18 janv. 2022

Microbiote : la recherche en nutrition animale, au service de la compréhension du microbiote humain

 

Le microbiote : tout le monde en parle… mais qu’en sait-on réellement ? Si la recherche autour du microbiote intestinal chez l’être humain progresse, et ouvre chaque jour plus d’interrogations sur les liens entre santé intestinale, santé mentale, et immunité, les chercheurs dijonnais se sont intéressés dès les années 1950-1960 à la question du microbiote animal.

Aujourd’hui, les connaissances scientifiques autour du microbiote animal permettent d’envisager une accélération de la recherche autour du microbiote de l’être humain.

Samy Julliand, directeur de Lab To Field, une société de recherche en nutrition et santé animale située à Dijon, et Claude Faivre, Directeur Operationnel chez Wamine, la branche santé animale du groupe PileJe, nous en disent plus.

 

Les microbiotes : de quoi parle-t-on ?

Le microbiote, « ou plutôt, les microbiotes » comme tient à le préciser Samy Julliand, directeur de Lab To Field, société de recherche en nutrition et santé animale, sont des communautés microbiennes qui habitent une niche écologique. « A chaque niche, il existe un propre écosystème de microbes, mêlant bactéries, champignons, protozoaires, virus, etc. Il existe de multiples niches : la bouche, l’intestin grêle, le colon, mais aussi la peau, les poumons, etc. », détaille-t-il.

Le rôle des microbiotes est aujourd’hui reconnu comme essentiel pour de nombreuses fonctions, grâce aux interactions permanentes entre les microbes et l’hôte que nous sommes : pour la digestion (les bactéries digestives sont capables de dégrader des substrats inaccessibles aux enzymes endogènes), mais aussi pour l’immunité, le métabolisme énergétique, la cognition, la performance mentale ou sportive, la qualité du sommeil, etc. « La liste des systèmes impactés par les microorganismes avec qui nous vivons est immense », ajoute Samy Julliand.

 

Un équilibre nécessaire pour la santé – chez l’être humain et chez l’animal

Samy Julliand, qui travaille notamment en gastroentérologie, précise : « les communautés microbiennes intestinales ne sont pas là que pour digérer certains constituants énergétiques, contrairement à une idée assez répandue. En fait, elles interagissent en permanence avec l’hôte. Ainsi, quand on modifie les espèces présentes dans l’intestin grêle ou le côlon (par son mode de vie, le stress, la fatigue, une médication ou une modification de l’alimentation), on provoque des modifications structurelles dans les espèces présentes et dans les interactions entre ces espèces et l’hôte. Ce qui peut engendrer par exemple une réponse inflammatoire. » C’était d’ailleurs le sujet d’un doctorat réalisé au sein de l’équipe de Lab To Field soutenu en décembre 2021.

Pour résumer, quand le microbiote est altéré, des dysfonctionnements d’ordres divers peuvent apparaitre : perturbations de la digestion, mais également de l’immunité générale, maladies inflammatoires chroniques, schizophrénie, troubles du sommeil, anxiété. Sans en connaître les liens biologiques, des travaux récents suggèrent également que des maladies comme Alzheimer ou Charcot sont corrélées à des déséquilibres du microbiote intestinal. « On parle alors de dysbiose », précise Claude Faivre, Directeur Operationnel chez Wamine, la branche santé animale du groupe PileJe. Et cette dysbiose se caractérise par son impact sur l’ensemble du système de santé, que ce soit chez l’être humain ou chez l’animal. Il ajoute : « Il convient alors de rétablir l’équilibre de ce microbiote avec une complémentation probiotique, en utilisant certaines familles de bactéries commensales de l’intestin, leur propriétés étant de rester vivantes tout au long du tube digestif, pour améliorer la santé intestinale, diminuer l’inflammation et favoriser le retour à l’équilibre de l’individu normal. »

Samy Julliand complète : « au sein de Lab To Field, nous étudions les facteurs de modulation du microbiote, comme par exemple l’alimentation, et les conséquences sur l’efficacité de la digestion, la santé ou le comportement. Par exemple, nos travaux ont mis en avant que des déséquilibres de l’écosystème intestinal animal pouvaient avoir des répercussions inflammatoires non seulement au niveau local, mais également à un niveau systémique. C’est pourquoi, chez l’animal, nous travaillons sur les solutions permettant de limiter les dysbioses intestinales. »

« Si de nombreux travaux sont encore nécessaires pour comprendre les liens entre la dysbiose microbiotale et ces pathologies, à l’heure actuelle, des expérimentations sur l’animal ont déjà montré qu’une amélioration de certaines de ces maladies, mêmes  systémiques était possible en modifiant leur flore intestinale », complète Claude Faivre. « C’est notamment ce que l’on a pu démontrer avec une étude sur le microbiote du cheval, réalisée avec Lab To Field : l’apport de probiotiques au cheval soumis à un stress intestinal n’a pas servi à mieux digérer les fourrages – mais a servi à réguler les populations présentes dans son microbiote, ce qui a limité l’impact négatif d’un stress alimentaire ou médicamenteux. Les probiotiques ont donc joué un rôle de « Casque Bleu » vis-à-vis du système immunitaire, en prenant le relais pour remettre en ordre les mécanismes au niveau du tube digestif. »

