13 mars 2015

L’automatisation : quel impact pour une PME agroalimentaire ? Retour sur expérience de l’entreprise Delin

Robots dans l'agroalimentaire. Crédits photo : Pexels


Le 19 septembre 2014, notre adhérent Delin a inauguré un nouveau site de production à Gilly-les-Cîteaux, en Côte d’Or : une toute nouvelle usine de 4000 m² qui propulse cette PME bourguignonne de 48 salariés dans le monde de l’automatisation et la mécanisation. Ce développement, mûrement réfléchi par Philippe Delin, le président de l’entreprise familiale, était aussi très attendu : la fromagerie allait enfin être en mesure de traiter les commandes refusées jusqu’alors – des refus qui montaient parfois jusqu’à 200 tonnes par an ! Mais passer d’une production manuelle proche de l’artisanat à un outil mécanisé n’est pas sans difficulté pour une entreprise agroalimentaire. Comment mettre en œuvre cette automatisation ? Et pour quels résultats ? Retour sur expérience de Delin à lire ci-dessous.

Une réussite insoupçonnée qui ouvre la voie à de nouveaux marchés

Tout a commencé par la saturation du site familial de la fromagerie Delin, en termes de capacité de production et de problématique de mise aux normes. En 2003, Philippe Delin élabore une première étape en investissant dans les bâtiments d’origine. Une solution qui sera vite rattrapée par des besoins toujours plus croissants. « Il nous fallait un nouveau site, avec plus d’espace, pour doubler notre capacité de production. Nous sommes partis d’une feuille blanche et avons envisagé plusieurs projets. C’est sur celui d’une usine automatisée, à Gilly-les-Citeaux, sur un terrain de 1,5 hectare sur la nouvelle zone d'activité, que notre choix s’est arrêté », m’a-t-il expliqué. Après une période de doublon, l’ancien site a fermé ses portes le 15 octobre dernier. Et aujourd’hui, M. Delin est plus que satisfait de son choix !

Les objectifs de cette PME familiale étaient doubles : doubler la capacité de l’entreprise, et augmenter sa productivité. Alors que l’ancien site arrivait en saturation à 12 000 litres de lait par semaine, le nouveau transforme d’ores et déjà 18 000 litres de lait par jour… et ce n’est qu’un début, Philippe Delin estimant que les objectifs de production seront très probablement dépassés d’ici la fin de l’année. « Nous sommes très impressionnés par la capacité de production acquise avec la nouvelle usine. D’autant plus qu’elle nous ouvre la porte à de nouveaux débouchés. » Certains marchés de niche, comme le bio par exemple, sollicitent de plus en plus la PME : une perspective d’autant plus intéressante que les prévisions pour ce segment de marché sont très rassurantes. Après avoir subi une croissance de 187% entre 2005 et 2013, les spécialistes estiment que le bio continuera de s’installer dans le paysage alimentaire avec une progression à l’horizon 2018 de plus 3,1% annuel (fourchette basse) à plus 11, 2% (fourchette haute) (Source : Precepta)... D’où l’importance d’adapter sa capacité de production pour répondre aux demandes croissantes émanant de cette tendance !

Premier point : assurer l’adaptation des compétences

Du moulage à la louche traditionnel, les équipes de Delin sont passées au moulage, à l’empileur, et au retournement automatiques. Un véritable changement dans les habitudes de travail, qui a nécessité un accompagnement des salariés par la direction, et un ajustement des compétences internes.

Bien entendu, cet ajustement ne s’est pas fait en un jour. Tout d’abord, dès le démarrage de la construction du nouveau site, des réunions régulières avec ses salariés ont permis de les informer sur l’avancement des travaux et de les former petit à petit à la conduite des nouveaux outils. Des formations en mécanisation, en utilisation des process mécaniques, et en automatisation ont également été proposées par l’équipementier. Ensuite, lorsque la nouvelle usine était prête, la production a été partagée, pendant quelques mois, entre les deux sites : l’ancien, et le nouveau. Une option efficace pour assurer la qualité de la production, surtout en période de fêtes de fin d’année comme c’était le cas, et également pour basculer petit à petit l’équipe au nouveau site, et garantir une adaptation progressive – et donc, plus sûre – avant de fermer complètement le site d’origine.

Aujourd’hui, M. Delin constate une diminution des problématiques liées au TMS, une volonté de montée en compétences de la part de ses salariés, mais également des possibilités de restructuration de l’équipe cadre : une sectorisation des tâches optimisée qui laisse plus de temps disponible au cœur de métier de chaque collaborateur de l’entreprise.

