05 juillet 2022 / Compétences et expertise / Vitagora / Sciences et technologies

L’intelligence artificielle au service de l’alimentation des patients hospitalisés

 

Pourquoi s’y intéresser ?

  • On estime qu’entre 20 à 40% des personnes hospitalisées sont dénutries. Cette proportion peut atteindre 50% chez les personnes âgées hospitalisées. 
  • En moyenne 30% des plateaux repas servis dans les centres hospitaliers sont mis à la poubelle. 
  • Pourtant, une bonne alimentation des patients hospitalisés est essentielle pour leur permettre de retrouver une bonne santé. 
  • Une analyse systématique et fiable des plateaux repas réalisés par les professionnels soignants permettrait aux équipes diététiques de réaliser un diagnostic diététique précoce et de mettre en place une stratégie nutritionnelle adaptée à chaque patient.  
  • Les approches informatiques de l’intelligence artificielle permettent aujourd’hui de développer une solution innovante, ergonomique et intuitive

 

L’alimentation joue un rôle essentiel dans la prise en charge des patients hospitalisés, leur permettant de retrouver une bonne santé. Pourtant, la marge de progression de la nutrition en établissement de santé est importante : on estime qu’entre 20 à 40% des patients hospitalisés sont en effet en état de dénutrition – un chiffre qui peut atteindre jusqu’à 50% lorsqu’il s’agit de personnes âgées hospitalisées.  

Pour limiter les risques de dénutrition des patients hospitalisés, il est essentiel d’avoir une visibilité précise sur l’alimentation de chaque patient, à la fois en terme qualitatif (quels aliments du plateau repas sont consommés ou laissés), et en terme quantitatif. Dans le cadre du projet FoodInTech, des outils informatiques et d’intelligence artificielle sont mis au service des soignants pour remonter des données quantitatives et qualitatives fiables quant à l’alimentation de leurs patients, afin de les aiguiller dans leur suivi nutritionnel.

 

A découvrir dans cet article.   



 

Le projet FoodInTech 

Le Centre Hospitalier Universitaire Dijon Bourgogne, Yumain et Atol Conseils et Développements collaborent dans le cadre du projet FOODINTECH, labellisé par Vitagora, pour développer une solution innovante d'analyse des repas des patients dans les établissements de santé. Les objectifs sont la lutte contre la dénutrition des patients et la réduction du gaspillage alimentaire. Labellisé par Vitagora, et piloté par Virginie Van Wymelbeke-Delannoy du CHU de Dijon, le projet FoodInTech est financé par le Conseil Régional Bourgogne-Franche-Comté, le Grand Dijon et le FEDER.  

Yumain 

Anciennement appelée Global Sensing Technologies, Yumain est une entreprise co-fondée en septembre 2011 par Xavier Bruneau et Michel Paindavoine, également professeur émérite au laboratoire LEAD de l’Université de Bourgogne. Rebaptisée Yumain en 2019 afin de souligner l’engagement de l’entreprise au service de l’humain, cette PME localisée à Dijon propose des solutions de reconnaissance intelligente et des caméras industrielles de pointe grâce à trois expertises : le traitement de signaux en temps réel, l’intelligence artificielle embarquée (Edge-computing), et l’acquisition d’informations en milieu industriel. Les applications sont nombreuses : capteurs de perception de l’environnement, outils d’aide à la décision, interaction des systèmes informatiques dans les milieux industriels, pour du contrôle qualité, la sécurité des biens et des personnes, etc.  


Une analyse automatisée des plateaux repas en 3 temps 

Une méthode en trois étapes est mise en œuvre grâce à la collaboration des acteurs du projet FoodInTech (le CHU de Dijon Bourgogne, Yumain et Atol Conseils et Développements) :  

  1. Prise d’images
  2. Mesures réalisées par intelligence artificielle 
  3. Remontée d’informations sur un tableau de bord destiné aux diététiciens et médecins.  


« Le rôle de Yumain a été de développer l’outil d’intelligence artificielle capable de recevoir et de reconnaitre des images de plateaux repas », explique Michel Paindavoine.  

La prise de photos  

La prise de photos est réalisée grâce à un terminal mobile Android installé directement sur le chariot des plateaux repas (système « hand-free »). Ainsi, l’équipe du CHU de Dijon peut prendre automatiquement deux photos de chaque plateau-repas : une photo avant le service, et une au moment du débarrassage.  


Les images récupérées sont ensuite envoyées sur un serveur sécurisé au sein du CHU de Dijon, anonymisées et traduites en menus par le logiciel d’Atol Conseils et Développements, grâce à un QR code imprimé sur chaque plateau-repas : par exemple, salade composée de pâtes, petits pois et steak haché, pâtisserie. 
 

