24 octobre 2019 / Compétences et expertise / Vitagora / Sciences et technologies

Alimentation : choisir ses mots pour faire adhérer les consommateurs

Compétences et expertise

 

Comment communiquer autour d’un nouveau produit alimentaire ? Quel positionnement faut-il choisir ? Le goût ? La santé ? Comment construire un message compréhensible par le consommateur ? Rencontre avec Clémentine Hugol-Gential du CIMEOS qui décortique au quotidien le sens des mots et leurs représentations.

 

Pourquoi s’y intéresser ?

  • Bien choisir ses mots pour s’adresser aux consommateurs permet de diffuser des messages plus efficaces
  • L’expertise du CIMEOS sur la communication agroalimentaire fournit des pistes de réflexion pour construire des messages impactant
  • S’intéresser à l’impact des messages sur les pratiques du consommateur permet de mesurer les limites des messages « santé » et de privilégier des messages « bon et bien manger » en cohérence avec les attentes des consommateurs
  • Être attentif aux canaux de diffusion des messages agroalimentaires et aux raccourcis source d’incompréhensions ou de mauvaises pratiques alimentaires 

Quand vous développez un nouveau produit alimentaire, vient le moment où entrent en scène vos équipes marketing et communication et qu’elles doivent réfléchir au positionnement du produit, à sa cible et aux messages les plus pertinents pour séduire les consommateurs. Faut-il privilégier l’aspect « bien-être » du produit ou vanter ses qualités gustatives ? Faut-il insister sur l’origine des ingrédients ou sur son caractère innovant ? Peut-on associer tous ces messages dans le même discours au risque d’être inaudible ? A l’international, est-il nécessaire d’appréhender des différences culturelles ? Comment faire les bons choix ?

 

Construire le bon discours pour s’adresser à ses consommateurs est complexe et s’appuie sur de nombreux ressorts : le positionnement du message, le choix des mots, les adéquations avec les attentes et la culture des consommateurs, … Comment les déterminer ?

 

Des éléments de réponse avec Clémentine Hugol-Gential, maîtresse de conférences à l’Université de Bourgogne et enseignante-chercheure au CIMEOS à Dijon.

 

EcoSec

Clémentine Hugol-Gential

Titulaire d’un doctorat en science du langage, Clémentine Hugol-Gential intègre l’Université de Bourgogne (UFR Langues et Communication) en 2012 en tant que maîtresse de conférences en Sciences de l’Information et la Communication. Elle co-pilote l’axe « Alimentation et gastronomie » du laboratoire CIMEOS qui s’intéresse au fait alimentaire (achat, préparation des repas, prise alimentaire…) par le biais de la communication. Plus précisément, il s’agit d’étudier les discours alimentaires (santés, commerciaux, publicitaires, etc.), leurs modes de diffusion, leurs impacts sur la représentation des consommateurs et sur leurs pratiques alimentaires. Ses recherches concernent notamment la représentation du fait alimentaire en milieu hospitalier (projet ALIMS)  et en institution comme les EHPAD et comment amener les patients à retrouver le plaisir de manger. Plus largement, Clémentine Hugol-Gential s’intéresse aux notions du bien et bon à manger.

Le CIMEOS

Le CIMEOS est le laboratoire en Sciences de l’Information et de la Communication de l’Université de Bourgogne à Dijon. Cette unité de recherche structure ses travaux autours de trois axes thématiques :

  • Alimentation et gastronomie
  • Santé, savoirs, innovation
  • Transition socio-écologique, espaces publics et territoires

Très ancré dans la dynamique du territoire, le laboratoire participe à de nombreux projets autour des territoires et de l’alimentation. Il a noué de fortes relations avec l’écosystème local et l’industrie agroalimentaire.

Le CIMEOS porte le projet COCKTAIL (sous la direction de Gilles Brachotte) lancé à l’automne 2019 dont Vitagora est partenaire. Son objectif est de détecter les tendances, les signaux faibles, l’émergence des discours et leur viralité dans le domaine alimentaire sur le réseau social Twitter (Retrouvez plus d’informations dans la suite de l’article).

