26 avril 2018 / Compétences et expertise / Vitagora / Sciences et technologies

Les communautés microbiennes du sol au service d’une agriculture durable

 

Compétences et expertise

 

Le sol est une matrice vivante constituée de milliards de microorganismes. Cette biodiversité remplie des fonctions précises et représente un levier innovant pour promouvoir une agriculture durable, de qualité et respectueuse de l’environnement. Quelles sont les conséquences sur vos cultures lorsque la biodiversité du sol diminue ? Vos pratiques agricoles sont-elles bénéfiques ou néfastes pour cette richesse ?

 

Pourquoi s’y intéresser ?

  • Les communautés microbiennes ont des fonctions importantes pour la croissance et la protection des plantes mais aussi pour la minéralisation et la structuration des sols
  • Analyser biologiquement un sol permet d’identifier les techniques agricoles vertueuses et celles délétères pour la biodiversité du sol
  • Sublimer la biodiversité du sol permet de protéger ce patrimoine pour mieux l’utiliser
  • Une altération de la diversité microbienne entraîne des bouleversements au niveau du sol et de la plante



Que voyons-nous dans un monceau de terre ? Pour certains, une substance inerte. Pour d’autres, un support de construction ou de culture. Et pour la plupart d’entre nous : des minéraux, des cailloux et un peu d’eau. Il y a encore 15 ans, les réponses s’arrêtaient là. Or, le sol est vivant. Plus que ça, il contient même 25% de la diversité biologique de notre planète ! Cet écosystème à part entière est un réservoir de vie.

Il héberge une communauté de microorganismes : bactéries, lombrics, nématodes, champignons, protozoaires, virus … Plus petits les uns que les autres, ces êtres vivants se comptent par milliers. Dans seulement un gramme de sol vit un milliard de bactéries dont 1 million d’espèces différentes et près de 100 millions de champignons. Cette abondance et cette diversité microbiologique permettent au sol d’exprimer des fonctions très intéressantes pour l’agriculture et l’utilisation des sols. S’y intéresser est un moyen non seulement d’améliorer naturellement la productivité végétale, de préserver et  de mettre en valeur votre patrimoine agricole mais aussi de garantir à vos consommateurs des aliments respectueux de l’environnement.
 

Comment décrire cette biodiversité ? Quels sont les rôles de ces bactéries et microbes ? Pourquoi est-il important d’améliorer la microbiologie du sol ? Quelles sont les pratiques agricoles vertueuses pour la biodiversité microbienne ? Quelles sont celles à éviter ?

Lionel Ranjard, directeur de recherche 2ième classe à l’UMR Agro Ecologie, nous en dit plus sur l’importance des communautés microbiennes du sol pour une agriculture et une utilisation des sols innovantes et durables.

  

Lionel Ranjard

Une triple formation : chimie, végétale et écologie microbienne du sol

 

Lionel RanjardC’est à l’Université Claude Bernard (Lyon I) que Lionel Ranjard réalise un parcours licence-master en chimie et biologie végétale puis une thèse sur l’écologie microbienne du sol en 1999. Après un post-doctorat en génétique, il intègre l’UMR Agro Ecologie à Dijon en 2001 et se spécialise en écologie des sols agricoles. Au sein de cette unité, il crée une équipe dans le but d’étudier l’écologie des communautés microbiennes contenues dans le sol en termes de diversité pour la traduire en fonction biologique du sol.

En 2006, Lionel Ranjard met en place une stratégie d’étude à grande échelle de ces communautés en analysant les sols du Réseau de Mesure de la Qualité des Sols (RMQS) dans le cadre du projet ECOMIC-RMQS. Ce sont 2200 sols qui ont permis d’aborder le concept de biogéographie et de réaliser une carte nationale d’abondance et de diversité des communautés microbiennes telluriques. En parallèle, Lionel participe, en 2008, à la création de GenoSol en tant que directeur scientifique. Cette plateforme technique située à Dijon comprenant des outils de biologie moléculaire et des échantillons de sols est aussi une base de données environnementales sur les sols français et leurs communautés microbiennes. 

 

L'UMR Agro Ecologie

Cette unité mixte de recherche se décompose en plusieurs pôles autour des plantes, des microorganismes, de l’environnement, de l’agriculture et du sol. La problématique est la suivante : comment développer une agriculture durable, permettant une production qualitativement et quantitativement en phase avec les besoins alimentaires, tout en respectant l’environnement ? Le pôle « Biologie et fonctions écosystémiques des sols » s’intéresse particulièrement à l’écologie microbienne, l’impact des pratiques agricoles sur cette biodiversité et au développement de nouvelles stratégies agroécologiques.

