29 mars 2022

Autonomie en protéines dans les élevages : le projet Proleval apporte des solutions locales



En moins de 2 ans, la souveraineté alimentaire est devenue un enjeu majeur de la scène géopolitique internationale. La crise sanitaire, d’une part, suivie par la guerre en Ukraine, ont mis en lumière les dépendances et les freins du modèle agricole européen.

Si le débat semble récent dans les médias, les professionnels se penchent depuis plusieurs années sur cette question. C’est le cas des partenaires du projet Proleval, lancé au printemps 2015 et qui s’est achevé en juillet 2021. Porté par Valorex en partenariat avec l’INRAE, Dijon Céréales et Terrena, son objectif était d’intégrer de façon pérenne des oléo-protéagineux français dans l’alimentation animale afin d’améliorer l’autonomie protéique des élevages, tout en permettant une amélioration de l’équilibre en acides gras de la viande et des performances environnementales des fermes. Quelques mois après la clôture de ce projet, et alors que ses enjeux sont plus que jamais d’actualité, je vous propose d’en découvrir les résultats.

 

Les limites et les risques de la dépendance protéique

« Vaches, poulets, cochons, poules pondeuses, etc. : les élevages sont de forts consommateurs de protéines, indispensables à l’alimentation de leurs animaux et à la qualité de leur production, qu’il s’agisse de lait, d’œufs ou de viande. Or, ces protéines, essentiellement à base de soja, proviennent surtout de l’étranger », explique Mathieu Guillevic, ingénieur recherche et innovations chez Valorex.

Derrière cette dépendance se cachent plusieurs limites :

  • Un risque économique en raison d’une non-maîtrise des coûts des matières premières, notamment pour le soja dont le cours est extrêmement fluctuant ;
  • Un coût environnemental très important, le soja importé de l’étranger pouvant contenir des OGM interdits par l’agriculture française.

Un chantier en 3 temps

De la production végétale à la transformation des graines jusqu’à l’appropriation par les éleveurs : à travers toute la chaine de valeurs, des acteurs professionnels (privés et académiques) ont collaboré pour formuler des solutions, les challenger, et confirmer les résultats du projet Proleval.

Premier chantier : sélectionner les cultures végétales

« Les graines candidates pour apporter une protéine cultivée en France étaient les protéagineux et les légumineuses : pois, féverole, lupin, et graines de lin », précise Mathieu Guillevic. En plus de leur intérêt environnemental largement reconnu (lire notre article ici) et de leurs multiples intérêts nutritionnels tant sur leurs apports en protéines et acides aminés complémentaires que sur le potentiel d'amélioration de la teneur en acides gras des produits de l'élevage, ces graines possèdent un fort potentiel de culture sur le territoire national. Elles peuvent également s’adapter aux procédés technologiques actuels de l’alimentation animale.

Les partenaires du projet ont donc créé des filières contrôlées pour ces oléo-protéagineux. « Ce fut un travail très progressif », détaille Mathieu Guillevic : « déjà, au niveau du laboratoire, nous avons testé de tout petits batchs. Au total, 205 itinéraires techniques ont été testés, pour 472 variétés des graines ! Pour passer sur une échelle pilote, nous ne prenions que les meilleurs. A nouveau, seuls ceux avec de très bons résultats, techniques mais également au regard du pouvoir d’achat des consommateurs, sont passés à l’échelle industrielle. »

Second chantier : permettre l’appropriation des graines par les éleveurs

Mathieu Guillevic explique : « si ces graines sont bel et bien riches en protéines, leur apport protéique reste malgré tout plus faible que celui du soja. On considère qu’il est nécessaire d’augmenter de 50% leur apport comparativement au soja pour obtenir le même apport protéique ». Les travaux de Proleval ont donc consisté, à ce stade, à concevoir des process innovants pour rendre ces graines plus digestes et nutritivement plus assimilables chez les animaux d’élevage.

« Nous avons pu remarquer une véritable barrière psychologique chez les éleveurs, qui craignaient de ne pas pouvoir valoriser les nutriments présents dans les souches. Il s’agissait d’un chantier primordial pour la réussite du projet. Grâce à des essais couplés en champ et en usine, et après 2 507 modalités technologiques de cuisson des graines, nous avons pu identifier les procédés efficaces pour la destruction des facteurs antinutritionnels. »

Troisième chantier : vérifier la viabilité de ces nouvelles ressources en protéines

Enfin, une fois le travail réalisé sur la digestibilité et la valorisation protéique des graines, en collaboration avec 6 unités INRAE, il était indispensable de vérifier la viabilité technique et économique de celles-ci.

