15 juin 2020 / Compétences et expertise / Vitagora / Sciences et technologies

La qualité du tissu adipeux : quel impact sur l’obésité ?

 

Compétences et expertise

 

Pourquoi s’y intéresser ?

  • Nuancer son regard sur l’obésité et ses conséquences sur la santé
  • Considérer le tissu adipeux comme un organe à part entière qui impacte la santé des individus
  • La qualité du tissu adipeux pourrait expliquer pourquoi certaines infections, comme la COVID-19, conduisent à des formes plus sévères chez les sujets obèses
  • Les concepts « d’obésité saine » et de tissu adipeux « de bonne qualité » offrent des perspectives pour la prise en charge médicale individuelle des personnes obèses
  • Mieux comprendre la constitution et le fonctionnement du tissu adipeux ouvrirait la porte à des recommandations nutritionnelles personnalisées et à une prise en charge individualisée dans le cadre de la perte de poids

 

Considérée comme un problème de santé publique majeur par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’obésité touche environ 19,5% des habitants de l’OCDE. Concernant principalement les pays industrialisés, l’obésité se développe dans tous les pays du monde et dans toutes les catégories sociales.

Les instances mondiales telles que l’OMS et les autorités sanitaires de nombreux pays, à l’image de la France,  ont mis en place des politiques de prévention et de traitement de l’obésité et de ses pathologies sous-jacentes. La prise en charge de l’obésité se base principalement sur la perte de masse graisseuse, qui est pointée du doigt pour être un facteur de risque, avéré ou supposé, pour le développement de troubles métaboliques et cardiovasculaires.

Un présupposé que les équipes de l’UMR1231-LNC (Lipides Nutrition Cancer) ont voulu reconsidérer avec les partenaires du projet FUI SYMPPA, en démontrant que la qualité du tissu adipeux, ou masse graisseuse, influe autant, sinon plus, que sa quantité, sur le développement de pathologies liées au surpoids et que les individus obèses ne présentent pas tous le même risque de développer des pathologies sous-jacentes, telles que les maladies cardiovasculaires, l’insulino-résistance et le diabète de type 2.

Les personnes obèses souffrent-elles réellement toutes de pathologies liées à leur surpoids ? Comment la qualité du tissu adipeux, plus encore que sa quantité, intervient-elle dans le développement de troubles métaboliques et cardiovasculaires ?

Eléments de réponse avec Laurent Lagrost, directeur de recherche à l’UMR1231-LNC (tutelles Université de Bourgogne, INSERM et AgroSup) et partenaire du projet FUI SYMPPA.

 

L’UMR LNC (Lipide Nutrition Cancer)

Créée en janvier 2007, puis renouvelée en 2012, l’UMR LNC est issue du rapprochement de plusieurs laboratoires labellisés par l’Université de Bourgogne, l’INSERM, l’EPHE (Ecole Pratique des Hautes Etudes) et AgroSup. Ce Centre de Recherche a pour vocation de promouvoir la recherche fondamentale et clinique dans les domaines du Cancer, de la Nutrition, de la Biologie des Lipides et du Risque CardioMétabolique.

 

LabEx LipSTIC

Le LabEx LipSTIC est un programme de recherche multidisciplinaire unique en France qui fédère 23 équipes de recherche. Mis en place dans le cadre du Programme Investissements d’Avenir, son objet principal est de contribuer à la lutte contre le cancer mais aussi de progresser dans les domaines de la transplantation et de l’inflammation. Il repose sur l’idée originale et ambitieuse d’utiliser les lipoprotéines pour :

  • Prévenir la survenue et la progression de pathologies non-vasculaires, telles que le cancer et les maladies inflammatoires
  • Faire transporter des molécules bioactives insolubles dans l’eau (lipides ou médicaments) jusqu’à l’organe malade
  • Neutraliser et transporter les composés bactériens pro-inflammatoires jusqu’au foie pour élimination

« Obésité à faible risque métabolique » : de quoi s’agit-il ?

L’obésité : un problème de santé publique

L’OMS définit l’obésité comme une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle qui représente un risque pour la santé. L’obésité d’un individu est communément mesurée par l’Indice de Masse Corporelle (IMC). Ce dernier est le rapport entre la taille et le poids au carré de l’individu. Avec un IMC égal ou supérieur à 25, l’individu est considéré comme étant en surpoids ; à partir de 30, il est considéré comme obèse.

