19 août 2022
Les projets de Vitagora - bulletin d'août 2022
Promouvoir une alimentation plus saine dès l’enfance : résultats des travaux de deux doctorantes de l’INRAE Bourgogne-Franche-Comté dans le cadre du projet européen EDULIA
L’alimentation est un enjeu fort de santé dès le plus jeune âge. Pourtant, 94,9% des produits alimentaires ciblant les enfants ne répondent pas aux critères de l'OMS (source : CEDE).
Dans la lutte contre l’obésité infantile, quels leviers activer pour permettre aux enfants (et à leurs parents) d’intégrer de bonnes pratiques alimentaires ? Quels facteurs parentaux sont liés aux changements dans les comportements alimentaires des enfants ? Comment sensibiliser les parents aux bonnes pratiques pour une alimentation saine chez leurs enfants ?
Le projet EDULIA, financé par la Commission européenne pour quatre ans, qui s'est achevé le 31 juillet 2022 et dans lequel Vitagora a été impliqué, visait à répondre au besoin urgent de la société européenne de trouver de nouvelles façons de s'attaquer au problème croissant de l'obésité, en promouvant une alimentation plus saine dès l'enfance. Dans ce cadre, deux doctorantes de l'INRAE Bourgogne-Franche-Comté, Kaat Philippe et Sofia De Rosso, ont mené des travaux permettant de mieux comprendre les enjeux des pratiques alimentaires saines dès l'enfance.
Résultats à lire ci-dessous.
Pratiques éducatives des parents en matière d’alimentation et différences entre les mères et les pères
Comment les pratiques et les styles d'alimentation maternels et paternels sont-ils liés aux comportements alimentaires et à la régulation des apports alimentaires des enfants ? Existe-t-il des différences entre les genres en ce qui concerne l'implication des parents dans les tâches liées à l'alimentation des enfants ?
Kaat Philippe, étudiante en PhD au Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation de Dijon (CSGA), a analysé les pratiques d’éducation en matière d’alimentation des parents et leur influence sur l’alimentation et le comportement des enfants en France et au Danemark. Dans sa thèse : “Maternal and paternal feeding practices : links with young children’s eating behaviours and influencing factors : a systemic approach” elle s’est particulièrement intéressée à l’implication des pères dans l’alimentation des enfants, ainsi qu’à l’alimentation pendant le confinement associé à l’épidémie de covid ; peu d'études intègrent le rôle des pères dans l'alimentation de l'enfant.
D’après les travaux menés par Kaat Philippe, les pères utilisaient des niveaux plus élevés de pratiques de contrôle coercitif (par exemple, faire pression pour manger, utiliser des récompenses alimentaires, réguler les émotions avec de la nourriture), tandis que les mères utilisaient des niveaux plus élevés de pratiques de soutien de la structure et de l'autonomie (par exemple, modéliser une alimentation saine). En savoir plus dans cet article : https://edulia.eu/new-paper-parental-feeding-practices-and-parental-involvement-in-child-feeding-in-denmark-gender-differences-and-predictors/
Ces résultats soulignent l’importance de prendre en compte le rôle spécifique de chaque parent, ainsi que les convergences et divergences de leurs pratiques en matière d’alimentation.
Par ailleurs, dans l'enquête croisée entre les ménages en France et au Danemark, réalisée par Andreia Moura, également doctorante dans le projet Edulia et qui a fait un séjour de recherche à l'INRAE Bourgogne-Franche-Comté, celle-ci a mis en exergue l’impact de la parentalité sur les comportements des enfants, et notamment les comportements alimentaires. Il en ressort que, lorsque les parents ont préalablement une alimentation de bonne qualité nutritionnelle, la parentalité amène généralement vers un comportement moyen et ils font plutôt « moins bien » à l’arrivée des enfants. En revanche, les individus ayant une alimentation peu saine adoptent de meilleures pratiques en devenant parents, devant le devoir de favoriser une alimentation meilleure pour leurs enfants. « Il y a comme un nivellement des pratiques éducatives des parents en matière d’alimentation suite à l’entrée dans la parentalité, bien qu’ils n’arrivent pas au même niveau », résume Sophie Nicklaus, directrice de recherches au CSGA de Dijon.
