11 juin 2019

L’économie expérimentale : un outil pour développer votre marché ?

 

Le programme de R&D est bouclé, le plan marketing élaboré, la date de lancement approche… Mais l’incertitude reste : un consommateur réel, dans une situation réelle, passera-t-il à l’acte d’achat devant mon produit ?

 

Evaluer la disposition à payer des consommateurs s’avère très complexe, tout marketeur confirmé le reconnait : les méthodes traditionnelles d’évaluation sont limitées par la nature déclarative de leurs réponses ou par le manque de maîtrise des facteurs d’influence qui met en question la valeur scientifique des données recueillies. Il existe pourtant une méthode alternative qui se déroule en laboratoire et qui se prête plus facilement à des protocoles scientifiques dans la conduite des expérimentations : l’économie expérimentale.

 

Jean-Christian Tisserand, professeur permanent au département Wine & Spirits de la Burgundy School of Business (BSB) à Dijon, nous présente le fonctionnement et les avantages de l’économie expérimentale à appliquer, entre autres, au domaine agroalimentaire.

La disposition à payer des consommateurs

L’innovation agroalimentaire (méthodes agricoles, choix des ingrédients, recette, packaging…) doit faire face à la réalité du marché. Cette réalité de marché sous-tend deux enjeux : l’enjeu de l’acceptabilité de l’innovation par les consommateurs, et l’enjeu de la valeur des produits, c’est-à-dire, leur disposition à payer.

 

Si l’évaluation sensorielle reste fondamentale dans l’innovation agroalimentaire (et permet de répondre à l’enjeu d’acceptabilité), elle ne place pas les consommateurs en situation d’achat. Comment anticiper le choix d’un consommateur devant un rayon de produits similaires ? Pourquoi sa préférence irait à votre produit plutôt qu’à un autre ? Et quel prix sera-t-il prêt à mettre ?

 

Pour répondre à ces questions, il existe principalement trois options :

  • Les enquêtes aux consommateurs
  • L’observation in situ
  • L’économie expérimentale

Enquêtes aux consommateurs et observation in situ : les limites

La limite principale des enquêtes aux consommateurs vient du fait que les résultats obtenus reposent sur des déclarations d’intention et non sur des faits avérés. Les biais des répondants sont nombreux : honnêteté, temps disponible au moment de l’enquête, connaissances sur le sujet… On peut par exemple lire que les consommateurs semblent très majoritairement prêts à payer plus cher un produit plus éthique ou de qualité élevée : par exemple, ici pour un produit fabriqué en France, là pour un produit fabriqué en région, ou encore là pour de la viande de qualité garantie. Pour autant, le prix reste à 76% le premier critère à l’achat (source : Baromètre Opinion Way pour Sofinscope – 2016), devant le goût à 40% et la date de péremption à 39%. Il est difficile de faire la différence entre intention/motivation et réalité d’achat.

 

Quant à l’observation in situ, bien que permettant de vérifier une réalité en contexte, elle nécessite que le produit à étudier soit disponible sur le marché. Elle demande des moyens importants et coûteux à déployer. Cette méthode est intéressante mais reste d’ordre empirique et les résultats obtenus sont souvent hétérogènes, longs et complexes à traiter.

L’économie expérimentale : une méthode pour « révéler » le comportement selon des protocoles scientifiques

Née au début des années 1960, l’économie expérimentale rencontre un engouement dans les années 1980 et continue encore à se développer. Elle se positionne comme une méthode alternative aux enquêtes consommateur traditionnelles permettant de confronter un produit et ses caractéristiques (propriétés sensorielles ou physiques, procédés de production, origine…) à une réalité de marché. « Il s’agit d’un outil très puissant qui permet de décortiquer les préférences des individus dans toutes leurs dimensions », explique Jean-Christian Tisserand.

 

 « Cela prend la forme d’un jeu – ou expérience –, auquel nous soumettons plusieurs groupes d’individus volontaires et tirés au sort pour étudier leur comportement, leur aversion au risque, leur disposition à payer, etc. », détaille-t-il. Plusieurs critères permettent de distinguer l’économie expérimentale face aux enquêtes de consommateurs et à l’observation in situ :

  • un environnement contrôlé (laboratoire),
  • où les biais des consommateurs sont minimisés (absence de contextualisation),
  • avec des protocoles rigoureux, incluant des instructions, des incitations, des règles du jeu, etc., afin de rendre possible le traitement et l’analyse des résultats.

Jean-Christian Tisserand confirme la pertinence de la démarche expérimentale : « l’économie expérimentale se distingue des enquêtes aux consommateurs car elle ne repose pas sur les déclarations des individus, mais sur leur comportement révélé. De nombreuses études en économie expérimentale ont d’ailleurs prouvé que le déclaratif et le révélé donnent des résultats très différents. »

 

L’économie expérimentale repose sur deux clés de réussite : la transparence et l’engagement. Jean-Christian Tisserand précise : « pour garantir la transparence, les participants sont intégralement informés du protocole et il est interdit de leur mentir. Cela nous assure que les sujets ont une totale confiance aux instructions qui leur sont données et permet d’éviter la méfiance et les comportements non-spontanés. »

 

La seconde clé est l’engagement des participants. Cela passe en premier lieu par le gain réel de l’argent annoncé dans les règles du jeu (enchères, etc.) mais également par une concentration optimisée grâce à l’organisation de l’expérience en laboratoire.

 

 « Les participants n’ont pas accès à leur téléphone, et ne peuvent pas communiquer entre eux : cela permet d’éviter qu’ils ne s’influencent et de limiter la contamination des données. Au final, cela nous permet d’obtenir une somme d’observations indépendantes les unes des autres » détaille Jean-Christian.

L’exemple du vin bio

Jean-Christian Tisserand explique qu’il existe de vraies attentes de la part des producteurs de vin autour de la question du label biologique AB. Ils remarquent l’amplification de cette tendance mais craignent des changements réglementaires et des contraintes de plus en plus strictes.

 

« Nous avons donc décidé de lancer une expérience sur la disposition à payer des consommateurs pour un vin issu de l’agriculture biologique. »

 

Il explique qu’il est nécessaire selon lui d’avoir au moins entre 100 et 200 participants pour que les résultats soient fiables. Il est important que les panels mélangent des consommateurs novices et des consommateurs plus avertis. Les résultats nécessitent un travail d’affinage en fonction du niveau de connaissance des consommateurs mais les retours d’experts restent intéressants à analyser.

Pour aller plus loin

Les adhérents de Vitagora sont invités à consulter l’article « Compétence et Expertise » sur la thématique de l’économie l’expérimentale, disponible dans l’Espace Innovation de Vitagora.

 

Sinon, pour en savoir plus sur l’expertise de Jean-Christian Tisserand et l’accompagnement de la School of Wine and Spirits Business – BSB à destination des professionnels du vin ou de l’agroalimentaire, contactez-moi : elisabeth.lustrat@vitagora.com.

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