Alimentation trop riche, absence d’activité physique, sédentarisation, prédisposition génétique, troubles du comportement… les causes de l’obésité sont multiples et varient selon les individus. Considérée comme un problème de santé publique, l’obésité est un facteur de risque pour d’autres maladies chroniques telles que le diabète, les maladies cardio-vasculaires ou le cancer.

Les messages de prévention déployés par les agences de santé mettent en garde sur les conséquences graves de l’obésité pour la santé. Faut-il en conclure qu’une personne obèse souffrira forcément d’une pathologie sous-jacente ? C’est de cette idée reçue dont Laurent Lagrost souhaite débattre : « Sans remettre en cause les dangers liés à l’obésité, des observations scientifiques ont montré qu’il est probablement réducteur et trop simpliste de vouloir prédire les risques de complications métaboliques et cardiovasculaires en fonction de la seule quantité de masse grasse ».

 

Crédits photo : Unsplash

 

Le concept d’obésité à faible risque métabolique

Les personnes souffrant d’obésité sont-elles toutes atteintes de troubles métaboliques et cardiovasculaires liés au surpoids ? C’est à cette question qu’a voulu répondre une équipe de recherche finlandaise en observant l’état de santé de 16 paires de jumeaux monozygotes discordants pour l'obésité, c’est-à-dire composée chacune d’un individu obèse et d’un individu non-obèse (source : medscape.com). Les observations ont permis de constater que 50 % des individus obèses étaient sains et métaboliquement identiques à leur parent mince, c’est-à-dire qu’ils ne présentaient aucune des pathologies classiquement liées à l’obésité. De grandes disparités ont été constatées :  parmi les cas où le sujet obèse ne présentait pas de troubles métaboliques, son pourcentage de graisse hépatique était sensiblement équivalent (+8%) à celui de son jumeau mince, alors que dans le groupe où le sujet obèse souffrait de pathologies liées au surpoids, le pourcentage de graisse hépatique était 718% plus important que chez le jumeau mince.

D’autres facteurs métaboliques ont été analysés et à chaque fois le jumeau obèse métaboliquement sain avait des résultats équivalents à son jumeau mince et ne présentait pas d’élévation du risque cardio-métabolique.

Dans la mesure où les caractéristiques (âge, sexe, consommation de tabac et d’alcool, activité physique et apport énergétique quotidien) de chaque paire de jumeaux étaient semblables, comment expliquer ces inégalités face à l’obésité ? Des différences dans la composition du tissu adipeux ont été constatées mais le mécanisme reliant le tissu adipeux au risque de souffrir d’une pathologie métabolique n’a pas été démontré.

 

Projet SYMPPA : l’importance de la composition du tissu adipeux

 

Le projet FUI SYMPPA* (Syndrome métabolique : Développer de nouveaux actifs d’origine naturelle visant la restauration du métabolisme des lipides/glucides via des Polyphénols actifs) s’est intéressé au phénomène d’obésité à faible risque métabolique. « Notre objectif était de démontrer de façon expérimentale que la composition du tissu adipeux et sa qualité influent sur les risques de développer des troubles métaboliques et des pathologies sous-jacentes », explique Laurent Lagrost. La prise en charge médicale de l’obésité est le plus souvent uniquement envisagée par le biais de la perte de masse graisseuse, sans s’intéresser à la qualité de celle-ci. « Toute l’originalité de cette étude était d’envisager le tissu adipeux non plus seulement en termes de quantité mais également et surtout sous l’angle de sa qualité, c’est-à-dire de sa composition cellulaire et moléculaire », complète Laurent Lagrost.

* Composition du consortium : UMR 1231 LNC (INSERM), Laboratoire Spiral, Eurial ultra frais, Salins du Midi. Ce projet a été accompagné et labellisé par Vitagora. L’étude a débuté en 2013 pour une durée de trois ans et les résultats ont été dévoilés en 2019.

