19 juillet 2018 / Compétences et expertise / Vitagora / Sciences et technologies

Une sélection génétique des plantes rapide & précise : les atouts du phénotypage à haut débit

 

Compétences et expertise

 

Sélectionner les plantes les plus intéressantes pour l’Homme est une tâche chronophage et à la merci des aléas climatiques. Autrefois faite en champ, cette sélection peut être réalisée grâce au phénotypage à haut débit, plus rapide, plus précis et effectué dans des conditions contrôlées. En quoi consiste cette technique d’analyse ? Quelles sont ses caractéristiques ? Qu’est-il possible d’étudier grâce au phénotypage ? 

Pourquoi s’y intéresser ?

  • La sélection des plantes en agriculture est une technique chronophage mais essentielle pour résoudre certaines problématiques telles que l’impact sur les plantes des contraintes abiotiques (stress hydrique, carences nutritionnelles) ou biotiques (pathogènes)
  • Le phénotypage à haut débit permet de réaliser une sélection plus rapide et plus précise, dans des conditions contrôlées de manière dynamique, automatisée et non destructive
  • Il est possible grâce à cette technique d’étudier à la fois les traits phénotypiques des parties aériennes et souterraines de la plante, notamment grâce à la Plateforme de Phénotypage à Haut Débit (PPHD)
  • Le phénotypage à haut débit permet également de mieux comprendre les plantes et leurs mécanismes d’adaptation en reliant phénotype et génotype 

 

Depuis plusieurs siècles, l’Homme sélectionne de façon empirique les plantes les plus intéressantes pour lui. Des plantes poussant plus vite, étant plus résistantes, faisant plus de fruits ou étant plus grandes : l’Homme sélectionne des « phénotypes ». Au travers de cet article, vous allez voir qu’aujourd’hui, l’Homme est capable de le faire précisément, rapidement et de façon automatisée.

Un phénotype correspond à l’expression des gènes (génotype) en fonction de l’environnement. Ce phénotype peut être structural comme la caractéristique d’avoir des feuilles vertes, larges et bien étendues pour une plante dans de bonnes conditions nutritionnelles et hydriques. Il peut également être fonctionnel, comme avoir la capacité d’absorber l’eau et les minéraux par les racines. Le génotype contient des informations sur le développement type de la plante en fonction des conditions environnementales. Si une plante manque de minéraux comme le fer ou l’azote, son phénotype sera modifié par cette insuffisance. Selon son génotype, une plante pourra par exemple avoir des feuilles qui flétrissent et qui jaunissent quand d’autres plantes pourront se développer correctement dans les mêmes conditions environnementales.

Ce sont ces caractéristiques phénotypiques qui sont criblées lors de la sélection des plantes. Cependant cette sélection variétale prend du temps (jusqu’à dix ans) et peut être complexe. Les conditions météorologiques en champ varient considérablement d’une saison à l’autre, d’une année à l’autre, rendant l’interprétation des résultats obtenus compliquée. Il est très difficile d’étudier l’effet d’une variable environnementale si toutes les autres ne cessent de varier simultanément. Mais ces inconvénients, l’Homme a su les contourner grâce aux avancées scientifiques et technologiques.

C’est ici que les conditions contrôlées (en serre ou en chambre climatique) associées au phénotypage à haut débit ont permis d’augmenter l’efficacité des programmes de sélection. En quoi consiste le phénotypage à haut débit ? Que peut-on étudier grâce au phénotypage ? Quels sont les avantages de cette technique pour la sélection et l’agriculture ? Quelles sont ses spécificités ? Christophe Salon, Directeur de recherche INRA et Directeur scientifique de la Plateforme de Phénotypage à Haut Débit (PPHD), nous apporte son regard expert sur ce sujet.

 

Christophe SalonChristophe Salon 

De la biochimie au phénotypage à haut débit   
Après une thèse de biochimie, de physiologie cellulaire et moléculaire à l’INRA de Bordeaux, Christophe Salon se lance dans l’informatique et la biologie pour finalement revenir au monde de la recherche. Il part 3 ans au Canada pour travailler sur les cyanobactéries puis devient chercheur senior à l’UMR AgroEcologie à Dijon en 1996. Maintenant Directeur de recherche INRA, il dirige le pôle GEAPSI (Déterminismes Génétiques et Environnementaux de l'Adaptation des Plantes a des Systèmes de Cultures Innovants) menant des recherches sur les légumineuses et leurs adaptations aux nouveaux environnements et systèmes de culture. Christophe Salon est également le directeur scientifique de la Plateforme de Phénotypage à Haut Débit (PPHD) aussi connue sous le nom 4PMI (Plant Phenotyping Platform for Plant and Micro organisms Intercations), conçue et située à Dijon depuis 2006. 

