19 avr. 2022

Une restauration collective plus responsable vis-à-vis de l’environnement est-elle possible ?

Cantines, restaurants universitaires… une restauration collective plus responsable d’un point de vue environnemental est-elle possible ? Les initiatives actuelles que nous constatons, mes collègues et moi-même, le laissent penser ! Réduction des déchets alimentaires, limitation de l’empreinte carbone globale liée aux repas servis mais aussi aux équipements et aux structures d’accueil et de cuisine, initiatives pour inciter au réemploi, etc. 

La loi Egalim, votée en octobre 2018 suite aux États généraux de l’alimentation de 2017, a certainement accéléré les évolutions prises en ce sens. Mais les acteurs de la restauration collective se sont véritablement emparés du sujet de la responsabilité environnementale, conscients des enjeux que représente leur secteur d’activité.

D’études théoriques MS-Nutrition et le collectif Enscol, à des études de terrain avec l'INRAE et la ville de Dijon, Sensostat et le Crous BFC : voici quelques exemples prometteurs. 

 

La place des repas végétariens à la cantine et la question nutritionnelle

Romane Poinsot, ingénieure agroalimentaire spécialisée en nutrition chez notre adhérent MS-Nutrition, a réalisé une thèse CIFRE sur le sujet, co-encadrée par Nicole Darmon, en lien avec un collectif de professionnels et de chercheurs académiques, EnScol. Deux volets constituaient cette thèse. Un premier volet a permis d’évaluer objectivement la qualité nutritionnelle des plats végétariens servis en restauration scolaire en fonction de leur contenu en produits d’origine animale (fromage, autres produits laitiers, œufs). Un second volet portait sur le calcul de la fréquence optimale des repas végétariens au sein d’un cycle de 20 repas (soit 5 repas pendant 4 semaines) pour réduire l’impact environnemental des cantines sans compromettre les bénéfices nutritionnels apportés aux convives. 

« Nous avons étudié différents scénarios en tenant compte de la réglementation nutritionnelle de la restauration scolaire pour les enfants scolarisés à l’école élémentaire », détaille Romane Poinsot. « Nous avons testé différentes fréquences de repas végétariens sur 20 repas : aucun, 4, 8, 12, 16 et 20. »

Ces scénarios ont ensuite été comparés à un scénario de référence comprenant 4 repas végétariens sur 20 (soit 1 fois par semaine) : d’une part sur la base d’un indicateur de qualité nutritionnelle globale (l’ANM) reflétant le niveau de respect des recommandations nutritionnelles journalières pour les enfants (le déjeuner représentant 30% des apports nutritionnels sur une journée), et d’autre part en mesurant les impacts environnementaux associés (émissions de gaz à effet de serre, utilisation d’eau, d’énergie fossile, etc.).

Romane Poinsot détaille les résultats : « sans surprise, plus on augmente le nombre de repas végétariens sur 20 repas, plus les impacts environnementaux étudiés baissent… mais aussi la qualité nutritionnelle apportée par les repas, notamment sur les nutriments essentiels tels que la vitamine D, ou la B2 et les acides gras oméga-3, apportés principalement par les produits d’origine animale. Le meilleur compromis pour à la fois diminuer les impacts environnementaux tout en gardant une bonne qualité nutritionnelle, est celui de 12 repas végétariens sur 20 (en incluant à chaque repas un produit laitier) + 4 repas à base de poisson (essentiel pour les apports en acides gras oméga-3) + 4 repas à base de viande ».

S’il s’agit d’une étude théorique, et avec ses limites (par exemple, la non prise en compte de l’acceptabilité des enfants, de la faisabilité par les cuisines scolaires ou d’autres effets de l’élevage sur l’environnement que les impacts étudiés), elle suscite déjà l’intérêt dans le domaine et a été publiée ce mois de mars dans le European Journal of Nutrition (lire ici l’article en ligne).

 

Nutrition, environnement… et satisfaction des convives !

En parallèle de l’étude théorique réalisée par MS-Nutrition, des travaux de terrain sont actuellement menés par le Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation de Dijon, conduits par Sophie Nicklaus, Justine Dahmani et Lucille Marty, en collaboration étroite avec le service de restauration scolaire de la ville de Dijon dirigé par Jean-Michel Grenier et dans le cadre de Dijon Alimentation Durable 2030 (Dijon Métropole, Conseil Régional de Bourgogne-Franche-Comté et la Banque des Territoires).

Sophie Nicklaus explique : « nous souhaitons réfléchir à l’équilibre des repas servis en cantines scolaires à la fois sur le plan nutritionnel et l’impact environnemental…  Mais ce que nous voulons également, c’est prendre en compte le point de vue des enfants, pour ne pas rester sur nos a-prioris d’adultes. »

Ainsi, les 38 restaurants d’écoles élémentaires de Dijon ont été équipés de bornes de satisfaction qui permettent aux enfants de noter de 1 à 5, par un smiley allant du rouge au vert, leur appréciation du plat principal. D’ores et déjà, cette méthode a permis de remonter plus de 71 000 notes de plats depuis septembre 2021. « Une base de données inédite, qui nous apporte un réel éclairage de terrain ! », confirme Sophie Nicklaus.

