04 mai 2021 / Compétences et expertise / Vitagora / Sciences et technologies

Améliorer l’expression aromatique des produits transformés à base de fruits : comment rester dans la naturalité ?

 

Compétences et expertise

 

Les consommateurs et le marché sont en attente de produits alimentaires naturels et « clean label » Mais comment se passer des arômes sans impacter les qualités organoleptiques de votre produit, notamment à base de fruits ? Découvrez deux voies qui permettent d’améliorer l’expression aromatique de produits transformés à base de fruits tout en restant dans la naturalité : les enzymes, et la fermentation.

 

Pourquoi s’y intéresser ?

  • Les fruits utilisés pour les produits transformés ont peu de goût, mais les consommateurs sont en attente de produits savoureux.
  • La majorité des consommateurs assimile « arômes » à « synthétiques ».
  • Les fruits possèdent des réserves aromatiques non exprimées, un potentiel naturel à explorer.
  • Il est possible de dévoiler ces réserves aromatiques tout en restant dans un procédé naturel grâce aux enzymes.
  • La fermentation représente également une solution clean label pour moduler les arômes naturels de produits à base de fruits ou à base végétale.

 

Relever le goût, apporter de l’exotisme ou créer de nouvelles saveurs : les arômes sont très utilisés dans les procédés agroalimentaires. Pourtant, ils sont souvent associés à une connotation négative d’artificialité : selon une enquête menée par le SNIAA (le syndicat national des ingrédients aromatiques alimentaires) en 2020, 63% des répondants pensent que la plupart des arômes sont « chimiques », « artificiels ».

 

A l’heure où la naturalité d’une recette est un impératif, se passer d’arômes se présente comme une démarche séduisante… mais se passer des arômes sans impacter les qualités organoleptiques de votre produit est-il possible ?

 

Atelier du Fruit, PME créée en 2012, travaille sur l’amélioration de la qualité aromatique des fruits transformés dans une optique « clean label », sans ajout d’arômes ou stabilisants, en explorant deux voies : les enzymes, et la fermentation. Des travaux innovants à découvrir ci-dessous. 

 

Atelier du Fruit

Atelier du Fruit est une PME créée en 2012, qui conçoit et développe des technologies douces appliquées aux fruits et légumes transformés, et offre des accompagnements R&D sur mesure aux industries agroalimentaires. Atelier du Fruit travaille notamment sur des processus naturels et « clean label », sans ajout d’arômes ou stabilisants, pour optimiser les arômes des produits alimentaires à base de fruits.

Fondée par Alain Etievant, qui possède plus de 17 ans d’expérience au sein de IFF/Frutarom, cette PME réunit une équipe de 9 docteurs et ingénieurs d’horizons différents, spécialisés dans les biotechnologies (enzymologie et fermentation). Leur expertise est renforcée par une bonne connaissance des matrices végétales, une forte expérience des procédés industriels de transformation des végétaux et un travail constant dans la recherche de procédés d’extraction naturels.

Atelier du Fruit a suivi le programme d’accélération de Vitagora, ToasterLAB, en 2018. 

Clean Label : que faire des arômes ?

Naturel et sans additifs : la tendance du « clean label »

Le « clean label » est une tendance de consommation très forte dans le secteur alimentaire, et constitue une réponse aux attentes des consommateurs pour des produits plus naturels et plus sains.

 

D’après une étude Kantar World Panel de 2019, 88% des Français privilégient un produit « qui a plus d’ingrédients naturels qu’un autre », et 76% font attention à la composition des produits qu’ils achètent. Les additifs alimentaires ont particulièrement mauvaise presse auprès des consommateurs. Selon une étude YouGov pour LSA menée en janvier 2020 :

  • 54 % des personnes interrogées estiment que la présence d’un additif dans un produit est un frein à l’achat
  • 47 % ne sont pas satisfaits du travail effectué par les marques pour réduire les substances controversées ou additifs qui entrent dans la composition des produits
  • 87 % des Français savent ce qu’est un additif
  • Si 85 % regardent les étiquettes des produits qu’ils achètent, 63 % ne savent pas décrypter la dénomination d’un additif

 

Pour répondre à cette méfiance, la tendance du « clean label » repose sur quatre principes (source) :

  • Réduire la liste des ingrédients à son strict minimum
  • Supprimer les additifs considérés comme risqués
  • Remplacer les ingrédients purifiés et/ou dénaturés par des ingrédients naturels
  • Clarifier la liste des ingrédients sur l’étiquetage pour rassurer le consommateur

 

Cette tendance commence à prendre de l’ampleur : une étude menée par l’ANSES et l’INRA, dans le cadre de l’Observatoire de l’alimentation (Oqali), dévoile que l'utilisation des additifs dans les aliments industriels a globalement diminué en 10 ans. Ainsi, en 2016, 18,3 % des aliments ne contenaient pas d’additifs, contre seulement 13,7 % en 2008 (source).