  • Sur le volet technique, il s’agissait de vérifier l’apport de rations sans soja aux animaux d’élevage permettent d’obtenir des performances identiques voire améliorées ;
  • Sur le volet économique, il s’agissait de vérifier si les rations de cette nouvelle ressource en protéines présentent un coût équivalent au soja… ou si, à coût supérieur, celui-ci est compensé par de meilleures performances.

Lors de cette troisième étape, d’autres effets indirects ont été évalués : les bénéfices environnementaux, les protéagineux étant moins gourmands en CO2 et fixant l’azote atmosphérique (entre autres), et les bénéfices sociétaux qui peuvent être perçus pour le consommateur, notamment en supprimant le soja d’import de l’alimentation animale et en privilégiant des protéines locales.

 

Des résultats prometteurs, du champ à l’assiette

De l’ensemble de ces travaux est issue la genèse de tout un savoir scientifique nouveau, récompensé par deux trophées de l’innovation Innov'Space et l’obtention de deux brevets.

En plus des connaissances académiques, le projet est à l’origine de plusieurs investissements industriels (une nouvelle ligne de décorticage industriel et des nouvelles lignes de silo de stockage) ainsi que de la conception de produits de plusieurs « générations » (c’est-à-dire, à différents niveaux de concentration en protéines) à haute valeur ajoutée, commercialisés depuis 2021. Tout en garantissant les performances de la production, cette gamme de produits permet de répondre aux attentes des éleveurs et de la société sur l’autonomie protéique, de réduire la part de soja importé dans l’alimentation animale, et de limiter l’impact environnemental des élevages.

« Au final », se félicite Mathieu Guillevic, « les résultats de Proleval sont bénéfiques à la fois pour les acteurs de la culture de protéagineux, pour les acteurs industriels travaillant sur leur transformation, et pour les consommateurs souhaitant des élevages plus respectueux de l’environnement. Nous avons réussi à créer de la valeur ajoutée pour l’ensemble de la chaine, du champ à l’assiette. »

Aujourd’hui, les travaux de Proleval se poursuivent à une échelle régionale, notamment afin d’identifier les meilleures solutions selon chaque territoire pour garantir une autonomie la plus locale possible selon les parcelles de protéagineux existantes.

« La semaine passée, une conférence s’est déroulée pour présenter les nouveaux investissements industriels : c’est le résultat de PROLEVAL qui se manifeste aujourd’hui, avec plus de 3.5 millions d’euros investis dans la structuration de filière : nouvelles cellules de stockage, nouvelle ligne de cuisson et tour de fragmentation – concentration des graines protéagineuses », conclut Mathieu Guillevic.

Pour aller plus loin

A lire également :

Pour réaliser une veille régulière et identifier des solutions innovantes, abonnez-vous à notre blog (environ 2 à 3 articles par mois) !

0 commentaires

Partagez votre opinion

LE COVID-19 : INFORMATION IMPORTANTE

Compte-tenu des mesures prises par le gouvernement, concernant la situation sanitaire liée à la propagation du virus COVID-19, toutes les réunions physiques, manifestations, et visites en entreprise sont à nouveau suspendues à partir du vendredi 30 octobre 2020 à minima jusqu'au 1er décembre.

Cependant, tout comme lors du confinement de printemps, toute l’équipe Vitagora adopte des mesures de télétravail et reste entièrement disponible pour répondre à vos questions et demandes liées aux services et actions proposés par Vitagora.

Nous vous rappelons qu’une cellule de crise au sein de Vitagora liée à l’impact du COVID-19 sur l’activité de nos entreprises agroalimentaires régionales, en lien avec l’ANIA et les autorités régionales, est toujours en place.

Vous pouvez joindre cette cellule de crise pour toute demande relative à ce sujet au 06 72 39 66 96, Tom Vaudoux, ou par email, au elisabeth.lustrat@vitagora.com.

Nous utilisons des cookies afin de mesurer l’audience de notre site et d'optimiser votre expérience utilisateur. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez la politique d’utilisation des cookies.

J'ACCEPTE EN SAVOIR PLUS