21 novembre 2019 / Compétences et expertise / Vitagora / Sciences et technologies

Nanomatériaux : comment les caractériser pour garantir un étiquetage conforme de vos produits ?

 

Compétences et expertise

 

  

Pourquoi s’y intéresser ?

  • La bonne caractérisation d’un nanomatériau est capitale pour répondre aux exigences réglementaires, et assurer une traçabilité et un étiquetage exact des produits.
  • Elle permet aussi de mieux connaitre les substances manipulées en vue de mettre en œuvre, si besoin, les bonnes dispositions de gestion des risques
  • Or, les techniques d’analyse disponibles ne sont pas forcément adaptées aux substances testées

Les nanomatériaux et les additifs contenant des nanoparticules sont aujourd’hui largement utilisés par l’industrie agroalimentaire, pour les propriétés uniques qu’ils offrent : améliorer les propriétés des denrées, optimiser les procédés de fabrication ou encore obtenir des emballages aux propriétés avancées. Alors que la complexité des nanomatériaux rend leurs risques difficiles à appréhender, et que le contexte médiatique s’est emparé des craintes ambiantes, la réglementation impose depuis décembre 2014 l’étiquetage des nanomatériaux manufacturés utilisés comme ingrédients (règlement INCO – en savoir plus ici).   

 

Il est donc crucial de pouvoir déterminer si une substance particulaire doit être considérée comme un nanomatériau – ou pas. Or, toutes les techniques d’analyse disponibles aux industriels de l’agroalimentaire ne sont pas forcément adaptées aux substances testées. Comment vous assurer de bien tester vos substances, afin de garantir un étiquetage exact pour le consommateur – et conforme à la réglementation ? Eclairage avec Georges Favre, Directeur de l’Institut LNE Nanotech.

 

EcoSec

Georges Favre

Diplômé de l’Ecole Centrale Paris (2005) et Docteur en Chimie Analytique (2008), Georges FAVRE rejoint le Laboratoire National de métrologie et d’Essais (LNE) en 2011, au sein de la Direction de la Recherche. Il est nommé Chef de produit Nanomatériaux en 2015. Il assure en parallèle le pilotage du Club nanoMétrologie, un réseau de 400 membres visant à assurer un lien entre le milieu académique et l'industrie sur les problématiques de caractérisation à l’échelle du nanomètre. En 2017, il est devenu le Directeur de l’Institut LNE Nanotech et est à ce titre responsable de la coordination de l’ensemble des activités du LNE portant sur les nanomatériaux et nanotechnologies. Il assure enfin depuis 2019, la co-présidence de la commission de normalisation AFNOR/X457 en charge des nanotechnologies et des nanomatériaux.

Le LNE

Etablissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), le LNE est placé sous la tutelle du ministère de l'Economie et des finances en charge de l’Industrie. Fondés sur son excellence scientifique et technique (il est le Laboratoire National de métrologie français en charge du développement des références pour la mesure, i.e. méthodes de référence/étalons…), ses travaux constituent le socle de multiples applications : étalonnages, essais, certification... Expert reconnu en France et à l’international, le LNE place la mesure au service de l’économie et de la société. Depuis sa création en 1901, le LNE œuvre pour une société plus sûre et des entreprises compétitives et innovantes. En savoir plus sur lne.fr.

Qu’est-ce qu’un nanomatériau ?

« Plusieurs définitions d’un nanomatériau cohabitent aux niveaux français et européen – avec des critères différents », explique Georges Favre. « Or, pour bien caractériser une substance comme un nanomatériau, encore faut-il savoir à quelle définition se reporter. »

Alors que le règlement n°2283/2015 utilise des notions d’intentionnalité de production ou de propriétés typiques de la nanoéchelle (i.e. 1- 100 nm), l’approche retenue dans la Recommandation de définition de la Commission Européenne (2011/696/EU) et censée, à terme, permettre une harmonisation des concepts, fait appel à la distribution de tailles en nombre des particules constitutives de la substance, que ces dernières soient isolées ou intégrées à des agglomérats/agrégats (comprendre cela comme une grappe de raisin).

