19 oct. 2021

Emotions et choix alimentaires : quelles méthodes pour évaluer leurs liens ?

 

Face à son placard, devant les étals d’un marché ou dans les allées d’une boutique, comment les consommateurs réalisent-ils leurs choix alimentaires ? Comment se prennent les décisions quant à la composition de leurs repas ou de leur caddie ?

Selon certains chercheurs, encore plus que les critères rationnels (comme le prix, la disponibilité, ou des labels de qualité), les émotions jouent un rôle crucial dans la prise de décision des choix alimentaires.

Quels sont les liens entre alimentation et émotions ? Quels sont les outils et les méthodes à votre disposition pour les évaluer ? Le point dans cet article.

 

Emotions : de quoi parle-t-on ?

La notion d’émotion est complexe à définir. Elle est d’ailleurs l’objet d’étude de nombreuses disciplines universitaires : psychologie, sciences cognitives, sociologie, biologie et neurosciences, etc.

Dominique Droger, Cheffe de Projets Études Consommateurs & Sensorielles, et Virginie Herbreteau, Directrice d’études, au sein du département sensoriel d’Actalia, nous apportaient dans cet article des précisions quant à la définition des émotions : différentes des humeurs et des sentiments, les émotions sont de courte durée, et provoquées par un stimulus précis. « Ce que l’on sait des émotions, c’est qu’il s’agit de réactions primaires, non contrôlées, et indépendantes de la cognition. »

La plupart des chercheurs reconnaissent l’existence de 7 émotions primaires : la colère, la tristesse, la joie, la surprise, le dégoût, la honte, et la peur. Dominique et Virginie précisent : « ces 7 émotions n’ont pas vraiment de lien avec l’alimentation : une dégustation ne provoquera pas de peur ou de colère. En revanche, certains ressentis émotionnels, tel que le plaisir, peuvent émerger de la consommation d’aliments. »

 

Emotions et alimentation : des liens multiples

Plusieurs liens existent entre émotion et alimentation.

D'une part, les émotions peuvent avoir un impact dans le choix des aliments que les consommateurs souhaitent manger – et en quelle quantité. Ainsi, dès 1980, Robert B. Zajonc, psychologue américain spécialisé dans la psychologie sociale et les phénomènes de groupe, s’intéresse à la construction des préférences non-rationnelles chez les consommateurs. Il remet en question l’approche du modèle d’Engel, Kollat et Blackwell : une approche logique constituée de 5 étapes (reconnaissance du problème, recherche de solutions, évaluation des options, décision et acte d'achat, évaluation après achat). Depuis, de nombreux chercheurs se sont intéressés au rôle des émotions sur les comportements de consommation, en lien avec de multiples paramètres : les souvenirs, l’état d’esprit, l’intuition, la recherche d’une expérience, de plaisir, les pressions extérieures (temps…), etc… Ainsi, la façon dont s’opère réellement un choix de consommation ne se fait pas toujours de façon consciente, mais selon le ressenti émotionnel que procure une marque ou un produit à un consommateur.

« Désormais, on estime généralement que les émotions jouent à 80% dans la prise de décision d’un consommateur », résument Dominique et Viriginie dans cet article.

D'autre part, ce qu’un consommateur mange peut faire naître en lui des ressentis émotionnels. Mais si le lien « émotions » vers « désirs alimentaires » a déjà été largement étudié (en lien avec l’obésité ou la boulimie par exemple), les liens « aliments » vers « expression d’une émotion » n’a attiré l’attention des chercheurs que plus récemment : nous l’évoquons notamment dans le cadre du projet EDULIA à découvrir ici.

 

Des techniques d’évaluation innovantes

Traditionnellement, la méthode principalement utilisée pour mesurer les émotions suscitées par l’alimentation est celle du questionnaire en auto-déclaration. Un article publié en 2018 dans Frontiers in Psychology (lien ici) tire un panorama exhaustif des outils de mesure utilisés dans ce cadre, en croisant les données de 101 articles publiés entre 1997 et 2016, avec 59 mesures différentes. Le résultat de cette enquête est très parlant : les évaluations et questionnaires auto-déclarés concernent plus de 60% des outils.

