27 août 2018

L’alimentation plaisir chez l’enfant est-elle une menace ou un atout pour sa santé ?

Crédits photos : www.pixabay.com

L’alimentation des enfants est plus que jamais au cœur des préoccupations. A la fois pour les parents, les professionnels de santé, les décideurs politiques mais tout autant pour vous, industriels agroalimentaires (voir encore plus si vous avez des bambins). Entre 1990 et 2016, le nombre d’enfants en surpoids ou obèses est passé de 32 à 41 millions d’après l’Organisation Mondiale de la Santé et pourrait atteindre 70 millions d’ici 2025 (cliquez ici pour en savoir plus sur cette étude). Ce constat alarmant n’a fait que renforcer le besoin d’en savoir plus sur les composantes de l’alimentation chez les enfants afin de concevoir des interventions efficaces, et de promouvoir une alimentation saine et savoureuse.

« Mangez au moins 5 fruits et légumes par jour » ou « évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé » : si les enfants ont retenu ces messages, je vous expliquais dans cet article qu’ils sont une minorité à les comprendre et encore moins à les appliquer. Cependant, ces messages ont appris aux enfants à opposer les aliments « sains » aux « produits gras/sucrés/salés », négligeant la valeur hédonique des aliments (le plaisir lié aux dimensions sensorielles, sociales et cognitives).

Plaisir et santé sont-ils vraiment irréconciliables chez les enfants ? Quel est l’impact de cet apprentissage basé sur l’opposition ? L’alimentation plaisir chez l’enfant est-elle une menace ou un atout pour la santé ?

D’où l’intérêt de découvrir les résultats d’une étude menée par le Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation (CSGA) indiquant que le plaisir alimentaire est une notion capitale dans l’alimentation saine des enfants. A noter que cette étude a été réalisée notamment par Stéphanie Chambaron, qui donnera une conférence dans le cadre du Colloque Nutrition Santé, le 13 Septembre 2018 à Dijon, dont Vitagora est partenaire. Les inscriptions sont gratuites : profitez-en.

Les enfants « plaisir » VS les enfants « nutrition »

Cette étude, réalisée sur une soixantaine d’enfants entre 5 et 11 ans, démontre que les enfants n’appréhendent pas leur alimentation de la même façon. D’après les résultats, il existe deux profils d’enfants. Certains se concentrent sur le caractère plaisir de leur alimentation en privilégiant le goût, le partage social et les aliments leur apportant du réconfort ou de la joie par exemple. D’autres, au contraire, se focalisent sur le caractère sain ou non des aliments, en les analysant et en les catégorisant.

Pour mettre en évidence ces deux types d’enfants, deux tests ont été réalisés : une tâche d’association implicite et une tâche de catégorisation explicite afin d’attribuer à chaque enfant un score de choix hédonique.

Test d’association implicite

Ce test est composé de plusieurs triplets d’aliments, comme baguette de pain/beurre/nutella. Les enfants doivent parmi ces trois aliments en choisir deux qui d’après eux vont ensemble. Aucune indication n’est donnée concernant le caractère « sain » ou « hédonique » des aliments pour ne pas amener les enfants à réfléchir sur ces deux notions. Prenons l’exemple du triplet suivant : poulet, steak et frites. Si l’enfant associe poulet et frites, cela correspond à un choix hédonique car ces deux aliments sont souvent consommés ensemble. L’enfant fait ici appel à sa mémoire gustative pour savoir ce qui se mange bien ensemble ou pas. A l’inverse, si l’enfant associe poulet et steak cela montre qu’il identifie deux sources de protéines. Il fait donc un choix nutritionnel en identifiant la catégorie des aliments.  

Test de catégorisation explicite

Ce deuxième test se compose d’une liste de 51 aliments à classer au choix dans une catégorie parmi quatre : « donne des forces » et « fait grossir » correspondant aux catégories nutritionnelles, « Miam ! » et « Beurk ! » correspondant aux appréciations hédoniques des aliments. Le processus de catégorisation est ici explicite grâce aux intitulés des catégories, contrairement au premier test où les associations sont libres. Cette liste se compose d’aliments variés : fruits, légumes, protéines animales, fromages, plats riches en graisse, snacks salés et sucrés et desserts. Les enfants choisissent donc instinctivement une catégorie pour chaque aliment : soit une hédonique, soit une nutritionnelle.