 

Pour en savoir plus sur la tendance du Clean Label, téléchargez ici notre Fiche Performance.

Arômes : une réputation entachée d’« additifs de synthèse »

Selon ce que l’on peut lire sur le site internet de l’ANSES, les arômes, qu’ils soient naturels ou de synthèse, sont des substances chimiques non consommées en tant que telles, mais « introduites dans les aliments pour leur donner un goût ou une odeur particulière. Leur utilisation doit être désignée dans la liste des ingrédients des denrées alimentaires concernées ».

 

Les arômes sont réglementés à l’échelle européenne dans le cadre de plusieurs règlements : CE/1331/2008 pour leur autorisation, CE/1334/2008 pour leurs conditions d’utilisation (doses maximales, substances interdites, règles d’étiquetage, etc.), notamment.

 

Mais quelle est la perception des arômes par les consommateurs ? En 2020, le SNIAA, Syndicat National des Ingrédients Aromatiques Alimentaires, a mené une enquête avec OpinionWay autour de cette question. En résultat, il semblerait que les consommateurs soient « un peu confus quand ils se retrouvent face aux étiquettes des produits aromatisés. Ils peinent parfois à comprendre les différences entre les termes saveur, goût, parfum, etc. ». Alors que la part des arômes naturels est en pleine croissance, ils sont 63% à assimiler « arômes » à un additif de synthèse, « chimique » (source).

 

Se passer des arômes, et réduire encore sa liste d’additifs, même lorsque ceux-ci sont naturels, consiste donc une étape supplémentaire dans une démarche « clean label ».

 

Les réserves aromatiques non-exprimées : un trésor à dévoiler grâce aux enzymes

 

 

Les « réserves aromatiques » : qu’est-ce que c’est ?

« Nous nous sommes rendu compte qu’il y a dans les fruits, et notamment dans les fruits destinés à la transformation, des réserves aromatiques énormes ! », explique Alain Etievant, fondateur de l’Atelier du Fruit.

En effet, dans une étude menée dans le cadre de sa thèse chez Atelier du Fruit, Stéphane Gaborieau a comparé 14 fraises, dont 9 à destination industrielle et 5 à destination du marché de bouche, à la fois en termes de profil aromatique et en terme de leur réserve aromatique potentielle – c’est-à-dire, la somme des composés olfactifs liés à un sucre qui vont pouvoir être libérés par coupure enzymatique et qui pourra alors être perçue par la bouche et/ou le nez.

La conclusion de cette étude révèle que le potentiel de « sublimation » des fraises de bouche est faible (augmentation potentielle de la concentration en composés olfactifs volatils possible de 6% environ) alors que pour les fraises destinées à la transformation, il est de 50%.

Comment faire que le fruit exprime ce potentiel de réserves, tout en restant dans un processus naturel et clean label – et donc, sans additifs ?

Libérer le trésor grâce aux enzymes

Au sein d’Atelier du Fruit, Aurélie Cendrès, docteur en biochimie agroalimentaire, est responsable de projets. Parmi ses travaux de recherche, Aurélie Cendrès poursuit sa thèse sur l’identification de la présence (ou non) de réserves aromatiques dans un fruit, et la mise au point d’un procédé permettant de quantifier et de qualifier cette réserve aromatique.

« Les réserves aromatiques des fruits sont des composés volatiles », explique-t-elle. « Mais ces composés sont liés à un sucre et sont donc trop lourds pour être véritablement volatiles. Pour libérer les réserves aromatiques non-exprimées, il s’agit donc de couper le lien qui les unit au sucre, grâce à une coupure enzymatique. »

 

Afin de répondre à ce défi, et dans l’objectif de développer de procédés innovants pour la fabrication d’arômes naturels à haute valeur ajoutée à base de fruits, Alain Etiévant et son équipe lancent en 2015 le projet d’innovation collaboratif Natarome+, labellisé par Vitagora.

