19 févr. 2019

Industrie agroalimentaire : 4 scénarios d’évolution à horizon 2030 pour mieux se préparer

 

Le paysage de l’alimentation a évolué. Au croisement de révolutions sociétale, environnementale, et numérique, les consommateurs ne « se nourrissent » plus : ils expriment, par leur alimentation, une responsabilité et des choix individuels.

 

Dans ce contexte, les entreprises de l’agroalimentaire ne réagissent pas de façon identique. Si certaines ont perçu les opportunités de cette révolution et en profitent pour se distinguer, d’autres se laissent submerger par des évolutions profondes qu’elles ne maîtrisent plus.

 

Dans le cadre de la chaire « Evolution des business models dans la filière agroalimentaire » de BSB-Vitagora, Sonia Lequin a établi 4 scénarios possibles à horizon 2030 pour aider les professionnels de l’agroalimentaire à anticiper et à rester compétitifs. A lire ci-dessous.

 

A l’aube d’une nouvelle révolution alimentaire

Apparition des supermarchés dans les années 1950, premières dates limites de consommation au début des années 1960, développement de la technologie UHT dans les années 1970, création du label « AB » en 1985, puis explosion des surgelés, apparition des salades en sachet, création de l’EFSA (2002), etc. : en quelques décennies seulement, le paysage agroalimentaire français a connu de réels bouleversements (consulter ici la frise chronologique sur l’histoire de l’alimentation proposée par l’ANIA).

 

Plus contrôlée et plus sûre grâce à de nombreuses avancées technologiques (le risque alimentaire létal a été divisé par 100 depuis les années 1950), l’alimentation s’est également faite plus pratique, répondant à la recherche permanente des consommateurs de gain de temps et de facilité d’usage pendant cette période.

 

Pour autant, les discours et les attentes ont changé. Selon une étude publiée par Kantar Worldpanel en septembre 2018, 66% des Français se disent aujourd’hui « inquiets de la sécurité alimentaire » des produits, et 77% jugent même probable que les aliments « nuisent à leur santé ». Depuis la fin des années 1990, on assiste effectivement à une prise de conscience des enjeux globaux liés à l’alimentation : enjeux de santé, mais également enjeux environnementaux et de durabilité, enjeux sociétaux et économiques, etc.

 

Consommer et manger ne sont plus de simples synonymes de « se nourrir » : c’est devenu l’expression d’un choix et d’une responsabilité individuels.

 

En parallèle, le numérique offre toujours plus d’outils intelligents au service des producteurs et des consommateurs : production intelligente, économie énergétique, traçabilité, suivi et conseils personnalisés, etc. Au carrefour des transitions sociétale, environnementale, et numérique, une nouvelle révolution du paysage alimentaire est-elle à prévoir ? Et si oui, quels sont les enjeux encourus par l’industrie agroalimentaire ?

 

Risque ou opportunité ? Des industriels inégaux face à ce bouleversement

Sophie Reboud, professeure et chercheuse en stratégie et management de l'innovation à BSB, et Sonia Lequin, ingénieure de recherche, travaillent au sein de la Chaire « Evolution des business models dans la filière agroalimentaire », créée par BSB et Vitagora.

 

Ensemble, elles se penchent sur les différentes façons qu’ont les industriels de l’agroalimentaire, et notamment les PME, de réagir face à ces bouleversements. « Les entreprises de l’agroalimentaire sont prises en étau dans un contexte en plein chamboulement. Cela, elles ne peuvent pas le nier – et pour la survie de leur compétitivité, ne le doivent surtout pas ! »

 

Ce bouleversement a-t-il un impact positif ou négatif sur les PME de l’agroalimentaire ? Si certaines se placent en position de force, faisant de cette révolution une vraie opportunité de se distinguer, d’autres apparaissent plus à risque – parfois même jusqu’à mettre leur pérennité en péril. (Les résultats provisoires de la Chaire ont été présentés lors du Forum Vitagora en juin 2018 – en savoir plus ici)

 

Horizon 2030 : à quoi doit-on s’attendre ?

Pour anticiper et se préparer le plus efficacement possible, Sophie Reboud et Sonia Lequin ont travaillé sur l’analyse des scénarios d’évolution possibles pour la filière agroalimentaire dont elles donnent quelques exemples ci-après.

 

Quelle probabilité pour quel scénario ? Une question de variables

Mesurer la probabilité de réalisation de scénarios d’anticipation est impossible. Ce qui est possible, en revanche, c’est l’identification de variables critiques, les « variables pivot », pour lesquelles la réaction de la société peut aller dans un sens ou dans le sens opposé. Les variables pivot identifiées par Sophie et Sonia sont les suivantes (nous les avons résumées en question pour une compréhension plus directe) :

  • Variable pivot 1 « La société va-t-elle prendre en compte l’impact environnemental des comportements connectés ? »: impact environnemental de la numérisation (consommation énergivore liée aux serveurs, etc.), dépenses énergétiques liées à la logistique (empreinte environnementale liée aux commandes en ligne longue-distance, etc.).

 

  • Variable pivot 2 « La part allouée au budget alimentaire va-t-elle augmenter ou non pour satisfaire la recherche d’une alimentation de qualité ? » : si les consommateurs demandent une alimentation plus qualitative, notamment en lien avec un impact santé, sont-ils prêts à payer le prix juste ? Cette variable fait appel à des préoccupations de pouvoir d'achat (baisse de la consommation de viande, etc.) tout autant que des préoccupations de santé (alimentation bio).