Si les résultats ne sont pas encore finalisés, des premiers enseignements apparaissent déjà. « Sans surprise », sourit Sophie, « la présence de frites ou de pommes dauphines fait bondir l’appréciation ! Mais ce qui est plus inattendu, c’est que les menus végétariens sont très appréciés des enfants. C’est une donnée à analyser, pour réfléchir à une planification de menus intelligente qui équilibrera la nutrition, l’impact environnemental, la diminution du gaspillage alimentaire, tout en tenant compte de l’appréciation des enfants à table. »

 

Limiter le gaspillage alimentaire en recueillant l’avis des étudiants

Du côté du CROUS de Bourgogne-Franche-Comté, si la place des repas végétariens est désormais solide (proposition d’alternatives végétariennes chaque jour, mise en valeur des repas végétariens chaque lundi et lors des « semaines végétales), un autre défi recueille l’intérêt d’Olivier Braun, responsable du service développement durable au CROUS BFC, et membre actif du club « Engagement durable » de Vitagora : celui du gaspillage alimentaire. En 2019 déjà, nous évoquions sur notre blog plusieurs leviers mis en place : relire notre article ici. Olivier Braun est très positif : « suite à ces premiers leviers, nous avons pu réduire le coût de notre gaspillage de 0,37€/convive à 0,20€/convive aujourd’hui, ce qui est révélateur de nos bons résultats ! »

Mais Olivier Braun ne s’arrête pas là. « Pour aller encore plus loin dans la démarche de réduction du gaspillage alimentaire, nous avons monté un projet avec les entreprises SensoStat et Page Up afin de pouvoir mettre en parallèle les quantités gaspillées et les qualités organoleptiques des repas servis, en recueillant les avis des étudiants… l’idée étant de mieux comprendre l’origine du gaspillage pour l’éviter. »

Le projet GASPPLI, lancé en 2020, avait ainsi pour objectif de développer un système de collecte de données qualitatives et quantitatives relatives à la consommation en restauration collective grâce à une application mobile. « Notre cœur de métier, ce sont les étudiants. C’était impensable de pouvoir agir sur la réduction du gaspillage sans recueillir leurs avis sur les repas servis », explique Olivier Braun.

En décembre 2021, des expérimentations ont été menées par Sensostat au sein du CROUS BFC pour étudier l’impact de cette application développée par Page Up (en savoir plus sur les expérimentations sur cet article). Au total, 1133 évaluations (plat, pain, dessert, etc.) ont été réalisées. Arnaud Thomas, Responsable Recherche & Innovation chez Sensostat, détaille : « le gaspillage alimentaire a été évalué à deux niveaux, de façon totalement anonymisée : par auto-déclaration, directement sur l’application, sur une échelle à 5 échelons entre 0% (assiette vide) et 100% (assiette pleine), et par la différence des pesées réalisées sur les balances connectées au début et à la fin du repas. Le fait d’avoir ces 2 pesées nous a permis d’obtenir un ratio en gaspillage net ».

Si Olivier Braun reconnait qu’il est, pour le moment, trop tôt pour apporter des actions correctives, il identifie déjà de premières tendances. « Certains produits semblent moins prisés par les étudiants et nous devrons l’analyser. En parallèle, nous voyons clairement un problème sur le pain. »

De son côté, l’entreprise partenaire du projet SensoStat réalise également une phase d’analyse spécifique des résultats grâce à une représentation en 2 dimensions des données d’appréciation et de gaspillage, afin d’identifier les recettes les plus prometteuses et celles les plus problématiques.

 

Valorisation des déchets, réduction des emballages : d’autres chantiers à aborder pour une alimentation durable

En parallèle au projet GASPPLI, et à court terme, Olivier Braun envisage d’installer au sein des Resto U’ de Bourgogne-Franche-Comté des bacs de récupération transparents de pain (« GaspiPain ») afin de sensibiliser les étudiants au gaspillage du pain. Il développe également l’équipement des équipes de restauration, avec l’installation de balances connectées dans les restaurants de Dijon (déjà disponibles à Besançon) pour peser les biodéchets afin de les valoriser. « L’un de nos objectifs est de valoriser à 100% nos biodéchets pour « boucler la boucle », que ce soit pour du compostage ou de la méthanisation. L’intégralité des restaurants participeront à cette valorisation des biodéchets », conclut Olivier Braun.  

Sur le sujet de la réduction des déchets, un autre chantier capte l’engagement d’Olivier Braun : celui de l’évolution des pratiques et des comportements quant aux produits d’emballages à usage unique. « Pour être en accord avec les lois Climat résilience et Egalim, nous travaillons à limiter les contenants à usage unique en cafétéria et dans les distributeurs automatiques en proposant notamment des mugs, des gourdes, mais aussi d’autres produits durables pour aborder cette démarche de façon la plus globale possible », explique-t-il. Par exemple, en proposant aussi des « georgettes » (couverts uniques et multi-usages), ou encore des produits à usage unique à base de polymères d’amidon végétal ou de pulpe de canne à sucre. 

« Sélection des ingrédients, avec des achats plus responsables, service en salle et attention donnée au gaspillage, emballages, valorisation des déchets, etc. Favoriser une alimentation saine et durable en restauration collective est possible… à condition de prendre en compte tous les aspects de la restauration », conclut-il.

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