08 mars 2012

Allégations santé : les règles édictées par l’EFSA sont-elles trop sévères ?

Allégations santé dans l'agroalimentaire

Depuis 2006, les industriels qui commercialisent des aliments santé ou des compléments alimentaires présentés comme ayant un bénéfice pour la santé sont soumis à une réglementation européenne édictée par l’EFSA.

Cette réglementation exige que des preuves scientifiques de ce bénéfice soient apportées par les industriels, sous peine de leur refuser ou de leur retirer l’autorisation de commercialiser leur produit dans l’ensemble de l’Union Européenne.

Avec le recul de quelques années, que penser de ces nouvelles règles du jeu ? Quel impact pour les consommateurs et pour les acteurs du secteur agro-alimentaire ?

Nous avons demandé au Dr François-André Allaert, qui dirige CEN Nutriment et est titulaire de la Chaire des Evaluations Médicao-Marketing des Allégations de Santé, de nous donner son point de vue sur le sujet.

Dr Allaert, l’Union Européenne a-t-elle eu raison de durcir les règles en matière d’allégations santé ?

Oui, pour ma part je suis persuadé que c’était une sage décision, à la fois pour le consommateur et pour la profession.

En 2006, lorsque ces nouvelles règles ont été édictées, les critiques ont fusé : certains industriels les trouvaient trop strictes, avec un parallèle trop proche du médicament. D’autres ont stigmatisé le coût pour les entreprises, d’autres encore n’en voyaient pas l’intérêt, s’agissant de produits qu’ils commercialisaient depuis de nombreuses années et qui étaient plébiscités par leurs clients. Les plus résignés ont attendu de voir, en se disant que cette nouvelle lubie allait peut-être « passer » aux autorités européennes…

En réalité, avant 2006, chacun faisait un peu ce qu’il voulait. Les règles instaurées par l’EFSA ont permis de normer les exigences scientifiques et elles ont le mérite de permettre :

  • pour le consommateur, d’être mieux informé et rassuré sur la réalité du bénéfice santé annoncé, qui doit avoir été prouvé par des études cliniques,
  • et, pour les industriels, de faire le tri entre les sociétés sérieuses et les allégations fantaisistes.

Finalement, pour les professionnels, qu’est-ce qui a changé ?

En réalité, c’est surtout la nature des études et recherches visant à apporter la preuve de l’allégation qui a évolué. Je vais vous donner un exemple concret : imaginons qu’un industriel souhaite commercialiser un complément alimentaire qui limite les bouffées de chaleur chez les femmes ménopausées.

Avant, pour schématiser, il pouvait en toute bonne foi faire réaliser des études biologiques très sérieuses et indiquer : « J’ai fait faire des recherches : elles prouvent que mon complément aura tel ou tel effet hormonal, donc qu’il va limiter les bouffées de chaleur ».

Aujourd’hui, ce n’est pas ce que l’EFSA lui demande de prouver. Pour évaluer le produit, l’EFSA va se baser sur des études cliniques, c’est-à-dire des études qui démontrent que, chez les femmes sur qui ce produit a été testé, les bouffées de chaleur ont réellement diminué, voire disparu. L’EFSA regarde donc la réalité tangible, le résultat concret sur le problème que l’on cherche à limiter. C’est vraiment une approche très différente.

Test de validation d'une allégation santé

Aujourd’hui, les industriels doivent procéder à des essais cliniques du même niveau que ceux exigés pour les médicaments. Et je reconnais bien volontiers que c’est difficile, notamment parce que l’effet d’un complément alimentaire est souvent plus délicat à prouver que celui d’un médicament ! Mais c’est aussi, me semble-t-il, un argument de vente encore plus efficace.

Je suis pour ma part convaincu que cela marque un tournant en matière de santé publique, qui permettra de passer d’un « patient acteur de sa santé » à un « citoyen acteur de sa santé », c’est-à-dire avant que la maladie apparaisse.

Si vous deviez donner 3 conseils aux industriels qui envisagent de soumettre un produit à l’EFSA, que leur diriez-vous ?

  1. D’abord, je leur conseillerais d’examiner soigneusement les « guidances » de l’EFSA, pour voir comment leur produit peut se positionner vis-à-vis des allégations possibles.
  2. Ensuite, je leur dirais de ne pas se lancer dans une étude clinique sans avoir préalablement vérifié que le critère principal de cette étude a une signification clinique. Dit comme ça, cela semble évident… et pourtant, c’est une erreur encore assez fréquente !
  3. Enfin, je leur suggérerais de choisir une durée d’étude suffisante car pour les compléments alimentaires, par exemple, le résultat se mesure souvent dans le temps. Une étude sur une durée trop courte risque de ne pas permettre de démontrer l’efficacité du produit. N’oubliez pas que, s’agissant du coût, la plupart des études cliniques sont éligibles au crédit d’impôt recherche (si l’entreprise qui les conduit est accréditée).

En conseil « bonus », je rappellerais que l’EFSA n’est pas uniquement attentive aux résultats de l’étude clinique présentée, mais qu’elle regarde également à la loupe la fiabilité et la traçabilité de la méthodologie utilisée pour réaliser l’étude. Et notamment, si cette méthodologie répond bien à un certain nombre d’exigences (règles de monitorage, qualité et caractéristiques des logiciels utilisés, présence de tous les documents requis, etc.). Les industriels ne doivent pas hésiter à s’assurer de la parfaite connaissance et du strict respect des critères méthodologiques avant de choisir leur prestataire ! Il est recommandé de suivre les normes ICH3 comme pour le médicament même si des adaptations parfois s’imposent.

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