L'UMR AgroEcologie

Cette unité mixte de recherche se décompose en plusieurs pôles travaillant sur des thématiques autour des plantes (dont le pôle GEAPSI spécialisé sur légumineuses), des microorganismes, de l’environnement, de l’agriculture et du sol. La problématique est la suivante : comment développer une agriculture durable, permettant une production qualitativement et quantitativement en phase avec nos besoins alimentaires, tout en respectant l’environnement ? Les recherches menées concernent en particulier les interactions entre plantes mais aussi celles entre plantes et microorganismes. Cette unité est dirigée par Philippe Lemanceau. Christophe Salon en est le directeur adjoint depuis la création de l’unité en 2012. En savoir plus sur l'UMR Agroécologie

Phénotypage à haut débit : des avantages non négligeables

Des conditions contrôlées

Grâce au phénotypage à haut débit et à la PPHD, les conditions d’analyse sont contrôlées. « On peut prendre des mesures toujours à la même température, avec le même degré de luminosité, avec la même quantité de solution nutritive. On peut contrôler l’environnement pour vraiment s’attacher au phénotype et au génotype. Cela permet d’accélérer la découverte des gènes ou des paramètres génétiques qui nous intéressent pour ensuite réaliser une sélection des espèces », explique Christophe Salon.

Le processus le plus rapide au monde

L’utilisation du phénotypage à haut débit permet d’accélérer le processus de sélection des plantes d’un facteur deux. « Notre système nous permet de phénotyper les 1 200 RhizoTubes (voir paragraphe "Etudier les racines grâce aux « RhizoTubes »" ci-dessous) dont nous disposons par jour, le plus haut débit au monde. Celui-ci peut en théorie atteindre 2 400 RhizoTubes quotidiennement », déclare Christophe. La plateforme permet également d’effectuer automatiquement des tâches longues et fastidieuses. « Lorsque nous utilisons des pots « classiques », le débit atteint 1800 plantes arrosées de façon automatique et contrôlée. On sait donc exactement quelle quantité d’eau elles ont reçue. Si l’on devait le faire manuellement, il faudrait peser chaque pot pour vérifier les quantités d’eau et cela prendrait un temps monstrueux. Avec la PPHD, c’est fait en une heure et demie. »

Identifier la plante parfaite ?

En identifiant les traits racinaires et aériens des plantes, « on peut sélectionner dans des collections de plantes celles qui seront les plus résistantes à tel stress ou faisant plus de feuilles ou plus de fruits », ajoute-t-il. Mais la sélection de phénotype ne s’arrête pas là. « Le phénotypage sans le génotypage, c’est comme si on ouvrait un annuaire avec tous les numéros de téléphone sans avoir les noms des personnes associées », explique Christophe pour imager ses propos. « En reliant phénotype et génotype, on peut déterminer les fonds génétiques les plus intéressants et voir comment on peut reconstruire à part de ces gènes la plante parfaite ; ou en tout cas, comment on peut sélectionner, parmi la variabilité génétique que l’on a, les individus qui correspondent à ces traits-là. »

PPHD Dijon

En quoi consiste cette technique d’analyse ?

L’imagerie pour préserver la plante

Le phénotypage passe par de l’imagerie, que ce soit sur l’aspect fonctionnel ou structural. « La PPHD de Dijon réalise un phénotypage structural avec par exemple de l’observation 3D de plantes pour en extraire la forme, la surface foliaire, la biomasse (poids) et la quantité de fruits », explique Christophe. « On peut suivre au cours du temps la progression de la surface verte, de la floraison, de la maturation des fruits et l’évolution de leur poids… et tout ceci, sans détruire la plante. » En effet, il faudrait normalement la « détruire » en découpant ses différents compartiments (feuilles, tiges, racines, etc.) pour les peser et les analyser.