L’automatisation du relevé d’« ingesta » : en qualité et en quantité 

L’image « avant/après » est en parallèle transmise par le logiciel d’AtolCD à la solution d’intelligence artificielle de Yumain qui la traite pour identifier et mesurer ce qui a été mangé. « L’objectif est de mesurer l’ingesta », précise Michel Paindavoine – un terme utilisé dans le milieu hospitalier pour désigner l’ensemble des aliments (solides ou liquides) ingérés dans l'organisme d’un patient.  

Ici, deux traitements automatisés ont dû être intégrés dans le système d’intelligence artificielle de Yumain :  

  • La reconnaissance des aliments, pour que l’intelligence artificielle soit en mesure de reconnaitre la variété des repas servis. 
  • La mesure de surface, par détourage, pour identifier la quantité ingérée par le patient.   

En seulement quelques secondes, l’intelligence artificielle permet de comparer les images « avant » et « après » : on peut ainsi savoir sur le même exemple de menu, que 51% des petits pois et 11% du steak haché ont été consommés – ce qui sera traduit de manière opérationnelle pour les diététiciens lors de la troisième étape. 


« En croisant notre outil d’intelligence artificielle et l’expertise informatique apportée par Atol Conseils et Développements, on limite certaines erreurs de reconnaissance (par exemple, il peut y avoir une confusion entre polenta et purée) », détaille Michel Paindavoine.
« Cela permet d’avoir une solution véritablement industrialisable, c’est-à-dire pour l’automatiser sur une grande échelle tout en réduisant véritablement la marge d’erreur. » 

 

Un tableau de bord pour le suivi des patients 

Une fois les mesures réalisées, la traduction en fiches relevés alimentaires est réalisée par Atol Conseils et Développements au sein d’une interface numérique destinée aux diététiciens, envoyés dans le dossier médical de chaque patient pour permettre aux médecins de suivre l’évolution de la consommation alimentaire de leurs patients.  

 

Sur un tableau de bord numérique, les diététiciens accèdent ainsi aux détails quant à la consommation de chaque patient, pour chaque aliment et lors de chaque repas  : par exemple, la consommation de 76% d’une portion de pâté de campagne identifiée par l’intelligence artificielle correspond à 136,35kcal ainsi qu’à 6g de protides, 11g de lipides, etc. Sont aussi disponibles des graphiques permettant de visualiser l’évolution de la consommation selon les repas et les jours, des statistiques de consommation, un suivi énergétique, etc. Un moteur d’alerte met également l’accent sur les patients dont la consommation alimentaire est insuffisante par rapport à leurs besoins.   

Une application complémentaire : limiter le gaspillage 

« En complément, les données recueillies permettent également de suivre le gaspillage alimentaire plat par plat : que ce soit en pourcentage du plat, en kg gaspillés, ou même rapporté aux dépenses réalisées ou au kCo2 consommés », ajoute Michel Paindavoine.  

 

Cette utilisation de l’intelligence artificielle, si elle n’est pas la priorité dans le cadre du projet FoodInTech, représente de nombreux intérêts en restauration hospitalière, et aussi en restauration collective : identifier les repas qui ne sont pas appréciés pour mettre en place des réflexions et actions correctives (ingrédients, recettes, menus…) au niveau des cuisines centrales afin d’améliorer l’alimentation des convives et de cibler leur préférence tout en réduisant les coûts (économiques et environnementaux) liés au gaspillage.  

 

L’intelligence artificielle : fiabilité et rapidité des résultats 

Objectif : augmenter la précision de l’analyse 

« Les mesures qualitatives quant à ce qui est consommé ou non sur un plateau repas étaient jusqu’à présent réalisées par le personnel soignant, à vue d’œil », explique Michel Paindavoine. « Par exemple, le personnel pouvait indiquer qu’une quiche était mangée à 1/4. » 

 

Dans le cadre du projet FoodInTech, l’outil d’intelligence artificielle donne une information quantitative particulièrement précise en avoisinant les 80% de mesure correcte en laboratoire ; en vie réelle plusieurs facteurs, humains notamment, peuvent impacter la précision du système. « Il demeure 20% de marge d’erreur », reconnait Michel Paindavoine, « car les photos que nous obtenons sont en 2D. Obtenir des photos en 3D, grâce notamment aux nouvelles technologies en photographie, nous permettrait de prendre en compte le relief des quantités, et pas uniquement la surface, pour réduire cette marge d’erreur ». 
 

« L’entrainement » de l’intelligence artificielle 

Michel Paindavoine explique le travail continu de ses équipes : « notre rôle à Yumain est d’améliorer continuellement notre outil d’intelligence artificielle. Aujourd’hui, le détourage des aliments par l’intelligence artificielle, et la surface occupée par les pixels identifiés, répond à 98% de bonne reconnaissance. Nous menons des travaux comparatifs de détourages pour améliorer de façon permanente notre solution, et ceci, quel que soit l’aliment. »


Ainsi, il s’agit pour les équipes de Yumain « d’entrainer » leur solution d’intelligence artificielle. « Un entrainement classique complet se réalise sur 3 jours.
À l’issue de cette période, l’outil devient capable de comparer en seulement 2 secondes des photos avant/après pour identifier les aliments consommés et leur quantité. » 

Quelle place pour l’intelligence humaine ? 