Le déroulé de l’étude

Pour prouver l’hypothèse que la qualité du tissu adipeux joue un rôle clé dans le développement ou non de pathologies métaboliques et cardiovasculaires associées à l’obésité, l’équipe de chercheurs a analysé le tissu adipeux et le métabolisme de trois groupes de souris :

  • Un groupe témoin de souris nourries avec une alimentation équilibrée et présentant un poids moyen de 30g.
  • Un groupe de souris rendues obèses et nourries avec une alimentation riche en lipides et en glucides avec un poids moyen de 60g.
  • Un groupe de ces mêmes souris rendues obèses avec un poids moyen de 60g, ayant reçu en complément un extrait polyphénolique riche en divers antioxydants, développé par le Laboratoire LaraSpiral.


Plusieurs observations ont été faites :

Le métabolisme des souris obèses qui n’ont pas reçu en complément l’extrait polyphénolique, était profondément altéré par rapport à celui des souris minces. Leur espérance de vie a été réduite de 36%. Les animaux obèses souffraient notamment d’hyperglycémie et d’hypercholestérolémie. En examinant la composition du tissu adipeux, les chercheurs ont constaté une infiltration importante de celui-ci par des cellules immunitaires pro-inflammatoires qui peuvent favoriser le développement de pathologies.

A l’inverse, l’espérance de vie des souris obèses ayant reçu en complément l’extrait polyphénolique était quasi-équivalent à celle des souris minces et leur métabolisme bien plus équilibré que les autres souris obèses. Les chercheurs ont constaté chez ces souris un meilleur bilan lipidique, une diminution du stress oxydant et une réduction de l’infiltration du tissu adipeux par les cellules immuno-inflammatoires par rapport aux souris obèses de masse corporelle égale mais non-supplémentées.

Des résultats encourageants

L’utilisation de l’extrait de polyphénols a permis à l’équipe de chercheurs de corriger les anomalies du tissu adipeux générées par un régime gras et sucré. L’espérance de vie des souris obèses a été améliorée pour revenir au même niveau que les souris non-obèses malgré l’importance de leur masse graisseuse. « Ainsi, pour la première fois, il a été démontré expérimentalement que la composition du tissu adipeux, plus que sa quantité, contribue au développement de pathologies liées à l’obésité », se réjouit Laurent Lagrost.

Et chez l’être humain ?

Quelles pourraient être les retombées de santé publique si ces résultats se confirmaient chez l’être humain ?

En première intention, il conviendrait de tenir compte davantage de la composition du tissu adipeux lors de l’évaluation des facteurs de risque et des complications liées à l’obésité, et ne plus uniquement se focaliser sur la quantité de masse grasse et le poids d’une personne. Ensuite, il pourrait être envisagé qu’un régime alimentaire équilibré et riche en antioxydants pourrait moduler la composition du tissu adipeux en limitant les phénomènes d’oxydation et d’infiltration de cellules immuno-inflammatoires. « La prochaine étape sera de rechercher chez les sujets souffrant d’obésité des indices en faveur de ces hypothèses », souligne Laurent Lagrost.

Au-delà des résultats de cette étude, Laurent Lagrost invite à considérer le tissu adipeux comme un organe à part entière. « Une meilleure connaissance de la composition du tissu adipeux, de ses mécanismes et de son influence sur le métabolisme apporterait un éclairage nouveau sur la prévention et la prise en charge de l’obésité, notamment à travers le traitement médical individualisé et le développement d’une approche nutritionnelle personnalisée » conclut-il.

Les mots-clés

Obésité, tissus adipeux, prévention, troubles métaboliques, santé

 

Pour en savoir plus...

Pour en savoir plus sur l’expertise de Laurent Lagrost et les compétences de l’UMR1231-LNC et du LabEx LipSTIC, contactez : marthe.jewell@vitagora.com

 

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Healthy adiposity and extended lifespan in obese mice fed a diet supplemented with a polyphenol-rich plant extract, Virginie Aires, Jérôme Labbé, Valérie Deckert, Jean-Paul Pais de Barros, Romain Boidot, Marc Haumont, Guillaume Maquart, Naig Le Guern, David Masson, Emmanuelle Prost-Camus, Michel Prost and Laurent Lagrost. Scientific report, 2019

 

 

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