 

Microbiote animal : un grand historique de recherche

Car l’étude poussée du microbiote chez l’animal a débuté il y a plus longtemps que celle du microbiote humain. « Cela s’explique en partie par l’importance vitale du microbiote digestif chez les herbivores », précise Samy Julliand. En effet, contrairement aux humains (qui sont omnivores et peuvent tirer leur énergie de multiples ressources), les animaux herbivores tirent leur énergie quasi exclusivement des fibres de cellulose et d’hémicelluloses qui constituent les parois des cellules végétales, dégradées par les micro-organismes qu’ils hébergent au niveau du rumen et/ou du côlon en fonction des espèces. Pour parler chiffres : si l’être humain peut aller jusqu’à tirer 10 à 15% de son énergie de la dégradation des fibres grâce à son microbiote fibrolytique (c’est-à-dire, qui consomme les fibres), chez l’herbivore, ceci peut représenter la quasi totalité de sa ressource énergétique. Ainsi, chez les espèces animales herbivores, la moindre perturbation du microbiote, et notamment des espèces fibrolytiques que l’on appelle « clé de voûte » peut donc avoir de graves conséquences sur la nutrition, ainsi que des conséquences exacerbées sur la santé.

« Dans le monde de l’élevage ou le monde hippique, en vue de maintenir en bonne santé les espèces herbivores telles que les vaches laitières ou les chevaux de course, voire d’améliorer leurs performances, la question s’est posée dès les années 1960 : comment préserver, voire favoriser les espèces microbiennes d’intérêt pour ces animaux ? »

Claude Faivre complète : « dans les années 1950 et 1960, il y avait de nombreux travaux de recherche sur les levures et bacilles. Les chercheurs se sont aperçus que les veaux qui buvaient du lait directement au pis ou du lait fermenté dans le seau, deux sources alimentaires non stériles , présentaient moins de diarrhées que les autres veaux. Le bénéfice des bacilles fermentés pour l’équilibre intestinal a été suspecté grâce à ce constat. 

Par ailleurs, les lactobacilles permettant d’augmenter la synthèse d’ acides gras à courte chaine, à l’origine de la production de sucres, donc de graisse et de viande, l’amélioration  d’une certaines catégories du microbiote digestif des animaux de rente se présentait comme un moyen efficace pour permettre une amélioration de leurs performances zootechniques », ajoute-t-il.  

 

… qui ouvre la voie à une meilleure compréhension du microbiote humain aujourd’hui

De nombreux travaux sur le microbiote des herbivores ont eu lieu à Dijon depuis plus de 60 ans.

« L’une des équipes de référence sur l’étude de la digestion des herbivores, qui passe grandement par l’étude de leur microbiote, a été créée à Dijon dans les années 60 », ajoute Samy Julliand. Il explique : « Les techniques d’analyse et de compréhension ont progressivement évolué et sont aujourd’hui très complètes chez les animaux. Cela nous permet d’étudier la structure et la diversité des communautés bactériennes, leurs fonctions prédites ou réelles, leur activité, etc. Comme nous avons la chance de pouvoir conduire des essais en conditions contrôlées, nous pouvons travailler sur le lien causal entre modification de la conduite, micro-organismes digestifs, et conséquences sur la digestion, la santé ou le comportement. »

Si Claude Faivre, au sein de Wamine, se concentre exclusivement sur les modèles animaux et notamment les animaux de compagnie, il s’émerveille devant toutes les connaissances qui restent à explorer en lien avec l’humain : « si l’on étudie les espèces présentes à l’intérieur du tube digestif d’une famille possédant un animal de compagnie, on constate qu’il existe un échange véritable entre le microbiote des humains de cette famille et celui de leur animal… ce phénomène a d’ailleurs été décrit comme à l’origine d’une défense immunitaire plus forte chez les enfants vivants au contact des animaux ».

De son côté, Samy Julliand est confiant sur les partages de connaissances possibles entre les travaux de recherche chez l’animal et ceux chez l’être humain : « les espèces animales que nous étudions peuvent, au regard de la pathogénèse de certaines maladies, être très intéressantes pour comprendre l’origine des dysfonctionnements chez l’être humain. Aujourd’hui, plusieurs des projets que nous conduisons servent conjointement à la santé animale et humaine. Dresser des passerelles entre les connaissances chez les animaux et chez les êtres humains était d’ailleurs l’un des objectifs du dernier congrès scientifique organisé par notre équipe au mois de novembre dernier, pour que nous progressions tous plus rapidement ! ».

Pour répondre aux défis futurs, Lab To Field renforce actuellement son équipe dans la perspective de travailler de plus en plus sur les relations entre alimentation, microbiote et santé chez l’homme … un mammifère parmi d’autres.

 

Pour aller plus loin

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1 commentaires

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Poiroux

26 janvier 2022 à 10h23

Article passionnant; je suis à la recherche de start-up de l’univers « nutrition spécialisée », je me concentrais sur l’humain, l’ouverture à l’animal m’intéresse désormais !

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