03 juil. 2018
Dénutrition des seniors : hier VS demain. La recherche a du nouveau pour adapter l’offre alimentaire
Saviez-vous que près de 3 seniors sur 10 hébergés en institution sont touchés par la dénutrition ? Et plus de 5 seniors sur 10 lorsque l’on se place en hôpitaux ? Affaiblissement physique, diminution de la qualité de vie, isolement social, effets néfastes sur la santé, coût des prises en charge liées aux pathologies qui s’accumulent : les effets de la nutrition se mesurent à la fois pour le bien-être de l’individu qu’en termes de santé publique.
Jusqu’alors, les leviers d’action n’étaient pas très appétissants, parfois même peu efficaces, et rarement acceptés : renforcement de la flaveur, purées infantilisantes, compléments alimentaires oraux de type boissons…
Et aujourd’hui ? Grâce à deux projets de recherche labellisés par Vitagora (Aupalesens et Renessens, dont les résultats seront présentés le 20 novembre prochain à Paris lors d’un colloque dédié - en savoir plus ici), de nouveaux leviers, pratiques et concrets, ont été identifiés pour intervenir efficacement contre la dénutrition des personnes âgées. Autant d’opportunités à creuser par les professionnels de l’agroalimentaire intéressés par le marché des seniors (télécharger ici le compte-rendu complet du Vitagora Café sur le sujet – exclusivité « Adhérents tous services »).
Dénutrition des seniors : trois défis à cibler
Les projets ANR Aupalessens et Renessens ont mis en évidence que 46% des personnes âgées qui délèguent toute ou partie de leur alimentation sont à risque de dénutrition ou dénutries. Par ailleurs, moins de 10% des personnes âgées vivant en maison de retraite satisfont leurs besoins protéiques et caloriques et 37% consomment moins des 2/3 des apports protéiques conseillés.
Pour agir contre la dénutrition, encore faut-il en comprendre les causes réelles. Ces deux projets se sont intéressés aux trois facteurs principaux de la dénutrition :
- déclin des capacités chimio-sensorielles : perte de l’odorat et du goût, troubles bucco-dentaires, pathologie, polymédication, avec effets « anorexigènes », c’est-à-dire coupe-faim, ou effets secondaires sur le goût, l’odorat, etc. Le vieillissement est lié à un déclin des capacités chimio-sensorielles, qui augmente avec la fragilité et la dégradation de l’état de santé. A noter qu’il existe une forte hétérogénéité dans la population âgée : 43% des personnes âgées présentent des capacités semblables à une population plus jeune.
- troubles bucco-dentaires: troubles de la mastication, mauvais état dentaire, sécheresse buccale, pathologies, dysgueusie (troubles du goût)
- perte d’appétit : pour des raisons physiologiques, chimiques, mais également liées à l’environnement et au contexte des repas, ainsi qu’aux repas eux-mêmes (aspect peu appétant, température inadaptée, ingrédients non familiers, repas subi, heures de repas inadaptées, etc)
Faire face au déclin des capacités chimio sensorielles
« Les stratégies du passé, tel que le renforcement de la flaveur dans les aliments, ont été plus ou moins abandonnées. Elles n’étaient pas vraiment efficaces », nous a expliqué Claire Sulmont-Rossé, directrice de recherche à l’INRA (CSGA) impliquée, entre autres, dans les projets Aupalesens et Renessens, lors d’un Vitagora Café sur les opportunités de la Silver Food (télécharger ici le compte-rendu de ce Vitagora Café – exclusivité « Adhérents tous services »).
Désormais, on sait que de petites astuces liées à l’environnement du repas permettent d’obtenir des résultats encourageants. Par exemple, proposer des sauces et des condiments en libre-service et au centre des tables. « Deux études réalisées dans le cadre de ces projets ont mis en évidence une augmentation du plaisir à manger et de la prise alimentaire grâce à de telles astuces. En revanche, ces solutions ne sont pas viables en collectivité pour des raisons d’hygiène », note Claire Sulmont-Rossé.
