23 août 2018 / Compétences et expertise / Vitagora / Sciences et technologies
Optimiser les opérations d’hygiène en industrie agroalimentaire : le séchage, une solution à étudier
Les étapes de nettoyage/désinfection dans les ateliers agroalimentaires sont indispensables. Cependant elles engendrent des coûts énergétiques et des rejets chargés en biocides importants. D’autant plus que cela n’élimine pas totalement les microorganismes, comme Listeria monocytogenes qui persiste parfois sur les surfaces. Quelles sont les solutions pour optimiser les résultats du nettoyage ? Est-il possible de diminuer la viabilité de Listeria monocytogenes dans les ateliers agroalimentaires ? Comment rendre ce processus plus respectueux de l’environnement ?
Pourquoi s’y intéresser ?
- Aujourd’hui, si la température des ateliers alimentaires est bien contrôlée, il n’en est pas de même pour l’humidité de l’air
- L’utilisation optimale de la déshumidification de l’air est une technique efficace pour l’hygiène des surfaces
- Utiliser la déshumidification de l’air pour empêcher la persistance de bactéries permettra également de réduire l’impact environnemental des opérations d’hygiène
- Identifier des méthodes innovantes pour diminuer la survie de microorganismes comme monocytogenes permettra de diminuer les risques de contamination
- La définition d’une technologie de déshumidification de l’air à bas coût énergétique et adaptée aux besoins agroalimentaire est un des objectifs du projet ECOSEC
Essentielles et non discutables, les opérations d’hygiène dans les ateliers agroalimentaires font partie du quotidien des industriels. Encadrées par le droit français et sous surveillance de l’ANSES, ce sont des mesures de maitrise des dangers, notamment pour contrôler la contamination des aliments par des microorganismes. Cependant, ces opérations ont leurs limites : il arrive qu’elles n’éradiquent pas totalement bactéries et virus mais aussi que l’eau de nettoyage restant sur les surfaces devienne elle-même un réservoir de contamination.
Le projet ECOSEC, labellisé par Vitagora et financé par l’ANR dans le cadre de l’appel à projet ALID (systèmes alimentaires durables), s’est penché pendant cinq ans sur l’optimisation des procédés de nettoyage/désinfection grâce à la déshumidification de l’air. Cette technique permet de contrôler la croissance des microorganismes non éliminés par les étapes de nettoyage et désinfection en séchant les surfaces après nettoyage. Elle est toutefois peu utilisée, souvent de façon empirique et il existe peu de données permettant d’optimiser son impact létal sur les microorganismes.
Pour ne donner qu’un exemple, Listeria monocytogenes est une bactérie pathogène pour l’Homme qui se développe entre autres dans les ateliers agroalimentaires. Cette bactérie a la capacité de résister aux températures de réfrigération et de se multiplier sur des aliments comme les produits laitiers au lait cru, les charcuteries, le saumon fumé ou encore les graines germées crues. Les cas de contaminations par L. monocytogenes sont peu nombreux mais mortels dans 15 à 30% des cas. Elle fait partie des microorganismes qui peuvent persister dans les ateliers après les nettoyages et désinfections de surface.
En s’alignant sur une démarche de développement et d’alimentation durables, les acteurs du projet ECOSEC se sont fixé comme objectif de minimiser la survie de L. monocytogenes grâce à une utilisation optimisée, et validée par des preuves scientifiques, de la déshumidification de l’air. Retour sur les résultats de ce projet qui ont mis en évidence les clés d’un nettoyage efficace des surfaces des usines agroalimentaires : type de surface, nature de la production, etc.
Projet ANR ECOSEC
Ce projet scientifique, démarré en janvier 2012 pour une durée de cinq ans, a réuni des partenaires académiques et industriels : l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), l’UMR Procédés Alimentaires et Microbiologiques (UMR PAM), l’Institut National de Recherche en Sciences et Technologies pour l’Environnement et l’Agriculture (IRSTEA), le Laboratoire de Microbiologie du centre INRA de Theix, DESSICA, le groupe Labeyrie et Maison du Froid Conseil (MF Conseil).
L’objectif de ce projet a été de réduire l’impact environnemental des opérations d’hygiène dans les ateliers réfrigérés en agroalimentaire grâce à une utilisation optimale de la technique de déshumidification de l’air. Pour la conduite du projet, la bactérie Listeria monocytogenes a été choisie comme sujet d’étude notamment en raison de sa capacité à persister malgré la réfrigération et les opérations de nettoyage/désinfection.
En ayant une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans l’inactivation des bactéries ainsi que leur résistance et adaptation, il sera possible de déterminer les facteurs les plus influents pour atteindre la charge microbienne la plus faible possible sur les surfaces, tout en ayant un impact minime sur l’environnement.
