorable à l’inscription de nouveaux aliments en vue d’un remboursement. » D’où l’importance de traiter avec vigilance et sans précipitation les deux étapes préalables.

 

4 – Fixer les modalités de prix et de remboursement avec le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS)

L’inscription d’un produit sur la LPP est l’étape incontournable qui vient garantir l’autorisation du remboursement de ce produit par la sécurité sociale. Mais la procédure ne s’arrête pas là pour autant : il reste à négocier les modalités de ce remboursement.

 

« La dernière étape consiste à aller voir le Comité Economique des Produits de Santé pour discuter du prix ainsi que du taux de remboursement de votre produit », explique François-André Allaert. Quel prix de vente ? Et quel taux de remboursement : sera-t-il de 100% ? Ou sur un taux partiel ? Si oui, quel est-il ?

 

François-André Allaert souligne l’importance de cette étape de négociations. « Cette étape est cruciale, car une partie du coût du produit sera assumée par la sécurité sociale. En plus, une fois le prix fixé, il ne sera pas modifiable. Enfin, il s’agit de fixer une enveloppe prix/volume à ne pas dépasser. Il importe donc à l'industriel de maîtriser le volume des ventes à venir de son produit, sous risque de pénalités financières, voire de déremboursement du produit... et donc, d’anticiper la prévalence des personnes concernées et l’efficacité des circuits de distribution. »

 

Le Pr. Allaert précise toutefois qu’il est possible, au bout de 5 ans, de réaliser des études post-marketing (études observatoires) afin d’apporter des éléments nouveaux sur le produit (public touché, dans quelles indications, et avec quels résultats) pour, si nécessaire, rediscuter les termes de la négociation.

Un exemple : le pain G-Nutrition

Les étapes

En juillet 2018, le pain G-Nutrition, petit bain brioché qui a vu le jour dans le cadre du projet Farine+ labellisé par Vitagora, a rejoint la liste des produits remboursables par la sécurité sociale (arrêté publié au JORF n°0158 du 11 juillet 2018). Pour la première fois au monde, le produit de consommation courante qu’est le pain obtient une reconnaissance officielle, via le Ministère de la Santé, en tant que complément nutritionnel oral (CNO). En savoir plus sur le pain G-Nutrition et le projet Farine + sur ce lien.

 

Hyperénergétique (3,01 Kcal/g) et hyperprotéique (20,6 g de protéines/100 g), le pain G-Nutrition est destiné aux patients dénutris, notamment les personnes âgées. Il contient également des vitamines (vitamine D, vitamines du groupe B) et des minéraux (calcium, sélénium notamment) permettant de lutter contre les effets du vieillissement.

 

Grâce aux publications scientifiques et à l’accompagnement réglementaire de Cen Nutriment, la Haute Autorité de Santé a reconnu l’intérêt de santé publique du pain G-Nutrition : l’avis de la CNEDIMTS a été publié le 20 décembre 2016 et peut être consulté en ligne sur ce lien. On y lit notamment que le « service rendu » a été noté comme « suffisant » en raison de :

  • l’intérêt thérapeutique chez les patients âgés dénutris ;
  • l’intérêt de santé publique de la prise en charge de la dénutrition (gravité de la fréquence de cette pathologie).

 

Projet de recherche et développement lancé dès 2008 avec Cérélab, Eurogerm, Dijon Céréales, l’UMR Agroécologie (INRA, Université de Bourgogne, CNRS, AgroSup Dijon), le CSGA, le Gérontopôle du CHU Dijon et Welience, pour un produit commercialisé dès 2013, il a fallu réaliser des études cliniques complémentaires pour assoir l’intérêt du produit auprès des autorités de santé.   

 

C’est ainsi en juillet 2018 que le pain G-Nutrition obtient son inscription comme Complément Nutritionnel Oral (CNO) sur la liste des produits et prestations remboursables de la sécurité sociale, par l’arrêté du 9 juillet 2018, paru au Journal Officiel

L’observance : l’ambition de ce format original

« La démarche derrière le pain G-Nutrition était intellectuellement très satisfaisante », se rappelle le Pr. Allaert. « L’originalité de ce produit réside dans son format. S’il existe déjà des produits hyperénergétiques et hyperprotéiques pour lutter contre la dénutrition des seniors, c’est véritablement le premier produit de ce type à s’intégrer de façon naturelle à l’alimentation des personnes âgées. Non seulement il s’agit d’un aliment traditionnel – le pain – mais cet aliment peut également être consommé de manière fractionnée tout au long de la journée, et sans modifier ses habitudes alimentaires : pour le petit-déjeuner, pour saucer son repas, pour le goûter, grillé, avec du fromage, etc. Notre certitude est que ce format, le pain, soit un symbole de la gastronomie française !, va permettre une meilleure observance du produit – et donc, de meilleurs résultats. »

 

Les mots-clés

Nutrition, études cliniques, DADFMS, remboursement, alimentation médicale

 

 

Elisabeth Lustrat

 

Pour en savoir plus...

Pour en savoir plus sur l’expertise de Cen Nutriment et son accompagnement ou pour être mis en relation avec François-André Allaert, contactez Elisabeth Lustrat, responsable développement des entreprises :  elisabeth.lustrat@vitagora.com.

 

Responsable Développement des Entreprises, Elisabeth est l’experte en veille et en prospective de Vitagora, à l’affût des thématiques d’innovation de demain, des opportunités de marché, ainsi que des nouvelles compétences technologiques et scientifiques profitables aux adhérents du Pôle.

 

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