15 déc. 2022

Que sait-on du repas des Français en 2022, au-delà des mythes et des idéaux ?

Le repas des Français a toujours revêtu une importance singulière dans notre patrimoine culturel. Au-delà du temps consacré aux repas, ce sont les moments de convivialité autour des repas, leur structuration et composition qui nous distinguent. Plus d’un an après les confinements et les mutations en matière d’alimentation, quels sont les pratiques alimentaires des Français en 2022 ? Quelles sont les critères d’une alimentation équilibrée et de qualité pour les consommateurs ? Quels sont les freins à l’accès à une alimentation saine et responsable pour les foyers ?


Plusieurs récentes études ont révélé une série de tendances intéressantes en termes de perception et de comportements alimentaires d’aujourd’hui. 

 

La qualité du repas, perceptions et réalités sociétales

Au cours de l’année 2020 en raison des mesures sanitaires mises en place (confinements, couvre-feu, fermetures administratives…), le poids des dépenses alimentaires des ménages s’est largement accru. Selon le niveau de vie et les revenus, les dynamiques de consommation entre les ménages se révèlent très hétérogènes.

L’étude « Fractures alimentaires en France » d’Ipsos (https://www.ipsos.com/fr-fr/76-des-francais-considerent-que-nous-ne-sommes-pas-egaux-en-termes-dalimentation) a mis en lumière les réalités d’une inégalité alimentaire qui recouvre les disparités sociétales françaises (genre, génération et catégorie sociale).  

 

Les attitudes et comportements sont inégalement répartis entre les différentes catégories sociales, qui portent une attention différente :

  • A la richesse et la variété de leur alimentation : 69% des CSP+ contre 56% des CSP-
  • A la consommation de produits alimentaires sains et équilibrés : 66% des CSP+ contre 57% des CSP-.

 

En 2021, les Français ont été majoritairement attentifs à la diversité alimentaire (63%), au caractère sain (63%) et à la provenance des produits alimentaires (57%) qu’ils consomment… mais moins d’un Français sur deux prend en compte les informations nutritionnelles.

Aux clivages sociaux, s’ajoutent les clivages générationnels : plus on est jeune (entre 18-34 ans) et moins on est attentif aux critères cités précédemment…

En revanche depuis la pandémie, les enfants apparaissent comme de véritables prescripteurs au sein des familles en matière d’alimentation :

  • 49% des familles ayant des enfants se disent influencées par eux sur le fait de manger plus équilibré ;
  • 63% des foyers avec des enfants de plus de trois ans ont été amenés à changer ou ont été influencés dans leurs pratiques alimentaires par leurs enfants - en priorité sur les sujets de l’équilibre, du gaspillage et de la créativité. (source)

 

Parmi les points saillants de l’étude sur les fractures alimentaires en France, il apparaît que les inégalités alimentaires sont conséquentes (tant dans leur réalité que dans la perception des Français). 76% considèrent que nous ne sommes pas égaux en termes d’alimentation et que la situation se dégrade dans le pays - plus de la moitié (52%) des sondés estimant même que les inégalités se renforcent. Lucides sur les causes de cette situation, le pouvoir d’achat est le premier facteur invoqué (facteur important pour 93% des sondés). S’en suivent la transmission familiale et les habitudes alimentaires prises dans l’enfance. Pour la majorité, l’accès à une alimentation en quantité et en qualité suffisantes n’est tout simplement pas possible.


Toutefois, si dans l’Observatoire des Nouvelles Consommations d'E.Leclerc plus de 7 Français sur 10 estiment avoir une alimentation équilibrée et de qualité, avoir une alimentation de qualité coûte trop cher pour 85% des Français. Un sentiment fortement corrélé au niveau de revenus et à la catégorie professionnelle à laquelle ils appartiennent. De fait, seuls 63% des ouvriers et 56% des bas revenus ont l’impression d’avoir une alimentation de qualité, contre 84% des cadres et 83% des hauts revenus.

 

Enfin, on observe que le rituel du repas a fortement évolué. Bien que les repas à table et en famille restent les conditions les plus fréquentes (pour 84% et 64% des sondés respectivement), la pandémie et le télétravail ont fait exploser les mauvaises habitudes de prise de repas : devant un programme TV (55%), seul(e) (37%), en horaires décalés (24%), sur la table basse (22%) ou encore en naviguant sur le smartphone (18%). Uniquement 5% des Français sacralisent encore le repas traditionnel (ne mangent jamais devant un écran, debout ou sur une table basse)...

 

La quête du bien-manger lors de la pandémie : quelle continuité sur le long-terme ?