Communication : répondre aux attentes des parents en informations sur les meilleures pratiques d’alimentation pour leur enfant
Les parents jouent un rôle très important dans le développement des habitudes alimentaires. Devant l’importance d’informer et de guider les parents dans l’alimentation de leur enfant, Sofia De Rosso, chercheure en communication de la santé publique au CSGA de Dijon, s’est penchée sur le pouvoir de de la communication en santé publique dans le cadre d’une thèse EDULIA dirigée par Sophie Nicklaus.
Comment amener un soutien aux organismes de santé publique dans le cadre des nouvelles recommandations d’alimentation des enfants ? En collaboration avec Santé publique France, Sofia De Rosso a travaillé sur les recommandations alimentaires pour les enfants de 0 à 3 ans. Dahese thèse “Formation of healthy eating habits in children aged 0-3 years : supporting the development of public health guidelines dissemination material and its evaluation with parents and healthcare professionals”, deux aspects ont été confrontés. D’une part, la perception des pédiatres sur le besoin d’informations et, d’autre part, la perception des parents sur leurs besoins d’information. Il a été constaté que les pédiatres sous-estiment le besoin d’information des parents, alors que ceux-ci sont en attente de conseils très concrets : recettes, menus, afin de couvrir les besoins nutritionnels de l’enfant.
Si les recommandations nutritionnelles sur l’alimentation des enfants de 0 à 3 ans existent de longue date, les conseils associés sont rarement d’ordre pratique et éducatif. Dans le cadre de la thèse de Sofia De Rosso, l’accent a été porté sur ce besoin d’information. À ce titre, la thèse de Sofia De Rosso a permis de contribuer à l'élaboration d'une brochure « Pas à pas, votre enfant mange comme un grand. Le petit guide de la diversification alimentaire », pour diffuser les recommandations de Santé publique France auprès du grand public. Diffusée depuis juillet 2021, une campagne d’information massive avait été mise en place avec les professionnels de santé : plus de 500 000 exemplaires distribués, des outils pratiques et des contenus pédagogiques, notamment avec des tutoriels sur la chaîne Youtube de Santé Publique France (plus de 4.5 millions de vues).
Suite à l’élaboration de la brochure, Sofia De Rosso a mis en place une étude pour évaluer si la brochure atteint bien son but, c’est-à-dire transmettre aux parents les bases d’une bonne alimentation à leurs enfants. « Cette brochure a significativement contribué à accroître les connaissances des parents sur l'alimentation des enfants. De plus, la certitude des parents quant à leurs propres connaissances ayant été renforcée, cela a été un vecteur essentiel pour qu’ils aient conscience de leur pouvoir d’agir pour une alimentation saine de leur enfant », conclut Sophie Nicklaus. Enfin, Sophie Nicklaus et ses collègues ont mis en place un essai contrôlé randomisé pour évaluer l’effet du contenu informatif de la brochure sur les pratiques de nourrissage des parents, sur le comportement alimentaire de l’enfant, et sur le statut pondéral de l’enfant à 3 ans. Les résultats de cette nouvelle étude permettront de valider l’application de ces conseils en santé publique.
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A lire également :
- Impact de la parentalité sur les comportements alimentaires : des résultats dans le cadre du projet EDULIA (vitagora.com)
- https://EDULIA.eu/
- New paper: Parental feeding practices and parental involvement in child feeding in Denmark: gender differences and predictors (edulia.eu)
- Brochure téléchargeable sur le site mangerbouger.fr
Pour en savoir plus
Cindy Tran, chargée de communication, cindy.tran@vitagora.com