Et dans le futur ? « Les processus de co-création sont très prometteurs », évoque Claire Sulmont-Rossé : c’est-à-dire, développer des aliments pour les Senior avec les Seniors grâce à la mise en place de « commissions du goût ». « Ce principe a d’ores et déjà permis de proposer des améliorations de produits industriels grâce à des retours directs de personnes âgées. Par exemple, sur une blanquette de veau préparée (axe d’amélioration retenu : mettre des champignons entiers plutôt qu’en lamelles), ou sur une purée bœuf carotte (axe retenu : séparer le bœuf et la carotte de la purée). »
Ces modifications simples permettent de rendre le produit plus adapté à la cible des personnes âgées… et je connais des démarches de co-création, comme celle développée actuellement par ScanUp qui devraient vous inspirer sur la mise en œuvre de telles commissions !
S’adapter aux troubles bucco-dentaires
Difficultés à mâcher, bouche sèche, troubles de la déglutition, ou encore inflammation de la sphère orale : les personnes âgées sont très touchées par des troubles de la santé bucco-dentaire.
Finies les stratégies passées qui consistaient, face à ces troubles, à mixer (ou hacher) les aliments dans des purées infantilisantes et peu appétentes ! Sans compter que les troubles de la déglutition (qui présentent un risque de fausse route) et les troubles de la mastication sont parfois mis dans le même sac alors que ce sont des problématiques bien différentes.
Désormais, il s’agit d’augmenter l’appétence des purées avec les techniques de la gastronomie moléculaire. L’utilisation d’agents texturants (agar agar, carraghénanes, etc.) améliore l’appétence des purées par exemple. Cependant, ces techniques doivent être utilisée avec vigilance car elle peuvent avoir des effets non désirés tels que la rétention des odeurs et saveurs, la dilution du contenu nutritionnel, ou encore une influence potentiellement négative sur la biodisponibilité des nutriments (en savoir plus dans le compte-rendu du Vitagora Café à télécharger ici – exclusivité « Adhérents Tous services »).
Des techniques faciles à mettre en œuvre, telles que la cuisson longue à basse température, les attendrisseurs de viande, ou encore les marinades (type sauce soja) permettent également de développer des textures intermédiaires pour palier les troubles de la mastication.
Lire également ici notre article « Compétences et expertise » : Le confort en bouche des produits fromagers : qu’en est-il pour les personnes âgées ? (exclusivité adhérents)
Faire face à la perte d’appétit
Le constat est facile à faire : quand on n’a pas faim, on mange peu. La question à se poser face à cela est la suivante : comment augmenter la densité nutritionnelle pour que, même si la quantité ingérée est faible, les quantités de calories et de protéines soient plus importantes ?
« Dans le passé, on passait par des prescriptions médicales de compléments nutritionnels oraux (CNO) », se rappelle Claire Sulmont-Rossé. « Ces produits sont efficaces mais très peu acceptés par les consommateurs concernés : sensations d’astringence, arrière-gout métallique compensé par une saveur très sucrée. Aujourd’hui, l’offre de CNO s’est nettement améliorée, avec des gammes salées par exemple, ainsi que des volumes plus petits et plus faciles à accepter. »
Et dans le futur ? « Il s’agira de développer une alimentation dense, en retravaillant le repas, les menus, et les recettes pour augmenter la densité nutritionnelle sans prescription supplémentaire. Par exemple, il serait envisageable d’enrichir systématiquement les soupes servies en structures médicalisées », évoque Claire Sulmont-Rossé.
Pour aller plus loin
Le 20 novembre à Paris, ne manquez pas le colloque dédié aux résultats du projet Renessens ! Inscription et plus d'informations sur le site internet du colloque : https://colloque.inra.fr/renessens
Pour en savoir plus sur le sujet, téléchargez ici le compte-rendu du Vitagora Café « Les opportunités de la Silver Food : les conseils des chercheurs experts » (exclusivité adhérents tous services). Vous pouvez également vous abonner à notre blog où nous publions régulièrement des articles sur l’alimentation des Seniors (1 à 2 envois d’article par semaine).
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