Etudier les racines grâce aux « RhizoTubes »

Contrairement aux autres plateformes du même type dans le monde, la spécificité de la PPHD est sa capacité à réaliser un phénotypage racinaire. « Il est compliqué voire impossible d’apercevoir et d’étudier les racines d’une plante sans la déterrer et l’abîmer », rappelle-t-il. Christophe et son équipe, pour pallier ce problème, ont développé le système breveté de « RhizoTubes ». Ces pots circulaires conçus pour faire pousser les plantes entre deux parois transparentes permettent d’observer les racines et leurs interactions avec les microorganismes du sol. Les RhizoTubes sont ensuite véhiculés vers différentes cabines d’analyse pour être examinés sous différentes longueurs d’onde (bleu, rouge et vert) afin d’identifier les traits phénotypiques des plantes. Ces cabines d’imagerie, les RhizoCabs, ont été réalisées en partenariat avec des industriels locaux (Inovia Flow) et de PACA (Shakti).

 

De multiples applications, un exemple…

Quelle variété de pois résiste le mieux à la carence en fer sur un sol calcaire ?

Le pois est une plante de la famille des légumineuses qui ne supporte pas le manque de fer dans son environnement. Via ses racines, la plante peut absorber le fer sous la forme ionique Fe++. Or les sols calcaires, ayant un pH alcalin, transforment le fer en Fe2O3 qui n’est pas assimilable par la plante. Le fer permet de réaliser des fonctions vitales comme la respiration, la synthèse de la chlorophylle ou encore la photosynthèse. En cas de carence, un jaunissement allant jusqu’à la décoloration (chlorose) apparaît sur les feuilles, pouvant entraîner la mort de la plante.


Crédits photos : Unsplash

 

Il a donc été question de trouver les plants de pois avec les génotypes supportant cette déficience en fer de manière à les planter sur les sols calcaires. « Les essais en champs réalisés par les semenciers ont été très longs, avec plusieurs campagnes et une sélection de 300 à 400 génotypes potentiels. Cependant, les conditions climatiques changeant d’une année à une autre, les symptômes de déficience ne s’exprimaient pas de la même façon », rapporte Christophe.

Grâce au phénotypage à haut débit, l’UMR AgroEcologie a pu mettre au point une méthode pour phénotyper les plantes en condition contrôlée grâce à l’analyse d’images. « Nos algorithmes d’analyse d’images par couleur ont permis de discriminer les génotypes sensibles à la chlorose et ceux étant résistants (pouvant se développer même avec très peu de fer). Nous avons construit la « carte d’identité » de chaque plante avec leur phénotype et génotype pour les classer de la plus résistante à la moins résistante. Il a donc été possible par la suite de ne cultiver que les plantes les mieux adaptées aux sols calcaires. »

 

Une agriculture durable et productive

L’objectif pour l’UMR et Christophe Salon sera de trouver les plantes, notamment les légumineuses, qui collaboreront le mieux avec les microorganismes du sol, leur permettant ainsi de se passer d’intrants (engrais). « Cela diminuerait les gaz à effet de serre et une consommation excessive d’énergie. » Trouver les génotypes les plus adaptés au stress hydrique ou autre stress (manque de soufre, d’azote, etc.), chercher les meilleures plantes pour une agriculture durable et écologiquement productive, tels sont les exemples de recherche venant à l’esprit de Christophe lorsqu’il se projette dans le futur.

Pour en savoir plus sur les travaux de Christophe Salon ou pour être mis en relation avec cette équipe de recherche, contactez Elodie Da Silva, chargée de projets à Vitagora : elodie.dasilva@vitagora.com.


Les mots-clés

Phénotypage à haut débit, PPHD, génotype, phénotype, plante, espèces, sélection, agriculture

Envie d'aller plus loin ?

  • Jeudy, C., Adrian, M., Baussard, C., Bernard, C., Bernaud, E., Bourion, V., Busset, H., Cabrera-Bosquet, L., Cointault, F., Han, S., et al. (2016). RhizoTubes as a new tool for high throughput imaging of plant root development and architecture: test, comparison with pot grown plants and validation. Plant Methods 12, 31.
  • Moreau, D., Salon, C., and Munier-Jolain, N. (2012). How to hierarchize the main physiological processes responsible for phenotypic differences in large-scale screening studies? Plant Signal. Behav. 7, 311–313.
  • Voisin, A.-S., Prudent, M., Duc, G., and Salon, C. (2015). Pea nodule gradients explain N nutrition and limited symbiotic fixation in hypernodulating mutants. Sustain. Dev. 35, 1529–1540.

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