Michel Paindavoine en est conscient : « il y a de nombreuses objections à l’intelligence artificielle, et une suspicion qui a toujours existé… L’inquiétude qu’elle remplace l’être humain est tout à fait compréhensible et légitime ».  

 

Mais il rassure sur les limites de l’outil face à l’intelligence humaine : « l’intelligence artificielle ne fait pas tout, elle est dénuée de conscience. Elle permet certes d’obtenir des résultats de mesure très précis et rapides… mais l'interprétation des résultats est toujours réalisée ensuite par l’être humain. Le logiciel développé par AtolCD intègre d’ailleurs un niveau de validation humaine des ingesta estimés numériquement, et à tout moment les diététiciens peuvent contrôler les photos prises par le système et modifier les pourcentages évalués plat par plat selon leur appréciation. Grâce à l’intelligence artificielle, l’être humain peut se concentrer sur des tâches à haute valeur ajoutée, où son intelligence est véritablement mise à profit : analyse et exploitation des données, prise de décision, service aux personnes, interactions, etc. » 

 

C’est d’ailleurs pour replacer l’utilité de l’intelligence artificielle au service des humains (et non l’inverse), que les dirigeants de l’entreprise ont choisi de renommer Global Sensing Technologies en « Yumain » en 2019. « Avec le projet FoodInTech, notre technologie d’intelligence artificielle au service des humains prend tout son sens puisque notre solution est mise à disposition des praticiens pour le suivi de leurs patients. » 

 

Yumain : l’intelligence artificielle au service de l’industrie agroalimentaire 

Au-delà de l’amélioration de la prise en charge alimentaire des patients hospitalisés, l’entreprise Yumain met son expertise au service d’autres applications.  

La protection des personnes en usine  

Dans le domaine de la protection des personnes en usine, Yumain propose une solution dédiée à la protection des personnes dans les sites logistiques (par exemple, en entrepôt), afin d’éviter les accidents – notamment liés aux chariots élévateurs. « Les usines sont parfois aussi dangereuses en termes de trafics que des voies rapides : il y a des couloirs où l’on prend de la vitesse, mais aussi de nombreux carrefours », détaille Michel Paindavoine. « Notre idée est de permettre d’avertir les caristes des risques de collisions, en temps réel, grâce à un capteur intelligent - intitulé « ECS » qui réagit en moins d’une seconde, et sans avoir besoin d’équiper les équipes piétonnes ou les engins de matériel spécial de détection. » 

Le contrôle Qualité  

Plusieurs applications de l’intelligence artificielle peuvent également être mises à service du contrôle qualité.  

Yumain a par exemple développé une solution pour les industries (agroalimentaires parmi d’autres) produisant un faible volume de production, ou dont le cycle de production change tous les 2 ou 3 jours, et pour qui les outils de détection visuelle de défauts existants ne sont pas adaptés : une caméra embarquée permettant d’identifier si un produit est conforme ou non à l’attente (contrairement à une caméra qui identifierait un défaut – ce qui nécessiterait des jours d’apprentissage pour que l’intelligence artificielle apprenne chaque écueil à identifier).  « C’est une solution permettant de déployer rapidement un nouveau cycle de production, particulièrement adaptée pour les industries où les cycles de fabrication changent régulièrement en passant par exemple d’une ligne de production emballée dans du carton à une ligne de production en conserve. »  

 

Le développement d’un « nez artificiel », permettant d’analyser des gaz polluants (par exemple, l’ammoniac), est également en cours dans le cadre d’une thèse CIFRE menée par Ludmilla Grzelak en collaboration avec le laboratoire de physique-chimie ICB de l’Université de Dijon (thèse dirigée par Jérôme Rossignol et en co-direction avec Olivier Brousse de Yumain).  

 

Pour aller plus loin  

Pour en savoir plus sur l’expertise de Yumain ou pour être mis en relation avec Michel Paindavoine et son équipe, contactez-moi par e-mail : delphine.gomesdarosa@vitagora.com 

 

A lire également :   

 

Mots clés

Intelligence artificielle, solutions, aide à la décision, nutrition, amélioration nutritionnelle, santé, restauration, hôpitaux, seniors, anti-gaspillage 

 

 

Pour en savoir plus


Diététicienne diplômée, passionnée de chocolat (elle détient notamment son CAP chocolatier/confiseur) et d’alimentation depuis toujours, Delphine a poursuivi ses études en école d’ingénieurs pour explorer les liens entre santé, nutrition, goût, et développement produits. De nature curieuse, Delphine prend plaisir à explorer les solutions concrètes innovantes les plus adaptées aux besoins des adhérents de Vitagora.

 

Pour en savoir plus sur les travaux de recherche menés par Yumain, ou pour être mis en relation, contactez Delphine Gomes Da Rosa : delphine.gomesdarosa@vitagora.com.

 

 

 

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