Fertilisation du sol, protection contre les pathogènes et productivité végétale

Que se passe-t-il en cas de baisse de biodiversité ? Lionel Ranjard et son équipe ont réalisé (en conditions contrôlées) des tests de variation de diversité microbienne de sols afin d’observer les effets sur les cultures. « Avec une diminution de 30% de cette diversité, on réduit de 40% la minéralisation de la matière organique », énonce-t-il. Ce phénomène correspond à la décomposition de la matière issue d’êtres vivants par des microorganismes pour fournir des minéraux au sol et donc aux plantes. Sans cette minéralisation, le sol n’est plus fertile et les végétaux ne disposent plus des minéraux nécessaires à leur croissance.

« Il y a également une réduction de 50% de la stabilité structurale du sol ». Celui-ci perd en cohésion et risque à chaque pluie de s’éroder, se tasser ou de ne plus pouvoir retenir l’eau. « On augmente d’un facteur 5 le temps de résidence de certains pathogènes dans le sol ». En temps normal, le sol remplit une fonction de barrière en empêchant les pathogènes de s’installer, protégeant ainsi les plantes. Avec une diversité microbienne réduite de 30%, les pathogènes, comme Listeria monocitogenes, peuvent alors s’installer. 

Constat encore plus marquant, « la plante perd 30 à 40% de dès les premiers stades de croissance. Il y a donc une baisse de la production végétale » conclut Lionel Ranjard. « Et cela même en rajoutant de l’engrais à la dose optimale ! ». La diversité microbiologique du sol est donc une condition tout aussi importante que la présence d’éléments minéraux.

 

Travail du sol, intrants, couverture végétale, …

Comment vos pratiques agricoles influent sur la biodiversité microbienne ?

Pour Lionel, la réponse est sans appel : « la pire des pratiques agricoles est le travail du sol ». Labour, jachère, binage, hersage, … : le but est d’aérer le sol mais par ce biais les macro-agrégats terreux formant les foyers des microbes sont détruits. N’ayant pas la possibilité de se déplacer (à part peut-être les lombrics), ce sont de grandes quantités de microorganismes qui sont éliminées. Loin de là l’idée pour Lionel Ranjard d’interdire le travail du sol : « il est plutôt question ici, dans certains cas et pour certains sols, de limiter le travail du sol pour maintenir son intégrité et sa biodiversité », rajoute-t-il.

Le niveau de couverture végétale est tout aussi important. « S’il y a de la vie au-dessus du sol, il y en a en dessous et inversement », continue-t-il. « On voit souvent des sols labourés et laissés nus l’hiver. C’est aussi le cas pour la vigne où les sols ne sont presque pas couverts ». Sans végétaux au-dessus du sol, il n’y a pas de racine, pas d’arrivée de matière organique et donc une dépression biologique. « En mettant de la diversité végétale au-dessus, on obtient de la biodiversité en dessous ». Les monocultures sont donc tout aussi délétères pour la diversité des microorganismes.

Les intrants ont également un impact non négligeable. Les amendements organiques (éléments apportés au sol pour en améliorer les qualités physico-chimiques) stimulent positivement la biodiversité du sol alors que les amendements chimiques n’ont, eux, aucun effet, n’étant pas assimilable par les microorganismes. En revanche, les produits phytosanitaires comme les pesticides fortement accumulés dans les sols ont des effets néfastes sur sa qualité microbiologique.

Crédits photo : https://unsplash.com/

L’agriculture biologique : 

Est-elle plus respectueuse du sol que l’agriculture conventionnelle ?