 

  • Variable pivot 3 « quel avenir pour l’ouverture des frontières ? »: une variable d’ordre géopolitique autour de l’ouverture ou la fermeture des frontières à travers le monde.

 

  • Variable pivot 4 « rejet ou intensification de la numérisation ? »: une variable plus extrême, « qu’il est nécessaire de se poser lorsque l’on dresse des scénarios d’anticipation », estime Sonia Lequin, autour de la question de l'utilisation massive et totale de la numérisation (intelligence artificielle, robotisation…), à un rejet éventuel de ces évolutions en lien avec leur impact sociétal et la crainte de déshumanisation.

 

Sans miser sur un pronostic plutôt qu’un autre, l’observation de ces variables permet d’anticiper plusieurs futurs possibles en les combinant par 2. Par exemple, retenir comme combinaison les variables 1 et 2 peut mener à 4 scénarios, dont Sonia donne les exemples ci-dessous.

 

 

4 scénarios pour mieux se préparer à l’évolution de l’agroalimentaire

  • Scénario 1 : les dépenses énergétiques liées à la digitalisation et au transport des aliments freinent le développement du numérique et favorisent le sourcing local, et les préoccupations environnementales et sociétales prennent le pas sur tout le reste. Il s’agit d’un monde dans lequel l'approvisionnement alimentaire se fait localement, d'aliments bio, avec un développement agricole périurbain et des ventes directes par les producteurs de produits peu transformés. Les méta-systèmes et la plateformisation (pour comprendre ce terme, lire notre article ici) sont ralentis par les coûts et l'éthique (propriété des données).

 

  • Scénario 2 : si en revanche, toujours dans l'optique de dépenses énergétiques prises en compte, les inquiétudes et inégalités perçues de pouvoir d'achat conduisent à un maintien d'une offre alimentaire à bas coût de mauvaise qualité environnementale et sanitaire par la distribution de masse, alors on pourrait voir le développement de petits supermarchés appartenant aux grands de la GD, s'approvisionnant localement en jouant de leur pouvoir de négociation pour casser les prix, avec une transformation alimentaire bas de gamme.

 

  • Scénario 3 : au contraire, si le numérique se développe sans frein énergétique dans tous les maillons de la chaine de valeur et que les coûts de transports ne freinent pas la logistique fine et personnalisée, et qu'en même temps les préoccupations environnementales et sociétales prennent le pas sur tout le reste, on pourrait assister au développement de la foodtech, des start-ups de service et de conseils diététiques, poids fort des gros acteurs du big data, développement de l'équipement culinaire connecté, les méta-systèmes et la plateformisation se développe avec nécessité d’une protection accrue des données personnelles.

 

  • Scénario 4 : si en revanche, les inquiétudes et inégalités perçues de pouvoir d'achat conduisent à un maintien d'une offre alimentaire à bas coût de mauvaise qualité environnementale et sanitaire par la grande distribution, alors on verrait le développement de grands acteurs du numérique type Amazon qui pourraient prendre en charge la distribution de produits importés et transformés, à bas prix et avec une livraison au plus près, ou pourrait voir se multiplier des start-up de comparaison d'offre, de plateformes d'échange et de regroupement. 

 

Et la compétitivité des entreprises, dans tout ça ?

« On voit bien que ces scénarios sont plutôt contrastés et ne favorisent pas le développement des mêmes types d'entreprises », précise Sonia Lequin. Si on se concentre sur les conséquences pour des PME, alors on peut esquisser quelques implications pour chacun de ces scénarios :

  • Le premier scénario favoriserait plutôt les marques de terroir, ancrées localement, ayant mis en avant la qualité et la traçabilité, capables de travailler avec une logistique locale. Dans un tel scénario, il est sans doute utile de faire de l'innovation en s'inscrivant dans la tradition produit et les savoir-faire des territoires.

 

  • Le second scénario entrainerait le développement d'entreprises ayant toujours travaillé avec la grande distribution, capables de faire des MDD en maîtrisant leurs coûts. Ce scénario est moins favorable à l'innovation produit, mais très favorable à l'innovation process.

 

  • Le troisième scénario est plus favorable aux start-ups de la Food Tech, type au développement vigoureux, même parfois un peu brouillon, très entrepreneuriales, dans le service et la logistique, capables de traiter le big data. Leur développement devrait s'accompagner de celui de PME locales capables de prendre en charge la production.

 

  • Enfin le quatrième scénario est globalement plutôt défavorable aux PME de la transformation, mais favorable à des start-ups d'applications et de traitement de big data.

 

Ces 4 scénarios nous permettent, à nous acteurs de l’agroalimentaire, d’être mieux armés pour faire face aux bouleversements de fond du secteur, afin de prendre des décisions averties : de quoi veiller à la compétitivité de votre entreprise !

Pour aller plus loin

Pour en savoir plus sur les résultats de la Chaire BSB-Vitagora, lire également ces publications :

Si vous souhaitez échanger sur le sujet, contactez-moi directement par e-mail : elisabeth.lustrat@vitagora.com.

3 commentaires

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JarrodAbisk

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KEVIN HIDALGO

20 février 2019 à 02h00

Excellent travail de sourcing et de restitution qui permet de dessiner d'importants pivots dans le secteur de l'agroalimentaire. On voit que déterminer quel scenario est le plus probable dépend de tellement de variables à la fois internes et externes à la filière qu'il est impossible d'en calculer des probabilités justes. Merci Elisabeth pour ce lourd travail d'analyse.

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Vous pouvez joindre cette cellule de crise pour toute demande relative à ce sujet au 06 72 39 66 96, Tom Vaudoux, ou par email, au elisabeth.lustrat@vitagora.com.

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