Question cruciale : quelle implication des salariés ?

Impliquer les salariés dans un bouleversement de la production tel que celui créé par l’automatisation est essentiel. Sans cela, ils risqueraient de se sentir mis à l’écart et qu’on leur impose « dans leurs dos » et sans qu’ils aient leur mot à dire des transformations importantes.

Sur ce point, M. Delin a très rapidement mis en place des visites de la nouvelle usine, à différentes étapes de sa construction : une pratique que je recommande très fortement car elle aide les salariés à se projeter dans leur futur environnement de travail et à réduire l’impact négatif du changement.

En janvier, peu de temps après que toute la production ait été ramenée exclusivement au nouveau site, M. Delin a également organisé une grande réunion du personnel pour faire un premier point sur la production et évoquer les développements à venir (stratégie de l’entreprise à moyen-terme, évolution progressive de l’organisation, recrutements,…).

Les communications formelles de ce type sont assez peu utilisées en PME. Bien souvent, les dirigeants de PME, présents sur le terrain et dans les ateliers, ont le sentiment de côtoyer leurs salariés au quotidien. Et c’est vrai qu’ils se connaissent bien. Mais pour compléter cette proximité de convivialité, que les grands groupes leur envient, il est important de mettre en place des moments où tout le monde se pose et s’arrête dans son activité pour transmettre la vision stratégique de l’entreprise, et que chacun perçoive l’utilité de ses missions quotidiennes.

Communiquer sur le changement et le développement de l’entreprise, par des visites et des réunions formelles : c’est essentiel pour impliquer les salariés dans le projet et garantir la cohésion de l’entreprise.

Enfin : intégrer l’automatisation dans une vision dynamique de l’entreprise

L’automatisation d’une usine de production n’est pas une action ponctuelle, et il serait risqué de croire qu’elle n’impacte pas l’entreprise dans sa globalité. Pour faire de ce bouleversement un atout de réussite de l’entreprise, j’ai eu le plaisir d’accompagner M. Delin dans le cadre de notre action collective « Gestion des compétences et innovation ».

Ensemble, nous avons défini un programme d’actions sur plusieurs mois faisant appel à différents acteurs compétents sur la question, pour les postes techniques, bien entendu, mais également pour les métiers satellites de l’entreprise, en gestion, ou management par exemple.

Pour installer cette vision globale de l’entreprise dans le plan d’actions, nous commençons toujours par une visite de l’entreprise : une étape clé pour cerner les points forts et les points faibles tant en production, investissement, marketing, etc. afin de déduire les besoins et les améliorations à apporter.

Ce qui me marque toujours, dans la construction d’un plan d’actions pour accompagner les changements de l’organisation d’une entreprise face à une démarche innovante et impactante, c’est à quel point celui-ci émane naturellement du dirigeant de l’entreprise. Bien sûr, je lui permets de se poser formellement devant des questions, je le pousse à creuser certains points, et j’assure, par mon regard extérieur, la cohérence entre les actions évoquées et la vision à long terme de l’entreprise. Mais je n’invente pas la poudre : je le guide tout simplement sur le chemin qu’il ouvre lui-même vers l’avenir de l’entreprise.

Dans ce cas précis, pour intégrer l’impact de l’automatisation dans la gestion de l’organisation de l’entreprise, nous avons identifié plusieurs préconisations et notamment :

  • Mettre en place des outils de gestion de compétences (des fiches de poste, pour que chaque employé connaisse sa place et son rôle, un entretien annuel pour permettre des montées en compétence et un parcours de mobilité interne, etc.)
  • Identifier et accompagner le développement des compétences managériales
  • Dédoubler certaines compétences pour une meilleure transmission de l’expertise de certains postes, et en garantir la continuité

L’aventure continue !

Aujourd’hui que le nouvel outil industriel est bien démarré, M. Delin se tourne déjà vers d’autres améliorations : moderniser le second site de l’entreprise, à Nuits-St-George, par exemple, ou encore optimiser la gestion des énergies pour mettre en place une production plus durable et moins consommatrice d’eau et d’électricité. Car le témoignage de la fromagerie de Delin nous le rappelle plus que jamais : pour être performante, une entreprise agroalimentaire doit innover… dans ses produits, dans ses marchés, mais également, et constamment, dans sa production !

 

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