« Nous avions alors toute une équipe qui travaillait sur la question, avec des partenaires académiques comme l’INRA, l’Université d’Avignon, et des partenaires industriels tels que Protéus, Jean Niel, Agro’Novae Industrie, et Senoble », se rappelle Alain Etiévant. Pendant 48 mois, Atelier du Fruit et les partenaires du projet ont ainsi travaillé sur la sublimation des réserves aromatiques des fruits et notamment le potentiel des enzymes.

« Pour réussir à libérer les réserves aromatiques », détaille Aurélie, « nous avons testé différents enzymes d’origine naturelle sur les fruits à l’état initial. Nous constatons ainsi directement si une réserve aromatique se libère. »

Après plusieurs années de développement, la satisfaction est grande, comme l’exprime Aurélie Cendrès : « nous avons réalisé de nombreuses preuves de concept, avec plusieurs grands groupes de l’industrie agroalimentaire, sur l’utilisation des enzymes pour libérer les composés aromatiques non-exprimés. Les résultats des analyses sensorielles parlent d’eux-mêmes : on obtient des notes fruitées plus mûres, plus sucrées, un peu confiturées. »

 

De nombreuses applications à venir

Un an après la clôture du projet Natarome+, les résultats sont nombreux : plusieurs thèses, des publications, le développement d’une nouvelle gamme d’arômes naturels chez Jean Niel pour des applications dans des boissons, smoothies, et produits laitiers (en savoir plus ici), etc.

Du côté d’Atelier du Fruit, au moins 4 « duos enzymatiques » qualifiés de « potentiellement tout terrain » ont été mis au point. Cela signifie que, travaillant en synergie, ces duos permettent de mettre en évidence les réserves aromatiques pour la plupart des fruits.

Déjà expérimentés en Espagne, les enzymes à vocation de libération aromatique sont désormais intégrés dans le processus de transformation habituel d’une société partenaire d’Atelier du Fruit. En France, Atelier du Fruit s’attend à de nombreux débouchés commerciaux, puisque les applications sont à la fois destinées aux produits de grande consommation en B2C (confitures, compotes, confiseries), ainsi qu’aux PAI à base de fruits.

 

 

La fermentation : atteindre la répétabilité

Si les enzymes fonctionnent très bien, une autre biotechnologie est utilisée par les scientifiques d’Atelier du Fruit : la fermentation.

Les ferments : des moduleurs d’arômes peu explorés

« La fermentation sur des matrices de fruits ou des matrices végétales peut donner des résultats à la fois extraordinaires ou de vrais échecs. Parfois, l’on retrouve certains notes aromatiques sur différentes matrices de fruits », sourit Alain Etievant.

 

Ainsi, pour la pomme, la fermentation permet d’obtenir des arômes de « note de pomme caramel » ou « pomme tatin ». Mais d’autres ferments permettent également d’obtenir des notes proches de la confiseries (miel, etc.), ou même de moduler vers des arômes floraux (fleurs de pommiers, notes évocatrices du cidre, etc.). Dans le cadre d’un projet sur la réduction du sucre ajouté, l’équipe d’Atelier du Fruit a travaillé autour du jus du fruit de la passion pour le rendre plus doux, moins acide, par la fermentation.

 

Pour Alain Etievant, ça ne fait aucun doute : « les ferments sont très intéressants en tant qu’exhausteurs de goûts et modulateurs d’arômes ». « Mais la question qui demeure est : pourquoi ? Quels mécanismes permettent d’obtenir de bons résultats en terme aromatique ? »

 

Si la fermentation des produits laitiers a été largement étudiée et est très bien connue par les communautés scientifiques du secteur agroalimentaire, il reste encore beaucoup à explorer en ce qui concerne la fermentation des matières végétales et des fruits. En début d’année 2020, Atelier du Fruit lance donc le projet KARPO, dans le cadre du Programme des investissements d’avenir (PIA) régionaux, pour faire lumière sur ces mécanismes.