Les constats issus du projet
L’eau, à la fois indispensable et problématique
L’eau est un agent indispensable lors du nettoyage, pour rincer une mousse détergente par exemple, mais elle peut être également source de problèmes. En effet, l’eau une fois utilisée pour rincer les surfaces peut devenir un réservoir pour les bactéries non éliminées. Cette eau potentiellement contaminée doit donc être séchée rapidement et minutieusement. Cependant, il est évident que cela ne peut pas être réalisé à la main sur le long terme.
Des paramètres à prendre compte pour le nettoyage des surfaces
Les types de surface influencent l’efficacité des traitements
Les résultats du projet ont mis en évidence qu’un carreau de céramique présentant de nombreuses anfractuosités à sa surface pouvait retenir dix fois plus de cellules de L. monocytogenes qu’un carreau de céramique lisse. De plus, les cellules se trouvant dans ces anfractuosités étaient en meilleur état physiologique après contact avec des produits d’hygiène que celles étant plus accessibles. Il semble donc important de choisir des matériaux rigides et lisses, facilement décontaminables et moins encrassables. Il faut également faire attention à l’apparition de crevasses ou fissures liées à l’usure pour ne pas créer de niches potentielles pour les microorganismes.
La nature des souillures influence l’agrégation des bactéries
Entre un jus de saumon fumé et un exsudat de viande, il semblerait que l’agrégation des bactéries ne soient pas la même. En présence d’exsudat de viande, les cellules de L. monocytogenes adhèrent entre elles après culture sous forme d’agrégats de cellules allongées. Dans un milieu de culture de laboratoire modifié pour ressembler au jus de saumon fumé, les cellules adhèrent de façon isolée les unes des autres. Les différents ateliers d’une industrie agroalimentaire ne sont donc pas à traiter de la même façon suivant les types de résidus retrouvés.
La déshumidification optimise le nettoyage et la désinfection
Les études réalisées sur L. monocytogenes ont montré que le nettoyage et la désinfection couplés à un séchage avaient un impact sur la viabilité de cette bactérie. Deux types de séchages ont également été comparés : un séchage final après l’étape de nettoyage/désinfection et un séchage quotidien en plus du nettoyage et de la désinfection. Il en ressort que le séchage permet d’optimiser de façon significative l’étape nettoyage/désinfection, d’autant plus lorsque le séchage est réalisé quotidiennement.
Plusieurs techniques de déshumidification à envisager
Plusieurs technologies sont possibles : le traitement au point de rosée, la dessiccation par sorption solide ou par sorption liquide. Chaque système a ses spécificités, ses avantages comme ses inconvénients. Le traitement au point de rosée est largement utilisé mais est très consommateur en énergie et nécessite un dégivrage. Les roues dessiccantes sont aussi gourmandes en énergie mais préviennent efficacement les problèmes de givrage. Elles peuvent être intéressantes pour les faibles débits d’air et pour les locaux de petite taille. Pour ce qui est des systèmes dessiccants liquides, c’est une technologie intéressante sur le plan énergétique seulement s’il y a une récupération de chaleur sur la condensation. C’est cependant une technologie complexe à déployer, à réserver aux forts débits d’air (au-dessus de 20 000 m3/h).
Les perspectives du projet
Les tests de déshydratation réalisés sur L. monocytogenes ont montré chez certaines souches une résistance au stress osmotique engendré par la déshydratation. Il apparaît également que cette survie dépend de l’amplitude de déshydratation, de sa rapidité mais aussi de l’état physiologique des bactéries. Mieux comprendre les mécanismes de résistance de cette bactérie et identifier les conditions favorables à sa destruction est donc primordial pour optimiser au mieux les méthodes de nettoyage pour l’industrie agroalimentaire. Il reste également à évaluer la technologie la plus efficace et la moins coûteuse en énergie pour contrôler de façon optimale le taux d’humidité dans les ateliers et adapter la fréquence de traitement nettoyant/désinfectant en conséquence.
Les mots-clés
Industrie, agroalimentaire, hygiène, nettoyage, désinfection, microorganismes, bactérie, listeria, déshumidification
Envie d'aller plus loin ?
- Découvrez les présentations liées au projet ECOSEC réalisées en 2014 et 2015 lors de deux workshops sur le site internet de l'ANSES
- COROLLER, P.L., OULAHAL, D.N., and LEBLOND-BOURGET, P.N. Impact des fluctuations de l’humidité relative de l’air sur la survie de Listeria monocytogenes : application à l’amélioration de l’hygiène dans les ateliers de production alimentaire. 250.
- Renier, S.A.A. (2012). Déterminants protéiques de la voie de sécrétion Sec impliqués dans la formation de biofilm chez Listeria monocytogenes. phdthesis. Université Blaise Pascal - Clermont-Ferrand II.
Article réalisé en partenariat avec JFD&Co