« Si la quête du bien-manger s’amplifie chez les Français depuis la pandémie, nous remarquons qu’elle s’accompagne d’une accentuation des tensions, notamment avec le retour à la normale. Les Français aujourd’hui veulent une alimentation équilibrée, responsable, durable, et doivent arbitrer en fonction de leurs ressources disponibles. » souligne Youmna Ovazza, Directrice du département Strategy3 chez Ipsos. D’après l’Observatoire Alimentation & Familles réalisé par Ipsos pour la Fondation Nestlé France, on observe un rééquilibrage entre plaisir (53%) et santé (49%) dans les préoccupations majeures pour le repas. Le critère de la facilité à cuisiner redevient l’un des éléments les plus importants en 2021 (pour 41% des Français), puis le repas doit être rapide à cuisiner et il doit plaire à toute la famille (pour 36% des Français). En outre, l’équilibre alimentaire fait toujours face à des freins. Interrogés sur ce qui les empêche de manger équilibré, trois contraintes principales sont citées : pour 45% des Français, le 1er frein d’une alimentation équilibrée est le prix, pour 37% c’est le temps, tandis que pour 36% c’est le manque d’inspiration.

 

L’étude du Centre des Sciences et du Goût et de l’Alimentation (CSGA) sur « Le retour à normale (ou non) après les confinements ? » publiée en mai 2022 (https://www.cultures-sucre.com/pro-de-sante/confinement-et-alimentation-quel-bilan-un-an-apres/) a cherché à savoir si les modifications d’habitudes alimentaires temporaires qui ont eu lieu pendant la pandémie s’installaient dans le temps. Les résultats observés ont été les suivants :

  • La légère diminution de la qualité nutritionnelle et de l'impact environnemental de l'alimentation observée lors du premier confinement n'était que temporaire, et aucune différence n’est à souligner entre avant et 1 an après le début de l'épidémie de COVID-19.
  • De même, après une augmentation lors du premier confinement des critères de choix alimentaires tels que la santé, la naturalité, le caractère éthique des produits ou le contrôle du poids, ils se sont révélés transitoires et ont retrouvé leur niveau initial après 1 an de pandémie.
  • Il y a cependant une forte diminution de l’importance des contraintes perçues quant aux courses et à la préparation des aliments, ce qui peut suggérer une tendance à une perception plus positive des activités liées à l’alimentation.
  • Enfin, l’attrait sensoriel des aliments est resté un critère fort à toutes les périodes, reflétant l’importance du plaisir dans le modèle alimentaire français.

L’étude du CSGA montre ainsi que les modifications des pratiques alimentaires résultent d’une adaptation limitée dans le temps, liée à un changement de contexte plutôt que d’une remise en cause des habitudes alimentaires.

 

Par ailleurs, si le besoin de convivialité et de partage a été particulièrement exacerbé pendant les confinements, inversement c’est l’émergence du repas solitaire complètement assumé qui est apparu post-pandémie. Selon l’étude OpinionWay pour Président, 73% des Français estiment qu’on prend de plus en plus ses repas seuls devant son écran en regardant Netflix, Youtube ou toutes sortes de plateformes numériques… Et 47% des Français (et même 65% des 18/24 ans) pensent qu’il peut être agréable de manger seul devant un écran de temps en temps, plutôt que d’être systématiquement accompagné à table.

Aujourd’hui 1/3 des télétravailleurs ne prennent pas de réelle pause déjeuner : ils mangent très rapidement, souvent derrière leur écran. (source)

 

Quels axes de travail pour les entreprises agroalimentaires ?

Entre les vagues de Covid-19 successives, la nouvelle normalité, le télétravail, nous constatons que les Français adaptent leurs pratiques alimentaires en fonction du contexte.

  • Distinguer les profils des familles françaises sous l’angle de l’alimentation pour cerner plus précisément les attentes et motivations - l’Observatoire Alimentation & Familles réalisé pour la Fondation Nestlé France a dépeint 6 portraits alimentaires (page 4).

  • Proposer des produits ou services innovants pour réduire le temps de préparation et pallier le manque d'inspiration des foyers, qui constituent des freins à une alimentation équilibrée.

  • Être garant de prix équitables pour offrir une alimentation de qualité et responsable. D’après le baromètre Shopper 2022 d’Ipsos (https://www.ipsos.com/fr-fr/barometre-shopper-2022-58-des-francais-realisent-leurs-courses-du-quotidien-10eu-pres), la grande majorité des consommateurs déclarent maintenir leur budget de courses alimentaires selon les rayons (83% pour les féculents, 79% pour les fruits et légumes, 77% pour la crèmerie et 76% pour les desserts frais). Toutefois, seulement 39% des consommateurs sont prêts à payer plus cher pour des produits respectueux de l’environnement (en baisse de 4 points par rapport à 2021) et 49% pour des produits respectueux de la santé.

 

Pour aller plus loin

Pour aller plus loin sur les tendances alimentaires, lire l’Observatoire des tendances #29 : Alimentation bien-être : quoi de neuf du côté des ingrédients et des produits alimentaires ? (vitagora.com) (accès réservé aux adhérents de Vitagora). 


En tant que chargée de mission intelligence économique, je creuse l’actualité scientifique au service de l’innovation et de la R&D des adhérents de Vitagora, à la recherche des signaux faibles pour apporter des éléments clés stratégiques.
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