Pour lever certaines barrières intrinsèques à l’usage de questionnaires (la langue, la compréhension des instructions ou de la terminologie, le biais de l’auto-déclaration, etc.), d’autres méthodes innovantes sont actuellement développées par les chercheurs. En voici deux exemples.

·       L’utilisation des emojis : lever les barrières de la langue

Certains chercheurs s’intéressent à l’utilisation des « emojis », ou « smileys ». C’est le cas des chercheurs Sara Jaegera (The New Zealand Institute for Plant & Food Research Limited), Leticia Vidal, et Gastón Ares (tous deux de Sensometrics & Consumer Science, Instituto Polo Tecnológico de Pando, Facultad de Química, Universidad de la República, Uruguay), par exemple.

Ils reconnaissent aux émojis 2 atouts principaux : leur interculturalité, et la familiarité des consommateurs avec les émojis – notamment chez les plus jeunes. En effet, 68% des 9-13 ans utilisent régulièrement des émojis : c’est donc pour eux un outil simple et intuitif, qui évoque une démarche ludique. C’est une manière non verbale de transmettre des significations, et donc, des émotions ressenties, ce qui constitue un avantage pour les jeunes enfants (avec des compétences verbales réduites et un vocabulaire limité).

Devant l’intérêt que représentent les émojis en tant qu’outil de mesure, mais également devant leurs limites, Julia Sick s’est penchée en profondeur sur le sujet dans le cadre du programme EDULIA. Elle a ainsi pu développer un outil de mesure d'auto-évaluation basée sur l’émoji pour mesurer les réactions émotionnelles aux produits alimentaires, et a pu tester cet outil chez les pré-adolescents sur des produits alimentaires existants. Découvrez dans cet article les résultats de ses travaux (article réservé aux adhérents de Vitagora – se connecter).

·       L’émotioning : pour valider la cohérence entre une promesse de ressentis émotionnels et la dégustation

Du côté d’Actalia, la discipline de l’emotioning s’est développée depuis 2014, afin d’analyser le profil émotionnel suscité par un produit et son emballage.

L’emotioning peut s’appliquer à tout type de produits qui suscitent des émotions : biscuits apéritifs, chocolats, boissons festives avec ou sans alcool, etc. Très largement utilisé en cosmétique et en parfumerie, Dominique et Virginie regrettent que son application en alimentaire soit encore confidentielle : « les fragrances peuvent susciter des émotions, les arômes des aliments, de même que leur texture, véhiculent également des messages émotionnels qu’il est important de prendre en compte dans le développement d’un produit ».

« Notre utilisation de l’emotioning vise essentiellement à vérifier la cohérence entre un produit et son habillage. Grâce au recours à des méthodes scientifiques auprès de panels de 80 à 100 consommateurs, les résultats de nos analyses apportent beaucoup de crédibilité à un ressenti, à une intuition sur un choix d’emballage ou sur un positionnement de produit. Cela permet de guider le fabricant dans le choix du packaging permettant une bonne cohérence vis-à-vis de la dégustation. »

Plusieurs études menées par Actalia ont ainsi permis à des marques alimentaires de réorienter (ou pas) les choix faits sur le packaging : par exemple, pour des biscuits apéritifs, ou des boissons pétillantes sans alcool. « Nous avons comparé les émotions ressenties au vu des deux habillages. Et la différence était très nette ! », se rappellent Dominique et Virginie. « Le nouvel habillage imaginé par la marque ne correspondait pas à la dégustation qu’en ont fait les consommateurs, ni à leurs attentes. »

 

Pour aller plus loin

Pour en savoir plus sur le sujet des émotions en lien avec l’alimentation, lire également nos articles suivants :

 

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