Bien choisir ses mots pour s’adresser aux consommateurs

Un produit, plusieurs pratiques et représentations : l’exemple du café

Avec le phénomène de la mondialisation, les discours autour de l’alimentation et des marques agroalimentaires ont tendance à s’uniformiser. Pourtant chaque pays, chaque culture conserve des pratiques et perceptions alimentaires qui lui sont propres. Clémentine nous l’explique à travers l’exemple du café, aliment du quotidien par excellence : « Derrière le simple mot de café se cache de nombreux discours et pratiques de consommation. « Long » ou « serré », « noir » ou « crème », « juste après le repas » ou « jamais le soir » … les représentations autour du café sont aussi nombreuses qu’il y a de consommateurs ». Pour en comprendre les ressorts dans l’imaginaire collectif, le CIMEOS en partenariat avec le groupe SEB a mené une étude comparative intitulée « Pratiques, discours et représentation autour du café en France et en Allemagne ».

 

La réalisation de cette étude s’est déroulée en trois étapes :

  • Constitution d’un corpus : il s’agit de collecter les mots et expressions utilisés dans chaque pays par les consommateurs pour décrire les pratiques de la consommation de café,
  • Analyse du corpus pour déterminer les mots les plus employés et leur fréquence d’apparition,
  • Analyse croisée des résultats pour évaluer les représentations du café dans chaque pays et mettre en avant les éléments communs et différenciants.

Que nous dit cette étude ? Premièrement, qu’il y a des éléments communs entre les deux pays. Les consommateurs, à travers le vocabulaire qu’ils utilisent, mettent en avant leur recherche d’authenticité avec des termes comme origine, tradition et vertu et d’éthique en employant des termes comme biologique, naturalité, le social.

 

Ensuite, il y a des différences profondes. Si les termes autour de la notion d’authenticité sont communs aux deux pays, ceux autour de l’éthique sont différents. Pour les consommateurs français, la notion de « bio » ressort très largement alors que la conception « éthique » des allemands est bien plus complexe et recoupe des notions environnementales, économiques, sociales… 

 

Dès lors, si les représentations des individus autour d’un même aliment différent à ce point comment les marques peuvent-elles communiquer auprès de leur clients potentiels ?

Connaître la représentation du consommateur

La méthodologie dite « qualitative »

Il est toujours difficile de mesurer l’impact d’un message sur ses destinataires. La sensibilité des individus à certains sujets, à certains mots est une variable difficile à contrôler. Dès lors comment choisir les bons mots ? Comment construire un message audible pour le plus grand nombre ?

 

En sciences sociales, les méthodes dites qualitatives sont couramment utilisées. Par opposition aux méthodes dites quantitatives, l’approche qualitative permet de creuser en profondeur dans l'analyse de l'objet d'étude. Différentes techniques existent, fondées sur l'administration de questions ouvertes et l'exploration du langage : entretiens individuels (directif, semi-directif ou libre), observations participantes et « focus groupes » sont parmi les plus courants.

 

Lors des entretiens ou des « focus groupes », il s’agit de tester des messages sur les participants et de recueillir leur ressenti. Le message est-il perçu positivement ou négativement ? Correspond-il à la perception des gens sur le sujet qui est évoqué ?

 

Serious game

Autre méthode d’intérêt, les « serious games ». Il s’agit de mettre en situation les participants pour étudier leur comportement quand leurs sont soumis différents messages. On pourrait ainsi imaginer mettre les participants en présence de plusieurs déclinaisons d’un packaging du même produit mais avec des messages différents et observer leur choix puis les interroger sur les raisons qui leur ont fait opter pour tel ou tel emballage. Dans une logique participative, on pourrait même imaginer les faire participer au travers d’un jeu à l’élaboration de nouveaux messages autour de l’alimentation.