 

Selon cette recommandation de définition, un nanomatériau est un matériau naturel, formé accidentellement ou manufacturé contenant des particules libres, sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat, dont au moins 50 % des particules, dans la répartition numérique par taille, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm. Comme Georges Favre ajoute, un autre bon indicateur pour définir un nanomatériau est la surface spécifique volumique (VSSA), « dès lors que la VSSA est supérieure 60 m2/cm3 – bien que la réciproque ne soit pas forcément vraie, des nanomatériaux pouvant présenter une VSSA inférieure à cette valeur seuil ». Afin de soutenir cette obligation nouvelle et complexe pour les industriels, le JRC (Joint Research Centre, soit le Centre Commun de Recherche de la Commission Européenne) vient de publier, en septembre 2019, un rapport intitulé « An overview of concepts and terms used in the European Commission’s definition of nanomaterial » pour apporter des éclaircissements sur les termes et notions clés liés à la définition d’un nanomatériau. Accéder ici au rapport.

 

Cependant la définition qui prévaut dans le domaine agroalimentaire est celle portée par le règlement n°2283/2015 (Novel Food) dans laquelle ne figure aucun critère en termes de pourcentage de nanoparticules devant être présent dans la substance, mais une notion d’intentionnalité de production : « tout matériau produit intentionnellement présentant une ou plusieurs dimensions de l'ordre de 100 nm ou moins, ou composé de parties fonctionnelles distinctes, soit internes, soit à la surface, dont beaucoup ont une ou plusieurs dimensions de l'ordre de 100 nm ou moins, y compris des structures, des agglomérats ou des agrégats qui peuvent avoir une taille supérieure à 100 nm mais qui conservent des propriétés typiques de la nanoéchelle (i.e. propriétés totalement inédites liées à la très petite taille des particules ou propriété liée à la grande surface spécifique des nanoparticules)

Les limites des techniques actuelles

De nombreuses techniques permettent de caractériser la distribution en taille d’un échantillon de particules (DLS, A4F-MALS, sp-ICPMS, CLS, SMPS, NTA, MEB, MET, AFM, PTA…), « mais à ce jour, aucune d’elle n’est parfaite – et des résultats différents peuvent être obtenus selon la technique utilisée », explique Georges Favre.

Limite liée à la distribution en intensité des nanoparticules

En effet, la plupart des techniques fournissent des distributions de taille en intensité, en masse ou en volume du fait du principe physique mis en œuvre pour détecter les particules. Or, ces types de distribution conduisent à un « tassement » de la vraie proportion des nanoparticules potentiellement présentes, contrairement aux résultats exprimés en terme de distribution en nombre de particules.

Limite liée aux formes des nanoparticules

En outre, la plupart des techniques d’analyse disponibles font l’hypothèse que les particules sont sphériques, ce qui tend bien évidemment à biaiser les résultats obtenus lorsque cela n’est pas le cas… « Des conclusions erronées peuvent même être tirées de ces données (faux-négatifs) », confirme Georges Favre.

Limite liée au regroupement en amas des nanoparticules

« Enfin, l’état d’agglomération/agrégation des particules va largement impacter les résultats puisqu’il faut pouvoir accéder aux informations sur la taille des particules constitutives ou à la structure interne des objets présents (agglomérats/agrégats). »

 

Or, les nano-objets ont très souvent tendance à se regrouper en amas et beaucoup de techniques d’analyse verront la taille des agglomérats/agrégats présents et non pas celle des particules constitutives, si l’étape de préparation de l’échantillon n’a pas été correctement réalisée.

Limite liée à la taille des nanoparticules

« Il convient par ailleurs de pouvoir accéder à la plus petite dimension externe des particules pour répondre aux exigences des définitions européennes d’un nanomatériau », ajoute Georges Favre.

 

« Or, à part la microscopie électronique, la résolution de la majorité des techniques en termes de taille minimale accessible est plutôt de quelques nanomètres, voire de dizaines de nanomètres, et ne permet donc pas de couvrir l’échelle nanométrique telle qu’elle est définie, entre 1 et 100 nm. Ces techniques ne pourront donc pas voir des particules très petites même si celles-ci sont présentes dans l’échantillon. »

 

L’enjeu : attention aux « faux étiquetages » !

« De nombreux industriels viennent nous consulter, en pensant que leurs produits transformés ne contiennent pas d’ingrédient devant être considéré comme des nanomatériaux – très souvent, les techniques utilisées par leurs fournisseurs ne sont en fait pas adaptées aux substances testées, et les données sont non-étayées. Cela résulte par un faux étiquetage et une mauvaise information aux consommateurs. Nous avons eu le cas récemment pour du dioxyde de titane (E171) : alors que l’industriel, de bonne foi, pensait que l’additif qu’il utilisait dans son produit ne contenait pas de nanoparticules en se basant pour cela sur les données d’analyse que lui avait communiquées son fournisseur, il s’est avéré que l’analyse par microscopie électronique à balayage (MEB) que nous avons réalisé au LNE a montré que presque 50% en nombre des particules de ce dioxyde de titane étaient en réalité des nanoparticules (< 100nm). La raison à cela était tout simplement que le laboratoire qui avait réalisé les analyses pour le fournisseur n’avait pas mis en œuvre une technique adaptée pour voir les nanoparticules présentes !»