Cette question se pose naturellement : existe-t-il une différence entre les cultures biologiques et les cultures conventionnelles ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le « bio » n’est pas meilleur en microbiologie du sol que le « conventionnelle ». Pourquoi ? L’arrêt d’utilisation de produits sanitaires est souvent substitué par un fort travail du sol et cela a donc un effet nocif sur les microorganismes, comme précédemment expliqué. Une deuxième question se dégage : faut-il privilégier les microorganismes contenus dans le sol ou l’absence de résidus phytosanitaires sur les aliments ? Une question plus que complexe…  

Une expertise au service de l’industrie agroalimentaire

Vers de multiples applications

Il est évident que la santé du sol soit une préoccupation pour les agriculteurs. Mais il en est tout autant pour la production de techno-sols (sols reconstitués), d’agrofournitures (biostimulants et compléments de fertilisation), pour le stockage de chaleur par exemple ou pour les grands groupes agroalimentaires souhaitant ajouter à leurs préoccupations la santé microbiologique de leurs cultures.  L’évaluation de l’impact des pratiques agricoles et le conseil pour le pilotage des cultures font partie des services mis en place par Lionel Ranjard et son équipe pour toutes sociétés désireuses de s’impliquer dans l’agroécologie. « L’analyse de sites pollués serait innovante et pourrait être un moyen de ne plus seulement quantifier le taux de polluant présent dans les sols mais d’évaluer le retour de la vie sous terre. Cela pourrait être un domaine d’expertise valorisant une vraie réhabilitation et restauration écologique », mentionne Lionel Ranjard sur un des domaines de collaboration non encore traité par son équipe.

Comment étudier les communautés microbiennes du sol ?

« Au début, on mettait en culture les microorganismes dans des boîtes de Pétri. Il en fallait énormément et malheureusement il y avait moins de 1% des microorganismes qui réussissaient à pousser », se rappelle Lionel Ranjard. Il y a encore peu, il était nécessaire de cultiver les bactéries pour les identifier. Cependant, elles ont toutes leurs préférences. Certaines préfèrent l’oxygène, d’autres non. Certaines se développent en milieu acide et d’autres en milieu alcalin. « Il est donc impossible de toutes les cultiver sur un même milieu de culture ».

C’est ici que les avancées en biologie moléculaire issues de la médecine ont permis de faire un bond dans l’analyse de l’ADN microbien. En récupérant l’ADN des microorganismes du sol, il est aujourd’hui possible d’identifier près de 90% des espèces présentes dans un échantillon. Cela passe notamment par du séquençage à haut débit, devenu moins coûteux qu’auparavant.

Indicateurs & outils d’analyse

« Nous proposons aux agriculteurs des outils de biologie moléculaire. On extrait l’ADN des microorganismes du sol et on le quantifie. On part du principe que plus il y a d’ADN dans le sol plus il y a de microorganismes », explique Lionel. Il est donc question d’estimer une biomasse moléculaire microbienne, un premier indicateur quantitatif. Les ADN sont ensuite séquencés pour accéder à la liste complète des espèces présentes et à un indice de diversité. Des référentiels d’interprétation, issus de modèles prédictifs réalisés grâce aux données du réseau RMQS, sont également fournis pour permettre aux agriculteurs d’interpréter les résultats. En mesurant l’écart entre les valeurs observées sur le terrain et les référentiels, il est possible de voir si l’usage du sol stimule la biodiversité ou si au contraire il la diminue. Ce sont de vrais indicateurs, des curseurs de qualité pour les agriculteurs et l’industriel agroalimentaire !

Pour en savoir plus sur les travaux de Lionel Ranjard ou pour être mis en relation avec cette équipe de recherche, contactez Elodie Da Silva, chargée de projets à Vitagora : elodie.dasilva@vitagora.com.

Les mots-clés

Ecologie, microbiologie, microorganismes, microbes, champignons, bactéries, sol, agriculture, agroécologie, diagnostic, biologie moléculaire

 

Envie d’aller plus loin ?

  • Bouchez, T., Blieux, A.L., Dequiedt, S., Domaizon, I., Dufresne, A., Ferreira, S., Godon, J.J., Hellal, J., Joulian, C., Quaiser, A., et al. (2016). Molecular microbiology methods for environmental diagnosis. Environ. Chem. Lett. 14, 423–441.
  • Constancias, F., Terrat, S., Saby, N.P.A., Horrigue, W., Villerd, J., Guillemin, J.-P., Biju-Duval, L., Nowak, V., Dequiedt, S., Ranjard, L., et al. (2015). Mapping and determinism of soil microbial community distribution across an agricultural landscape. MicrobiologyOpen 4, 505–517.
  • Ranjard, L., Dequiedt, S., Prévost-Bouré, N.C., Thioulouse, J., Saby, N.P.A., Lelievre, M., Maron, P.A., Morin, F.E.R., Bispo, A., Jolivet, C., et al. (2013). Turnover of soil bacterial diversity driven by wide-scale environmental heterogeneity. Nat. Commun. 4, 1434

 

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