 

L’impact des mots sur les pratiques des consommateurs

Les limites du discours « santé » : l’exemple des légumes

Choisir et répéter un message est une chose, avoir un impact sur les pratiques du consommateur en est une autre. Le CIMEOS s’est intéressé à la représentation du légume dans une étude intitulée : « L’image des légumes : circulation des discours dans l’espace médiatique et désenchantement » (thèse de doctorat d’Hélène Burzala en partenariat avec Bonduelle).

 

Il y a des messages qui, à force d’être martelés, sont gravés dans notre inconscient collectif. « Manger 5 fruits et légumes par jour » en est un. Seriez-vous surpris si l’on vous annonçait qu’il n’a pas eu d’impact sur la consommation de fruits et légumes depuis sa première diffusion en 2001 ?

 

Explication avec Clémentine : « le discours qui est tenu sur les légumes fait la part belle aux aspects santé et nutritionnel aux dépends de la notion de plaisir. Quitte à réduire les légumes à de simples ingrédients fonctionnels. » Ce type de discours hygiéniste qui « désenchante l’alimentation » ne convainc pas la population attachée au modèle alimentaire français qui prône aussi le plaisir des papilles mais également d’autres aspects tels que le terroir.

La valorisation du « bon » et du « bien » manger

Dès lors comment créer l’envie chez le consommateur ? Comment l’amener à adopter une alimentation plus saine ? « Les consommateurs sont en quête de sens pour leur alimentation. Les choix qui sont effectués prennent en compte un grand nombre de critères comme l’authenticité, la provenance des produits, le mode de culture… » nous confie Clémentine. Preuve en est les tendances alimentaires de ces dernières années comme l’essor du végétal, le flexitarisme, les produits clean label, etc.

Modes de diffusion de l’information : attention aux raccourcis

A une époque d’immédiateté, les réseaux sociaux sont rois et influencent beaucoup les consommateurs et, bien que les sources ne soient pas toujours vérifiées, ces derniers leur font généralement confiance. Si ce sont des canaux de diffusion intéressants, qui permettent de communiquer et fédérer autour de sa marque, et de faire remonter rapidement des informations en cas de crises, les messages véhiculés ont tendance à être raccourcis voir (trop) simplifiés. Un message mal perçu ou incompris devient vite un « bad buzz ». Au-delà du contenu du message, c’est aussi sa diffusion qui doit être réfléchie.

 

Pourtant les réseaux sociaux, et notamment Twitter, pour qui sait les déchiffrer peuvent-être une formidable caisse de résonnance des attentes des consommateurs ou des tendances de consommation émergentes. C’est pour étudier cette manne d’information que le CIMEOS a initié le projet COCKTAIL sous la direction de Gilles Brachotte. Le projet doit permettre de mettre en évidence les nouvelles pratiques alimentaires, les nouvelles tendances culturelles, les détournements de produits et les communautés d’acteurs ainsi que leurs interactions. 

 

A terme, l’ambition du projet est de créer une plateforme numérique d’information pour le grand public et d’aide à la décision (gestion de crise, image de marque, émergence de tendances alimentaires…) pour les professionnels de l’agroalimentaire.

 

Les mots-clés

Consommateurs, comportements, discours, perceptions, informations

 

 

Elodie Da Silva

 

Pour en savoir plus...

Au-delà des études sur la perception des discours alimentaires par le consommateur, Clémentine Hugol-Gential et l’équipe « Alimentation et gastronomie » du CIMEOS s’interrogent plus généralement sur la représentation du fait alimentaire dans notre société.

 

Pour en savoir plus sur l’expertise de Clémentine Hugol-Gential, les recherches du CIMEOS et le projet COCKTAIL, contactez-moi Elodie da Silva : elodie.dasilva@vitagora.com

 

Ingénieure agroalimentaire originaire de Toulouse, Elodie accompagne Marine dans le suivi des projets collaboratifs des membres de Vitagora, avec bonne humeur, professionnalisme et enthousiasme : recherche de partenaires, fléchage de financements, gestion du projet, etc.

 

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