 

 

Le projet KARPO 

« Avec le projet KARPO, nous voulons comprendre les différents paramètres de la fermentation qui interviennent dans la fabrication de tel ou tel goût d’une matrice fruits », explique Alain Etiévant. « C’est un projet très ambitieux où nous avançons étape par étape ! »

 

Il détaille : « nous avons passé au crible 4 ferments lactiques – des souches de bactéries lactiques pures – pour tester jusqu’à 8 matrices de purées de fruits différentes : pommes, bananes, fraises, abricots, etc. Cela nous a permis d’obtenir des milliers de résultats à analyser. Pour ces analyses, nous avons recours à deux méthodes complémentaires : GCMS (Gas Chromatography Mass Spectrometry) et SPME (Solid Phase Micro-Extraction). »

 

« La SPME va permettre une extraction relativement exhaustive des composés volatiles et donc aromatiques, et ceux-ci seront analysés et identifiés grâce à l’utilisation de la GCMS », précise-t-il.

Ferments, matrices : une double exploration

Camille Duc est docteur en microbiologie et biotechnologies et ingénieur agroalimentaire, et a rejoint Atelier du Fruit pour travailler sur le projet KARPO.

 

« Actuellement », explique-t-il, « nous sommes en plein dans l’analyse des données de nos tests. D’une part, nous espérons que cette analyse nous permettra d’identifier avec précisions les ferments à utiliser selon les arômes, ou l’univers aromatique – épicé, floral, torréfié, etc. – que l’on souhaite obtenir. D’autre part, nous espérons également identifier quels nutriments doivent être présents dans les matrices fruits pour l’obtention des arômes souhaités. »

 

En effet, si le ferment joue un rôle clé, les composants de la matrice fruits sur laquelle il agit sont également d’ordre crucial. Camille Duc confirme que, d’ores et déjà, certains composés semblent être particulièrement importants. « C’est le cas des acides organiques : certains acides vont être consommés par les bactéries lactiques pour les transformer en  acides forts ou faibles. Les équilibres organoleptiques s’en trouveront modifiés. »

 

 

Des applications très diversifiées – de la glace aux fruits aux substituts végans

« Bien sûr, La fermentation n’est pas un arôme ! Les molécules aromatiques issues de la fermentation sont moins concentrées et moins puissantes : il s’agit de moduler l’expression aromatique d’une purée de fruits ou d’un jus de fruits de façon naturelle, et dans une démarche de clean label, pour pouvoir supprimer les arômes de la liste de ses ingrédients », conclut Alain Etievant.

 

Les applications sont aussi diverses et variées que les produits à base de fruits… ou à base végétale. Toute l’équipe d’Atelier du Fruit est très enthousiaste : « nous travaillons également dans l’univers salé, pour des applications sur des substituts à la viande, où les arômes recherchés sont plutôt de l’ordre du beurré et de l’umami. Pour cela, la fermentation offre un potentiel incroyable, avec des produits très supérieurs, en termes de goût, à ce qu’il existe majoritairement sur le marché ! »   

 

Et les applications ne se limitent pas à l’agroalimentaire : la cosmétique représente également un marché très prometteur pour la tendance au clean label. « Il reste encore beaucoup à explorer », conclut Alain avec un sourire. « Entre les ferments et les matrices… on peut travailler toute une vie dessus ! »

 

Pour aller plus loin

Pour en savoir plus sur les travaux menés par Atelier du Fruit, et pour être mis en relation avec Alain Etiévant et son équipe, contactez Mélissa Nourry : melissa.nourry@vitagora.com.


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Mots clés

Arômes, Naturalité, Clean Label, Formulation, Fermentation, Fruits

 

Pour en savoir plus


Ingénieure diplômée de Montpellier Supagro en dominante agroalimentaire et convaincue par le caractère indispensable du secteur agroalimentaire, Mélissa apprécie la diversité de son quotidien, de ses projets, et de ses interlocuteurs à Vitagora. De nature très impliquée dans ce qu’elle entreprend, curieuse des expériences entrepreneuriales (notamment dans le cadre d’EcoTrophelia), dotée d’une culture en marketing et spécialisée en management des entreprises, des personnes et de l’innovation, Mélissa saura accompagner votre entreprise dans son développement.

Pour en savoir plus sur les travaux menés par Atelier du Fruit, et pour être mis en relation avec Alain Etiévant et son équipe, contactez Mélissa Nourry : melissa.nourry@vitagora.com.

 

 

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