 

Quels conseils pour être en conformité avec la règlementation d’une part, mais aussi pour assurer une bonne communication aux consommateurs, un indispensable pour garantir leur confiance ?

Les recommandations du LNE

A chaque substance, sa technique

Critère de taille, de composition chimique, de forme, d’état d’agglomération/agrégation, etc. : « le choix de la technique à utiliser dépend directement des caractéristiques physico-chimiques de la substance analysée », précise Georges Favre.

 

Premier critère à prendre en compte : la caractérisation de la distribution de tailles en nombre des particules constitutives présentes, que celles-ci soient isolées ou regroupées en agglomérats/agrégats (voir cela comme des grappes de raisins, dont les particules seraient les grains de raisin). Second critère : la forme des particules considérées – « elle joue un rôle essentiel sur le choix des techniques à potentiellement retenir et mérite d’être connue avant toute analyse ».

 

Téléchargez un résumé des différentes techniques disponibles et des substances pour lesquelles les choisir.

 

Bon à savoir : l’outil NanoDefiner e-tool, une interface en accès libre disponible en ligne, permet d’identifier la ou les techniques pertinentes en fonction de la substance à caractériser – ainsi que les techniques à éviter.

Multiplier les techniques : microscopie électronique et screening

Sur la base des résultats du projet NanoDefine, les autorités européennes recommandent de croiser les résultats obtenus par plusieurs techniques d’analyse.

La caractérisation d’une substance par au moins deux d’entre elles, parmi lesquelles la microscopie électronique (Microscopie Electronique à Balayage/MEB ou Microscopie Électronique à Transmission / MET), est ainsi présentée comme un minimum. Georges Favre précise : « la microscopie électronique est en effet considérée comme une technique de référence et doit ainsi être incluse dans cette démarche en plus de méthodes de screening ».

Valider son protocole

La mise en œuvre de protocoles validés et harmonisés est également centrale, notamment en ce qui concerne la préparation d’échantillons et le traitement des données, sous peine d’obtenir des résultats difficilement comparables, et ce même pour les techniques de microscopie électronique.

« Des initiatives sont en cours aux niveaux français (projet NANOMET) et européen (nPSize) pour avancer sur ces questions et diffuser les bonnes pratiques », précise Georges Favre.

« En attendant, le recours à des laboratoires experts de ce type de caractérisations complexes est le meilleur garant de données de qualité », ajoute-t-il. « L’initiative EC4SafeNano (European Centre for Risk Management and Safe Innovation in Nanomaterials & Nanotechnologies) à laquelle le LNE participe en tant que Membre Associé, vise d’ailleurs à cartographier et évaluer les expertises au niveau européen pour aider les industriels dans leurs recherches d’accompagnement. »

 

Les mots-clés

Nanomatériaux, réglementation INCO, technique d’analyse, substances controversées, étiquetage, principe de précaution 

 

 

Elodie Da Silva

 

Pour en savoir plus...

Pour en savoir plus sur la caractérisation des nanomatériaux, leurs propriétés, et leurs risques potentiels, inscrivez-vous à la journée technique organisée par le LNE à Paris, le 3 décembre 2019. Programme et inscription sur ce lien. Ou contactez Elodie Da Silva pour une mise en relation afin que Georges Favre et son équipe puisse répondre à vos interrogations : elodie.dasilva@vitagora.com.

 

A noter : le LNE organise un stage de formation ME 100 – en savoir plus sur lne.fr

 

Envie d'aller plus loin ?

  • Caractériser les nanomatériaux
  • Groupe NanoAlim du Forum NanoResp
  • Veille Nanos
  • A technique-driven materials categorisation scheme to support regulatory identification of nanomaterials, Gaillard et al., Nanoscale Adv. 2019, 1, 781
  • Challenges in sample preparation for measuring nanoparticles size by scanning electron microscopy from suspensions, powder form and complex media, Bouzakher Ghomrasni et al., Powder Technology, 2020, 359, 226
  • Reliable nanomaterial classification of powders using the volume-specific surface area method, Wohlleben et al, J Nanopart Res 19:61, 2017

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