Les enfants « plaisir » font les meilleurs choix alimentaires

A la suite de ces deux tests, un buffet composé de fruits, de gâteaux et de bonbons est proposé à ces mêmes enfants. Ils doivent composer leur goûter avec 5 aliments au choix. Ils peuvent prendre deux fois le même aliment et ne sont pas forcés de finir leur assiette s’ils n’ont plus faim. A noter que tous les aliments proposés sont appréciés par les enfants.

En corrélant les profils d’enfants identifiés et la composition des goûters, les résultats montrent que les enfants qui associent le plus l’alimentation au plaisir sont ceux faisant les meilleurs choix alimentaires en matière de qualité nutritionnelle, sans considérer l’aspect « santé ». Ils ont choisi en moyenne une portion de fruits en plus que les enfants qui ont les comportements les plus nutritionnels. Il semble donc que, chez les enfants étudiés, les comportements alimentaires orientés plaisir soient associés à un régime alimentaire plus sain.

L’éducation nutritionnelle responsable des choix des enfants « nutrition » ?

Les résultats ont également montré que les enfants « nutrition » (faisant donc moins de choix hédoniques dans les tests) sont ceux qui choisissent lors du buffet les aliments qu’ils perçoivent comme le moins sains, même s’ils aiment de façon égale les aliments sains et « non sains » !

Ces résultats soulèvent, pour les chercheurs, un certain nombre de questions, tout d’abord concernant l’impact de l’apprentissage de notions nutritionnelles durant l’enfance. En souhaitant leur faire prendre conscience de la qualité des aliments, est-ce que nous les poussons à consommer inconsciemment les aliments les moins sains ?  De plus, si cette éducation nutritionnelle est associée à des restrictions alimentaires dans le contexte familial, cela augmente-il les motivations de l’enfant à manger des aliments « non sains » lors des tests ? Il a été montré que le désir pour un aliment augmente de façon significative lorsqu’il est interdit ou limité [1]. D’autant plus lorsque l’enfant est enfin autorisé à le consommer [2].

[1] « Do not eat the red food!: Prohibition of snacks leads to their relatively higher consumption in children », Appetite, vol. 49, no 3, p. 572‑577, nov. 2007.

[2] « From the Garden of Eden to the land of plenty: Restriction of fruit and sweets intake leads to increased fruit and sweets consumption in children », Appetite, vol. 51, no 3, p. 570‑575, nov. 2008.

Le plaisir alimentaire plutôt que la « conscience nutritionnelle »

Mais alors… Comment inciter les enfants à manger plus sainement ? Je vous invite à redécouvrir trois pistes identifiées grâce aux résultats du programme de recherche HabEat. A découvrir dans notre article « Expert » : Inciter les enfants à manger plus de fruits & légumes : des pistes prometteuses pour les industriels de l’agroalimentaire, réservé aux adhérents Vitagora.

Les chercheurs du CSGA suggèrent également de mettre en place avec les parents de nouvelles stratégies pour recentrer les enfants autour du plaisir de manger et pour revaloriser affectivement les aliments sains. Par exemple, le goûter est un moment propice aux partages, aux rires et aux moments de joie. Pourquoi ne pas proposer au goûter des tranches de fruits ou des bâtonnets de légumes pour permettre aux enfants d’associer ces aliments à un moment de plaisir ?

Pour les industriels, il pourrait être intéressant de repenser certains plats ou conditionnements pour stimuler gustativement et visuellement les enfants. Par exemple, comme imaginé dans le cadre du projet Habeat, pourquoi ne pas revisiter certains légumes pour les adapter au goûter et leur donner une nouvelle dimension sociale et psychologique. La carotte, ce n’est pas seulement à table, en purée et à finir pour obtenir une glace ! Pourquoi ne pas faire de la carotte un snack croquant à partager en famille au goûter ? Il pourrait également être intéressant de concevoir des packagings avec des conseils pour guider les parents.

Pour aller plus loin

Nous avons accueilli début mars une nouvelle stagiaire Emma qui, en plus de travailler dans notre équipe Communication, organise la dixième édition du Colloque Nutrition Santé qui se tiendra à Dijon le 13 Septembre 2018. Stéphanie Chambaron, psychologue et chercheuse au CSGA ayant participé à l’étude présentée dans cet article, réalisera une présentation sur l’importance du plaisir dès le plus jeune âge dans l’alimentation des enfants. N’hésitez pas à vous inscrire via ce lien pour y assister (inscription gratuite) !

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